Radiologie conventionnelle

Chapitre IV: Entre source et   détecteur

IV.B.Interaction du faisceau avec le corps humain.

 

1) Fluence énergétique.

 

La quantité d’énergie émise à l’anode sous forme de rayons X est connue à une constante près (ChIIIA §2.c) Elle vaut E=kZV²it. La filtration et la collimation, en interceptant une certaine proportion du faisceau, affectent sans doute la constante k mais ne modifient pas la loi de base. On peut donc considérer que cette loi s’applique au faisceau dans son trajet entre le boîtier source et le patient.

S’agissant du patient, la question intéressante est de voir comment cette énergie se distribue sur la surface exposée. Par définition, on appelle fluence énergétique l’énergie déposée par le rayonnement par cm² de surface traversée. Pour un faisceau qui présente une certaine ouverture, il est clair que la fluence dépend de la distance d considérée : Plus on s’éloigne, plus la surface exposée augmente alors que la quantité d’énergie reste inchangée.

 

fluence énergétique

 

Quand d augmente, la surface augmente dans la même proportion qu’une sphère qui serait centrée sur le point source. Elle varie donc comme le carré de la distance, ce qui donne pour la fluence énergétique, à une constante K près, différente de la constante k ci-dessus :

 

 

RadConv IVB 2bis 

Prenant en compte la dimension temporelle, l’énergie par cm² de surface et par seconde d’exposition est dite intensité rayonnée. Il est clair qu’une énergie par cm² et par seconde peut être vue de façon équivalente comme une fluence par seconde ou comme une puissance par cm².

 

 RadConv IVB 12bis

 

En radiologie ces formules sont d’application directe au niveau de la surface exposée du corps du patient. Elles décrivent le faisceau d’entrée. On conclut qu’aux trois paramètres de fonctionnement du tube, à savoir V (les kV), i et t (ou le produit it exprimé en mAs) s’ajoute un quatrième paramètre, spatial celui-là, à savoir la distance d entre le foyer et la face exposée du corps.

 

exposition

 

 

2) Interaction avec le corps.

 

Dans sa traversée du corps le faisceau s’atténue progressivement selon les différents processus physiques que nous avons longuement étudiés par ailleurs et rappelés au ChID §2 . La création de paires n’est pas à prendre en compte ici puisqu’elle suppose des énergies supérieures au MeV, ce qui est très largement au-delà de ce qui est pratiqué en radiologie. La diffusion de Rayleigh est présente mais vu sa faible probabilité elle ne joue pas de rôle important à ce niveau. En définitive la discussion se limite aux effets photoélectrique et Compton, responsables de l’essentiel de l’atténuation.

 

interactions avec le corps

 

A la sortie du corps, l’intensité restante, ou partie transmise, est formée des photons qui n’ont subi aucune interaction sur leur trajet. Ce sont eux qui sont susceptibles d’aller impressionner le film. C’est parce que la transmission varie de point en point que la radiologie a une raison d’être, car s’il en est ainsi c’est que les photons traversent des tissus de natures différentes, de densités différentes et d’épaisseurs différentes.

 

a) Différences selon les tissus.

 

Pour entamer la discussion sur les contrastes en radiologie, il est d'usage de considérer dans un premier temps deux classes de tissus seulement: les tissus mous d'une part, les tissus osseux d'autre part. Non pas que les ambitions de la radiologie moderne se limitent à cela, mais l'étude de contrastes moins affirmés revient à reprendre les mêmes critères en les affinant autant que faire se peut, avec pour limite extrême le cas très particulier et très délicat de la mammographie qui fera l'objet d'un chapitre dédié. Outre les tissus mous et osseux, le milieu gazeux "air" est aussi à considérer puisqu'il intervient à l'évidence dans la graphie des poumons, mais l'absorption des rayons X y est nulle en bonne approximation de sorte que ce milieu ne doit pas être pris en compte ici.

Comme signalé ci-dessus, l'intensité transmise dépend de trois caractéristiques de la matière traversée: sa densité, sa nature et son épaisseur. Plutôt que de faire appel au coefficient d'atténuation µ, il est intéressant d'utiliser le coefficient d'atténuation massique ξ, tel que µ = ρξ, où ρ est la masse spécifique. De fait, le lien entre l'intensité transmise It et l'intensité initiale I0 étant donné par

 

 

RadConv IVB 5bis 

…on sépare clairement dans le produit ρξx les trois paramètres matériels de base: la densité donné par ρ, la nature du matériau représentée par ξ, et la variable d'épaisseur x.

L'épaisseur x est très variable d'une application à l'autre. La densité des tissus mous est souvent proche de celle de l'eau, soit 1, alors que la densité des os se situe entre 1,7 et 2. Pour simplifier, on admettra que les os sont deux fois plus denses que les tissus mous. Les coefficients d'atténuation quant à eux sont très dépendants de l'énergie des rayons X, ce qui mérite qu'on s'y attarde.

Les graphes ci-dessous montrent la variation de ξ en fonction de l'énergie des rayons X, pour les muscles d'une part et pour les os d'autre part. Il est bon de rappeler que lorsque le tube est réglé sur 100kV par exemple, ce sont les électrons qui ont une énergie de 100keV, alors que les rayons X dans le faisceau filtré ont une énergie moyenne de 30 à 40 keV, ce qui correspond grosso modo au milieu des graphes. (Voir la source ici)

 

 

RadConv IVB 6bis

 

 

La limite gauche des graphes correspond à une énergie de 10keV. En ce point, le coefficient pour les muscles est proche de 5cm²/g. Pour ρ=1g/cm³ et x égal à quelques centimètres d'épaisseur, on obtient une absorption très importante. On est donc là dans une région d'énergie de contraste nul puisque même les tissus les moins absorbants apparaissent quasi opaques.

La limite droite des graphes est de 100keV, ce qui signifierait des tensions tube de l'ordre de 300kV. A supposer que cela soit techniquement possible, on voit que cela serait aussi inutile puisque le milieu le plus absorbant, le milieu osseux, présente des coefficients de 0,2 cm²/g environ ce qui signifie qu'il devient lui aussi transparent aux rayons.

Par contre, au milieu de graphe, vers 30 ou 40 keV, le milieu osseux reste très absorbant (ξ≈0,2cm²/g), alors que les tissus musculaires sont dans une région d'absorption sensible (pour ξ=0,2cm²/g, ρ=1g/cm³ et x=5cm, on obtient It»0,35 I0,). On voit là que la région de fonctionnement standard du tube n'est pas liée à des considérations ou limitations techniques, mais qu'elle est vraiment celle qui convient à la différenciation des tissus biologiques par la voie des rayonsX .

On constate par ailleurs que pour les os l'effet Compton est négligeable. A peu de chose près l'atténuation n'est due qu'à l'effet photoélectrique PE. Pour le muscle par contre, et cela est vrai pour l'ensemble des tissus mous, les effets Compton et photoélectrique font jeu égal dans la région intéressante et le Compton l'emporte même largement dans la zone qui s'étend de 50keV à 100keV et couvre la partie haute du spectre d'émission des rayons X. Autrement dit la diffusion Compton est tout à fait importante dans ce qui fait la plus grande partie du volume du corps. Ce problème ne peut être négligé.

 

b) Rayonnement diffusé.

 

La diffusion Compton contribue au contraste entre tissus, mais là s'arrête sans doute son rôle positif. Pour le reste on ne peut négliger ses effets négatifs liés à l'émission dans toutes les directions de rayons X de diffusion plus ou moins mous. Elle contribue à disperser la dose patient dans des zones du corps largement en dehors du trajet faisceau. Elle constitue un problème de protection pour le radiologue ou technologue qui aurait à se tenir à proximité du patient. Elle impressionne le film sur toute sa surface de façon homogène, ce qui l'apparente à un bruit de fond et détériore la qualité de l'image.

L'importance du rayonnement diffusé dépend fortement du volume traversé par le faisceau, c'est-à-dire au produit SD, surface exposée S multipliée par l'épaisseur D

 

RadConv IVB_7

 

Le paramètre surface est en partie imposé par la région à explorer mais aussi en partie opérateur-dépendant puisqu'une bonne collimation peut optimaliser sa valeur. Le paramètre D est en général une contrainte, souvent influencée par la corpulence du patient.

 

c) Durcissement du faisceau.

 

Durant la traversée du corps, les rayons X les plus mous sont plus absorbés que les rayons X de haute énergie. Le faisceau se durcit donc progressivement. La partie transmise, qui est aussi celle qui sera détectée, est décalée vers les hautes énergies.

 

durcissement du faisceau

 

Le graphe ci-dessous montre un spectre obtenu sur cible de tungstène à 60kV de tension, valeur assez basse et raison pour laquelle on ne voit pas les pics caractéristiques qui se situent juste au-dessus. Les courbes sont obtenues respectivement avant et après la traversée de 9,5cm de tissus mous et 0,5cm d'os. Attention: chaque courbe a été normalisée à l'unité pour sa valeur maximum afin de bien montrer le déplacement du centre de gravité. En valeur absolue, les intensités de la courbe de droite devraient être contenues sous la courbe de gauche.

 

 RadConv IVB 9

 

 

3) Image radiante et fluence sortante.

 

A la sortie de l'organisme, le faisceau contient déjà toute l'information puisqu'il est modulé de point en point selon les matériaux traversés. L'image à construire est donc déjà présente virtuellement à ce niveau. Elle est dite image radiante.

 

image radiante

 

La fluence sortante (rappel: fluence=énergie/cm²) ne répond certainement plus à la formule vue au §IVB1 pour la fluence entrante. Elle ne connaît d'ailleurs pas de valeur simple puisque par définition elle dépend de la région anatomique traversée et surtout elle varie de point en point. Tout au plus peut-on étudier la dépendance de la valeur moyenne de F en fonction des paramètres de travail: V, i, t et d. Certains auteurs estiment que cette valeur moyenne suit une loi semblable à la fluence entrante avec toutefois une différence très remarquable: une variation en la puissance 5 de V plutôt qu'en puissance 2.

 

 

RadConv IVB 11bis 

Une variation en puissance 5 est extrêmement rapide. Passer de 100kV à 90kV par exemple diminue l'énergie d'un facteur 2! Par contre les dépendances en i, t et d restent inchangées.

 

(4) Problèmes autres).

 

Les questions suivantes seront plus tard traitées ici ou se retrouvent dans d'autres cours:

  • Lois des projections
  • Flous géométrique et cinétique
  • Produits de contraste
  • Etc…