Imagerie par   résonance magnétique (IRM)

Chapitre II: Préalables en   mathématiques.

II.A. Fonctions cycliques

 

1) Sinus et cosinus

Soit un cercle de rayon R=1 centré sur l’origine d’un système d’axes (x,y). Soit un rayon particulier qui intercepte le cercle en un point P et qui définit, avec le demi-axe des x positifs, un angle θ. Par définition, le cosinus (cos) et le sinus (sin) de cet angle θ sont respectivement les coordonnées x et y du point P.

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On voit que lorsque θ vaut zéro (le point P est sur l’axe x), le cosinus vaut 1 et le sinus vaut 0. Lorsque θ augmente progressivement le cosinus commence par diminuer alors que le sinus augmente. Quand θ vaut π/2, ils valent respectivement 0 et 1, puis -1 et 0 pour θ=π, 0 et -1 pour θ=3π/2, pour reprendre leurs valeurs de départ 1 et 0 après un tour complet correspondant à θ=2π. Si θ balaie un deuxième tour de 2π radians, puis un troisième et ainsi de suite, les fonctions parcourent à nouveau les mêmes valeurs et cela indéfiniment, d’où le nom de fonction cycliques, ou périodiques. Un relevé plus complet de valeurs ferait apparaître les graphes très typiques de ces fonctions cosinus et sinus :

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De façon générale il faut envisager pour le rayon n’importe quelle valeur R, auquel cas les coordonnées de P se voient multipliées par R.

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Le coefficient d’une fonction sinus ou cosinus, ici R, est appelée son amplitude.

2) Phase

A la réflexion, le fait de définir les angles au départ du demi-axe des x positifs apparaît totalement arbitraire. Cela peut se faire tout aussi bien au départ d’un rayon qui fait lui-même un angle φ avec l’axe x, sachant que les définitions « cosinus » et « sinus » ne peuvent changer quant à elles : Il s’agit toujours des coordonnées x et y du point P (les mathématiques apprécient peu l’arbitraire !).

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La différence entre θ et φ doit être bien comprise : φ est une valeur fixe, une constante choisie au départ alors que θ est une variable qui peut prendre n’importe quelle valeur. L’angle φ est appelé phase de la fonction. On voit qu’il s’agit en réalité de se laisser la liberté de choisir comme on veut la position zéro pour la variable θ.

Les graphes des fonctions sinus et cosinus sont les graphes donnés ci-dessus au §1 mais décalés (on s’habituera à dire « déphasés » !) d’un angle φ.

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Vu comme cela, il apparaît que les graphes des fonctions sinus et cosinus sont identiques mais décalés d’un quart de tour, ou plus précisément déphasés de φ=-π/2, ce qui est bien connu en mathématiques au travers de la relation dite des angles complémentaires sinθ=cos(θ-π/2). C’est la raison pour laquelle dans des parties importantes de la physique on utilise indifféremment l’une ou l’autre fonction. En physique des ondes par exemple on trouvera des ouvrages qui se servent uniquement du sinus, alors que d’autres optent pour le cosinus. C’est vrai aussi en IRM !

3) Période et pulsation

Dans bien des domaines on a affaire à une variable θ qui varie dans le temps selon la loi linéaire simple θ=ωt. Le paramètre ω est la pulsation, qui s’exprime en radians/s. Par exemple dans un mouvement circulaire uniforme, où un mobile tourne en rond à vitesse constante, la pulsation n’est rien d’autre que la vitesse angulaire de rotation.

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La période T est le temps nécessaire pour accomplir un cycle. Puisque θ=ωt et que le cycle de θ est de 2π, on a donc T=2π/ω.

La fréquence f est le nombre de périodes comprises dans une seconde. Elle vaut donc f=1/T=ω/2π. La fréquence s’exprime en s-1 ou en Hertz Hz (les deux unités sont tout à fait équivalentes : 1 Hz signifie qu’un cycle s’effectue en une seconde).

Outre les mouvements de rotation, de nombreux phénomènes présentent des variations dans le temps de type sinusoïdal, en particulier les mouvements périodiques (Ex : pendule, ressort) et bien entendu les ondes. Le genre d’équation déduite ci-dessus, ainsi que les paramètres et le graphe associés sont donc fondamentaux à plus d’un titre :

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Aucune unité n’a été attribuée à la grandeur A(t) et à son amplitude A0 car de nombreuses variables peuvent suivre cette loi. Il peut s’agir d’un angle, d’une force, d’un courant, d’un champ ou de bien d’autres choses encore.

En IRM la précession de Larmor des protons est un phénomène de rotation qui peut être décrit par deux composantes sinusoïdales. Il en est de même de l’aimantation transverse associée. Dans les antennes radio-fréquences, les courants inducteurs ou induits, ou encore les champs magnétiques émis ou reçus, oscillent dans le temps selon ce type de loi. Mais là où la relation A=A0cos(ωt+φ) se révélera particulièrement précieuse, ce sera dans le codage spatial de l’image IRM. Le fait est que pour construire une image il faut pouvoir identifier chaque pixel au travers de ses coordonnées x et y et lui attribuer un niveau de gris lié à l’intensité d’un signal. Or une antenne réceptrice ne peut observer que des signaux sinusoïdaux avec leurs caractéristiques définies ci-dessus. La base de la technique, tout à fait originale de ce point de vue, sera d’associer une valeur de pulsation ω à une coordonnée spatiale, par exemple x, une valeur de phase φ à l’autre coordonnée spatiale, et l’amplitude A à un niveau de gris ! Cela fait l’objet du chapitre IV.

A noter que dans la grande majorité des ouvrages traitant de l’IRM le paramètre ω est appelé fréquence, alors qu’il s’agit en réalité de la pulsation. Il est vrai que la différence entre les deux est un simple facteur multiplicatif (ω=2πf). Il est vrai aussi que la notion de pulsation n’est pas des plus familières et que par ailleurs l’utilisation de f dans l’exposé entraînerait une multiplication lourde de facteurs 2π. Il y a donc là un abus de langage mais qui simplifie la vie et ne fait pas trop de problèmes… à condition d’en être conscient. Nous en ferons nous même usage dans les pages de ce site !

4) Longueur d’onde et nombre d’onde

Les fonctions cycliques s’appliquent bien sûr à des variables autres que temporelles, en particulier à des variables spatiales. La figure ci-dessous représente la photo d’une tôle ondulée. Il n’est pas certain que le profil de cet objet suive exactement la fonction mathématique « sinus » mais nous supposerons que c’est le cas. La distance entre deux sommets est la longueur d’onde (notation λ, unité m). La longueur d’onde est à l’espace ce que la période est au temps.

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Soit donc un axe des x passant au travers du profil, et soit y la hauteur de la courbe par rapport à cet axe. On aurait alors :

y = y0 cos(kx + φ)

…où k=2π/λ est par définition le nombre d’ondes (unité m-1). Ce paramètre mesure, à un facteur 2π près, le nombre d’ondulations par unité de longueur. Il est le parfait analogue de la pulsation ω qui mesurait le nombre d’oscillations par seconde… à un facteur 2π près !

Le nombre d’ondes k se révèle fort intéressant dans le traitement des images, ce qui apparaîtra mieux plus loin, une fois qu’aura été vue la notion de transformée de Fourier. La transformée de Fourier d’une image donne ce qu’on appelle l’espace des k. En IRM cette notion est très exploitée car il se fait que la technique fournit un moyen rapide et élégant de remplir l’espace des k qui, après traitement, restituera l’image. Dans ce cadre il n’est pas mauvais de raisonner un peu plus en profondeur sur la photo ci-dessus, ou plus exactement l’image qu’elle propose. Le fait d’associer une fonction cyclique au profil de la tôle est intéressant en soi mais il s’agit là de décrire la géométrie de l’objet photographié et non pas la photo en tant que telle, la photo en tant qu’image. En regard de la technique du traitement des images il est plus pertinent de s’intéresser à une ligne horizontale de la photo et de constater qu’en la parcourant de gauche à droite la teinte grisée oscille très régulièrement de niveaux clairs vers des niveaux plus foncés et inversement. Les « niveaux de gris » présentent une variation sinusoïdale ! (L’exemple ci-dessous est sans doute imparfait de ce point de vue mais le concept associé est fondamental et sera traité plus longuement en temps opportun).

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5) Ondes progressives

Le contenu de ce paragraphe n’est pas directement applicable à l’IRM mais il est de nature à illustrer le parfait parallélisme entre les oscillations temporelles et les ondulations spatiales.

Une onde progressive est une onde générée par une source et qui partant de là se propage dans toutes les directions à une vitesse précise qui lui est propre. La plupart des ondes progressives sont de nature matérielle, en ce sens qu’elles sont transmises par des atomes qui se mettent en vibration et transmettent leur mouvement à leurs voisins. C’est le cas du son, des ondes sismiques, des ronds dans l’eau, des vibrations des cordes et des membranes. La grande exception à cela est la lumière, capable de se propager dans le vide car il s’agit en réalité d’un champ électromagnétique dont la variation génère la progression (C’est Maxwell qui a expliqué cela au 19ème siècle, mais il n’est pas approprié d’en dire beaucoup plus ici !)

Les ondes progressives ont une double nature ondulatoire, une temporelle et une spatiale, ce qui se marque dans l’équation qui les décrit :

 

A = A0 cos(ωt + kx)

Pour illustrer cette double nature ondulatoire l’exemple simple des “ronds dans l’eau” convient fort bien : Une pierre jetée dans l’eau génère à la surface des vagues circulaires qui se propagent dans toutes les directions du plan. Soit donc un système d’axes centré sur le point source et soit à s’intéresser à ce qui se passe le long de l’axe des x. La hauteur des points de surface qui s’alignent sur cet axe obéit à l’équation ci-dessus et présente bien les deux caractéristiques, temporelle et spatiale. En effet :

1°) Un bouchon qui se trouverait à une distance x bien précise de la source oscille dans le temps avec une pulsation ω donnée. Le temps est la variable, x est fixé et kx est la phase du mouvement. Plusieurs bouchons situés à des x différents oscilleraient avec la même période T mais avec des phases kx différentes.

 

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2°) Une photo prise à un instant t donné montrerait que le long de l’axe les points de surface se disposent sur une courbe de type sinus avec une longueur d’onde donnée. La coordonnée x est la variable, t est fixé et ωt est la phase de l’onde spatiale. Plusieurs photos prises à d’autres instants montreraient des vagues dont les crêtes seraient toujours distantes de la même longueur d ‘onde λ mais avec des phases ωt différentes.

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Ce dernier point est particulièrement intéressant dans le cadre du traitement des images. Dans la photo ci-dessous, la ligne de pixels qui s’aligne sur l’axe x présente des teintes de bleu qui varient régulièrement selon une fonction sinus caractérisée par la longueur d’onde λ et le nombre d’onde k. Il apparaîtra plus loin qu’une image quelconque peut être décortiquée en une série de valeurs de k de la même façon qu’un signal quelconque variant dans le temps peut être décomposé en une série de fréquences.

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