Physique pour la médecine

...la théorie!

 

 

Physique nucléaire.

Chapitre III: Radioactivité des noyaux.

 

III.A.Modes de désintégration

 

Le chapitre précédent exposait les raisons qu’ont les noyaux d’être instables et d’évoluer, s’ils le peuvent, vers des états d’énergie plus basse. Il s’agit à présent de voir comment cela peut se faire concrètement. Les trois modes principaux sont, avec certaines variantes et nuances qui seront précisées, les modes dits de radioactivité alpha, bêta et gamma. Cette appellation est purement historique ; elle date de l’époque de leur découverte où on ne les comprenait pas encore en profondeur. On a gardé cette appellation, même si de nos jours on en connaît bien les mécanismes, ce qui ne fait pas problème étant donné que ces phénomènes sont de nature différente : La radioactivité alpha relève de l’interaction forte, la bêta de l’interaction faible et la gamma de l’électromagnétisme.
Puisqu’il s’agit pour un noyau de descendre en énergie, mais que dans tout phénomène physique l’énergie totale doit être conservée, il faut que la différence d’énergie entre l’état de départ et l’état final soit éliminée vers l’extérieur. C’est ainsi que lors de chaque désintégration une ou plusieurs particules seront émises, particules chargées d’emporter avec elles l’excès d’énergie. Ce sont ces particules qui feront tout l’intérêt, ou le danger, des nombreuses applications de la radioactivité.

Emission d'une particule radioactive (principe)

1) Radioactivité alpha

 

a) Formule générale

 

Dans la désintégration alpha la particule émise, qui sera donc appelée particule alpha, est en fait l’équivalent d’un noyau d’hélium-4, soit un petit agglomérat de deux protons et de deux neutrons. Ce système est très symétrique et particulièrement stable (il s’agit là d’une exception remarquable à la règle énoncée précédemment selon laquelle les noyaux légers sont hauts en énergie).
Puisqu’elle est faite de quatre nucléons, la masse d’une particule α vaut donc à peu de chose près quatre fois la masse du proton et huit mille fois la masse d’un électron. Dans le monde des particules on a donc là un objet particulièrement lourd, encore que si on le voit comme un noyau, ce qu’il est en réalité, il apparaît plutôt léger.
Sa charge électrique est aussi évidente : Etant faite de deux protons et de deux neutrons, la particule α est doublement chargée positivement : qα = 2 qp = 2e =3,2 10-19C
Lors d’un événement de ce type, le noyau résiduel est fait du noyau de départ diminué de ce que la particule emporte avec elle, ce qui donne la formule générale :

 

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On constate entre autres que du point de vue chimique le résidu se situe dans la table de Mendeleev deux cases en dessous du noyau initial. Par exemple le radium-226 (Z=88) donnera du radon-222 (Z=86)

 

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[
Tant qu’à faire, cet exemple illustre ce qu’on appelle en radioprotection le problème du radon. Dans certaines régions où le sous-sol est de nature granitique, le radium-226 se trouve fixé dans la roche, où il génère son noyau « fils ». Problème 1 : le radon est un gaz rare qui n’a pas d’affinité chimique, se met donc à errer dans le sol et finit par émerger à l’air libre. Problème 2 : il est lui-même radioactif alpha. Il peut ainsi se faire que dans les caves de certaines habitations le radon s’accumule au-delà des doses admissibles. Les régions soumises à ce risque sont bien connues et contrôlées en conséquence.

]

 

b) Noyaux concernés

 

Les isotopes qui subissent la désintégration α se situent tous dans la région des masses élevées. Ce sont ceux qui tendent à rejoindre la région des masses moyennes en glissant le long de la diagonale principale du plan N-Z (Partie gauche du schéma ci-dessous). Ce mode de transformation leur convient bien puisqu’un retrait de 2 protons et de deux neutrons le conduit précisément un peu plus bas sur cette diagonale (Partie droite du schéma).

 

Radioactivité: désintégration alpha

Lorsqu’un noyau se désintègre, le résidu, qu’on appelle le noyau fils, est souvent lui-même émetteur α. Il existe ainsi plusieurs grandes filiations radioactives qui de noyau père en noyau fils amènent progressivement le système vers la région de stabilité. La chaîne s’arrête lorsqu’elle atteint un état définitivement stable, souvent un isotope du plomb. Voici par exemple la famille de l’uranium-235, qui commence à vrai dire par le père de celui-ci :

 

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On voit que de temps à autre c’est une désintégration β qui se produit. La forme incurvée de la courbe de stabilité explique cela, ce qui apparaîtra mieux au §III.A.2.

 

c) Aspects cinématiques.


La cinématique d’une émission α est très accessible et instructive. Elle s’apparente au problème de physique dit de la balle et du fusil : D’un ensemble au départ immobile émerge un objet de masse faible mais de haute vitesse (la balle) alors que le résidu qui conserve l’essentiel de la masse (le fusil) recule à faible vitesse. On supposera qu’ici aussi le noyau initial X est au repos, même si ce n’est pas tout à fait vrai à cause de l’agitation thermique. Lors de la désintégration la particule α est éjectée à haute vitesse alors que le noyau résiduel Y recule en sens opposé.

 

Cinématique d'une désintégration alpha


Dans ce genre de phénomène la physique impose que soient conservées deux quantités importantes :
1°) Quand il n’y a comme ici que des forces internes au système qui jouent, alors la quantité de mouvement p=mv doit être la même avant et après.

 

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…ou, si on admet vx=0 :

 

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…ce qui veut dire que les deux objets partent à l’opposé l’un de l’autre (le signe moins) et que les vitesses sont en proportion inverses des masses. La particule α, beaucoup plus légère que Y, acquiert une vitesse élevée.
2°) Doit également être conservée la quantité qui elle est conservée en toutes circonstances, à savoir l’énergie totale. Ici l’énergie d’une particule doit faire apparaître son énergie de mouvement mv²/2 et son énergie de masse mc².

 

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Si on prend vX=0, si on néglige l’énergie cinétique de Y (vitesse faible) et si on pose E=mαα/2, on obtient :

 

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Ce qui signifie que la particule emporte avec elle le bilan des masses, à savoir la différence entre la masse initiale et les masses finales. On a là une belle illustration de l’équivalence masse-énergie.
Mais la conclusion la plus intéressante vient du principe mathématique selon lequel un système de n équations à n inconnues n’admet qu’une solution. Nous avons ci-dessus deux équations de conservation et deux inconnues vα et vY, qui donc ne peuvent avoir qu’une seule valeur pour une masse de départ mX donnée. Toutes les particules alpha émises par un isotope donné ont la même énergie. Le spectre d’émission est dit monoénergétique. Le plus souvent cette énergie se situe entre 2 et 9MeV, mais il ne s’agit pas là d’une règle stricte.

 

Spectre d'émission alpha


Un système électronique conçu pour mesurer et enregistrer un paramètre physique ne le traite jamais de façon parfaitement continue. Il le sectionne toujours en tranches plus ou moins fines, ici des tranches d’énergie ΔE. Dessiner le spectre d’énergie d’un ensemble de particules revient à préciser le ΔN/ΔE, à savoir le nombre ΔN de particules par tranche d’énergie ΔE, en somme leur distribution en énergie. Des particules monoénergétiques devraient en principe tomber toutes dans la même case pour former ce qu’on appelle une raie. En pratique cependant il faut compter avec des fluctuations qui interviennent soit au niveau du phénomène physique lui-même soit au niveau du système de détection. Le résultat est un pic en forme de cloche plus ou moins large.

 

d) Spectre d’émission

 

Certains isotopes présentent des spectres d’émission α constitués de plusieurs raies d’énergies différentes. Cela se produit lorsque, chez le noyau fils, l’état fondamental n’est pas le seul qui soit plus bas que le noyau père mais que cela soit vrai aussi pour un ou plusieurs états excités. Dans ce cas la transition peut se faire vers l’un comme vers l’autre, selon une loi de probabilité et donc des intensités d’émission typiques de chaque isotope, ce qui est évoqué dans le schéma ci-dessous par la hauteur des raies. Par ailleurs, plus l’état final est élevé, plus la différence d’énergie emportée par la particule est faible.

Spectre d'émission alpha (2)


e) Fission spontanée

 

Une particule α n’est rien d’autre qu’un morceau du noyau initial qui se voit éjecté à haute énergie vers l’extérieur. Il serait donc parfaitement légitime de parler à ce propos de fission nucléaire. Pourtant, ce n’est pas l’usage. L’usage veut que ce mot soit réservé à ce phénomène rare mais très intéressant qu’est la fission spontanée de certains noyaux, le plus connu étant l’uranium-235 qu’on utilise comme combustible dans les centrales électriques.
Dans la fission spontanée la brisure se fait non pas en un petit morceau et un résidu lourd mais en deux gros morceaux. Se retrouvant beaucoup plus bas dans la table des nuclides, le système est obligé de libérer aussi deux ou trois neutrons qui se trouvent comme on l’a vu en excès dans les noyaux très lourds. Or il se fait que si un de ces neutrons libres rencontre sur son chemin un autre noyau fissile il peut avec une haute probabilité induire la fission de celui-ci, ce qui va libérer de nouveaux neutrons capables à leur tour d’agir sur d’autres noyaux… On a là le principe de la réaction nucléaire en chaîne, très rapide, grande productrice d’énergie et dont la seule limitation est le nombre de noyaux fissiles disponibles.

Fission spontanée

En ce qui concerne l’uranium-235, il n’est présent dans l’uranium naturel qu’en faible proportion, moins d’un pour-cent, trop faible pour qu’on puisse exploiter les réactions en chaîne. Il faut donc enrichir artificiellement le matériau, à l’ordre de 4% pour son utilisation dans des réacteurs et centrales, beaucoup plus (80%) pour des applications militaires.

 

2) Radioactivité bêta

 

La radioactivité bêta présente deux modes, le bêta-moins et le bêta-plus, qui correspondent chacun à l’un des flancs de la vallée évoquée au §II.D.1. C’est l’une des rares manifestations d’une des forces fondamentales de la nature, l’interaction faible.

 

a) Radioactivité bêta-moins

 

          1° Formule de désintégration

 

La particule radioactive β- n’est autre que l’électron. C’est donc un objet familier, dont on connaît la masse et la charge, mais qui en fait n’est pas la seule particule à être émise lors d’une désintégration. Simultanément apparaît un neutrino ν, ou plus précisément dans le cas du β- un antineutrino ν˜ . Le neutrino n’a pas de charge ni de masse (encore qu’aujourd’hui on lui soupçonne une faible masse) ce qui est aussi le cas du photon, mais alors que celui-ci transporte un champ électromagnétique qui lui permet d’interagir facilement avec la matière, le neutrino ne peut lui compter que sur l’interaction faible. Et c’est peu dire que de parler de force faible : Pour un neutrino la terre entière est quasiment transparente, il pourrait la traverser plusieurs dizaines de fois sans être arrêté. On ne peut échapper au très abondant flux de photons que nous envoie le soleil, on sait peu que notre étoile nous envoie des neutrinos en plus grande quantité encore. Nous y sommes insensibles parce que tout cela nous traverse sans effet aucun. Il faut de grands détecteurs placés dans des flux importants pour pouvoir observer de temps à autre un neutrino et en mesurer les propriétés.
La désintégration β- la plus simple est celle du neutron isolé, le neutron libre, qui se transforme en proton en émettant comme on l’a dit un électron et un antineutrino :

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De nombreux isotopes effectuent cette transition selon le même principe de transformation d’un neutron en proton. Le noyau résiduel comprend donc toujours un neutron de moins et un proton de plus, ce qui laisse inchangé le nombre A de nucléons.

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Puisque Z est augmenté de une unité le noyau final est un isotope de l’élément situé une case plus haut dans la table de Mendeleev. Par exemple le tritium aboutit à l’hélium-3 :

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          2° Noyaux concernés

 

Les noyaux qui utilisent ce mode de transition sont les noyaux à excès de neutrons, ceux qui dans la table des nuclides se situent trop bas et tendent à rejoindre la ligne de stabilité par le chemin le plus court, à savoir la diagonale secondaire à 45°. Le schéma ci-dessous montre qu’en les faisant glisser d’une colonne vers la gauche (un neutron de moins) et d’une ligne vers le haut (un proton de plus) l’évolution se fait exactement dans la bonne direction.

Radioactivité: désintégration bêta-moins

Contrairement à la radioactivité α qui ne concerne que des noyaux très lourds, la radioactivité β se manifeste quant à elle dans toutes les gammes de masse. Par ailleurs on a ici aussi des filiations en cascade, chaque noyau fils pouvant à son tour se montrer émetteur β jusqu’à atteindre un isotope stable au creux de la vallée.

          3° Spectre d’émission

 

Dans une désintégration α, une seule particule emporte avec elle l’énergie de transition ce qui résulte en un spectre simple mono-énergétique. Dans le mode β l’électron et le neutrino se partagent le gâteau, et comme ils peuvent le faire de bien des façons différentes le spectre d’énergie des électrons, seules particules intéressantes en pratique, s’en trouve radicalement modifié. Lorsque le neutrino emporte la plus grande part de l’énergie il n’en reste que peu pour l’électron qui se retrouve dans la partie basse du spectre. Lorsque le neutrino n’en prend qu’une faible partie, c’est l’électron qui est favorisé. Et comme toutes les combinaisons sont possibles on obtient un spectre continu entre E=0 et une valeur maximum limite qui n’est rien d’autre que l’énergie totale de la transition. Ce qui est fixé par contre c’est la probabilité avec laquelle chaque combinaison apparaît, ce qui donne au spectre une forme très précise en forme de cloche asymétrique. Cette forme, qui apparaît ci-dessous, doit être vue comme une caractéristique de base de la désintégration β.

Spectre d'émission bêta-moins

Comme pour le cas α il peut se faire qu’un même isotope présente plusieurs transitions β pour peu que le noyau fils possède l’un ou l’autre état excité situé sous l’état fondamental du noyau père. Dans ce cas le spectre final peut se révéler assez complexe puisqu’il est la superposition de plusieurs spectres simples d’énergies différentes.

Spectre d'émission bêta (2)

b) Radioactivité bêta-plus

          1° Une transition symétrique de la β-

 

La désintégration β+ est symétrique de la β- pour les noyaux trop hauts en Z et qui pour descendre en énergie et se rapprocher de la ligne de stabilité tendent à transformer un proton en un neutron. Perdant un proton ils glissent d’une ligne vers le bas dans la table des nuclides alors que le gain d’un neutron les porte vers la colonne de droite. La transition globale s’opère donc dans la bonne direction.

Radioactivité: désintégration bêta-plus

Contrairement au neutron isolé le proton seul ne peut opérer la transformation puisque sa masse est légèrement inférieure à celle du neutron, mais par contre au sein du noyau il peut extraire de son voisinage immédiat le peu d’énergie qui lui fait défaut.
Le paragraphe précédent évoquait le fait que l’émission β- faisait apparaître un antineutrino. Ici c’est un neutrino qui est émis alors que l’électron est remplacé par son antiparticule à lui, le positron. A toute matière correspond de l’antimatière, à toute particule correspond une antiparticule, à l’une ou l’autre curiosité près comme le photon qui est son anti-lui-même. Le positron possède la même masse (511keV/c²) que l’électron mais sa charge est opposée et est donc identique à celle du proton (+e). Autrement dit le proton qui tend à devenir neutron trouve là un moyen simple d’éliminer sa charge électrique à faible coût, à savoir une particule qui lui est 2000 fois plus légère.
Le mot positron est parfois rencontré, surtout dans les ouvrages francophones, sous sa variante positon. Cela date de l’époque pionnière où il avait d’abord été proposé de garder électron comme terme générique pour les deux particules miroirs mais d’appeler l’une négaton et l’autre positon. Négaton n’a jamais eu de succès franc, positon a subsisté ici et là mais pour le coup paraît un peu hybride.
La formule générale pour une transition β+ est donc :

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Par exemple :

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…exemple important puisque dans la technique du PET-scan, basée exclusivement sur l’usage d’émetteurs positrons, le fluor-18 est l’un des isotopes les plus utilisés (Voir le sujet « scintigraphie »).
Le spectre d’émission β+ est semblable au spectre β- : une courbe asymétrique s’étendant continûment entre E=0 et une énergie maximum limite. Toutefois il débute par des valeurs nettement plus faibles, ce qui est dû au fait que des électrons de basse énergie sont incapables de sortir du noyau à cause de l’attraction électrique, alors que des positrons de basse énergie subissent quant à eux une répulsion électrique et sortent donc malgré tout du noyau.

Spectre d'émission bêta-plus

        2° Capture électronique

 

La capture électronique est une voie alternative à la désintégration β+ : Plutôt que d’éliminer sa charge électrique en éjectant un positron, le proton la neutralise en absorbant un électron. Le neutrino subsiste dans la voie de sortie.

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Pour que cela soit possible les noyaux doivent trouver des électrons dans leur voisinage immédiat. Or ceux-ci ne manquent pas : Il s’agit des électrons atomiques toujours présents en temps normal. On comprend aussi pourquoi l’équivalent n’existe pas dans le mode β- : Cela supposerait que des positrons se trouvent disponibles dans la matière à proximité des noyaux, ce qui n’est pas le cas.
La capture se fait préférentiellement sur les électrons les plus proches du noyau, donc sur ceux qui occupent les couches atomiques les plus internes. Leur disparition créera une vacance dans ces couches internes, vacance qui sera suivie d’un rapide réarrangement électronique, donc de l’émission de rayons X consécutive à ce réarrangement en cascade. Certains isotopes émetteurs de photons utilisés en médecine sont en fait des émetteurs de rayons X de ce type plutôt que des sources γ.
La capture électronique est aussi un phénomène qui ne peut se satisfaire du modèle planétaire de l’atome de Bohr. Même sur la couche la plus interne un électron qui graviterait autour de l’atome tel un satellite serait hors de portée de l’interaction faible, qui n’agit qu’à courte distance. Pour que l’absorption se produise il faut que l’électron traverse le noyau lui-même et y passe une certaine partie de son existence, ce que prédit avec beaucoup d’exactitude la théorie ondulatoire en mécanique quantique.
La capture électronique est extrêmement fréquente, et on prendra l’habitude en consultant telle ou telle table d’isotopes d’y repérer le sigle CE ou EC (« electronic capture ») qui vient souvent se substituer au sigle β+. De nombreux isotopes utilisent d’ailleurs dans 100% des cas cette voie alternative. D’autres l’utilisent partiellement, selon une loi de probabilité qui leur est propre. Ainsi du fluor-18 donné comme exemple ci-dessus et qui dans 3% des cas passe par cette voie.

3) Radioactivité gamma

a) Rayons γ

Un rayon γ est un photon, cet objet curieux qui doit être vu tantôt comme une onde électromagnétique dotée d’une fréquence f et d’une longueur d’onde λ, tantôt comme une particule, un grain d’énergie E, sans masse ni charge. La famille des photons se discute le mieux au travers des équations fλ=c et E=hf, où c et h représentent respectivement la vitesse de la lumière dans le vide et la constante de Planck, deux constantes fondamentales de la physique. La première de ces équations montre que le produit fréquence x longueur d’onde ne peut changer, que donc à de hautes fréquences correspondent de courtes longueurs d’onde et inversement. De la seconde on déduit que l’énergie n’est définie que par la fréquence, que donc à de hautes fréquences correspondent des énergies élevées et inversement. Dans le schéma ci-dessous, muni d’une échelle logarithmique, la fréquence, donc l’énergie, est croissante de la gauche vers la droite alors que λ décroît. On voit que dans ce spectre les rayons γ forment la composante la plus dure, ce qui est certainement vrai en grande partie mais ce qui doit aussi être nuancé : La frontière avec les rayons X est en fait assez floue, certains photons émis par les noyaux se trouvant nettement plus bas en énergie que la normale.

Spectre des photons

b) Transitions γ

Les transitions γ sont le fait d’états nucléaires excités dits isomériques, tels qu’au sein du noyau un proton ou un neutron se voit porté vers un état d’énergie qui n’est pas le plus bas possible. Dans ce cas le nucléon redescend vers les niveaux inférieurs en émettant un ou plusieurs photons qui emportent avec eux l’excès d’énergie. Le phénomène est tout à fait analogue à ce qui se passe au niveau atomique lorsque des électrons se voient portés vers des niveaux hauts. C’est le même isotope qu’on retrouve à l’entrée comme à la sortie de la réaction puisqu’il n’y a pas de changement au niveau des nucléons, que ce soit en nature ou en nombre. La version excitée de l’isotope est marquée par une étoile.

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Les raisons pour lesquelles un état isomérique peut apparaître sont multiples mais quand un isotope est considéré comme source γ il l’est souvent de manière indirecte, le ou les gammas émis étant en fait des sous-produits d’une désintégration α ou β passant par des niveaux hauts du noyau fils. C’est le cas par exemple des sources au cobalt-60 bien connues pour l’intensité de leur rayonnement mais où les gammas de 1,17MeV et 1,33MeV proviennent en fait du nickel-60 selon le schéma ci-dessous.

Radioactivité: désintégration gamma

Comme dans le cas atomique le spectre d’émission d’un noyau donné est un spectre de raies où les différentes énergies qui y apparaissent ont des valeurs très précises typiques de ce noyau. Ce spectre constitue une véritable signature de l’objet émetteur. La détection des rayons gamma constitue ainsi un puissant moyen d’analyse de la matière émettrice, tout comme le sont, encore une fois, les raies atomiques.

c) Etats métastables

Les états nucléaires excités sont le plus normalement du monde extrêmement instables. Après formation ils ne survivent qu’une faible fraction de seconde avant d’émettre leur γ. Cela fait problème dans les nombreuses applications qui prétendent exploiter les effets des rayonnements mais ne peuvent être limitées à des intervalles de temps aussi courts.
Une première solution consiste à se procurer l’isotope père de l’émetteur γ. C’est le cas du cobalt-60 évoqué ci-dessus qui est en fait un émetteur β mais où chaque désintégration s’accompagne immédiatement de deux γ. Vu que le cobalt-60 vit plusieurs années (voir plus loin la notion de temps de vie) l’approvisionnement peut être programmé à fréquence raisonnable.
Il arrive que cette solution ne soit pas satisfaisante. C’est le cas par exemple de la scintigraphie médicale où la source γ doit être injectée à un patient et doit alors rencontrer une double exigence: 1°) Un approvisionnement à intervalles raisonnables, qui ne se mesurent pas en minutes ou en heures mais en jours ou mieux en semaines ; 2°) La personne injectée ne doit pas conserver trop longtemps en interne cette radioactivité mais doit pouvoir l’éliminer assez rapidement. Un compromis intéressant passe par l’usage d’états isomériques métastables. Un état métastable est un état nucléaire excité dont le temps de vie est très supérieur à la normale, qui se mesure en minutes ou en heures plutôt qu’en micro- ou nanosecondes. La raison de cela se trouve dans des règles de transition imposée par la physique, règles qu’il serait trop long d’exposer ici mais qui ne sont pas respectées en l’occurrence, ce qui diminue fortement la probabilité d’émission. Pour symboliser ce genre d’isomère on remplace l’étoile par la lettre m.

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Or donc, un isotope métastable qui vivrait quelques heures et dont le noyau père vivrait au moins quelques jours satisferait aux deux critères ci-dessus. Le plus connu et l’un des plus utilisés est le 99Tcm dont le père est le 99Mo. Ce point est développé dans le sujet « scintigraphie ».

d) Conversion interne

Il arrive que l’énergie de transition entre deux états nucléaires ne s’évacue pas au travers d’un rayon γ mais soit transférée à un électron atomique, lequel se voit alors éjecté de l’atome, ce qu’on appelle la conversion interne. Dans les tables isotopiques ce phénomène est noté CI, ou IC pour « internal conversion ». Comme pour la capture électronique il ne se comprend que parce que les électrons peuvent passer une partie de leur temps à l’intérieur du noyau, en accord avec la mécanique quantique. Et comme pour la capture électronique la place laissée vide par l’électron éjecté entraîne un réarrangement électronique accompagné de l’émission de rayons X.

Conversion interne

La probabilité avec laquelle la conversion interne et l’émission γ se partagent une transition dépend de l’isomère concerné et lui est caractéristique.
S’agissant d’un électron qui émerge d’un noyau ce mode de transition ne doit pas être confondu avec la radioactivité β. Le β- est « créé » par le noyau, alors que l’électron de conversion préexiste, et, autre grande différence, le spectre du β- est continu entre E=0 et une valeur maximum, alors qu’un électron CI a une énergie très précise égale à celle de la transition γ.

Radiologie  conventionnelle    Chapitre I: Généralités sur les rayons X