Radiothérapie

Chapitre III: Faisceaux   externes: Appareillage.

III.B. Accélérateur linéaire d'électrons (linac).

1)Générateurs d'ondes

a.Cavité résonante.

Il sera question dans ce qui suit de cavité résonante, élément de base aussi bien dans les générateurs d'onde de type magnétron ou klystron que dans le guide d'onde qui forme la section accélératrice du linac.

Une cavité résonante est un volume creux usiné dans une masse métallique, volume de géométrie sphérique, cylindrique ou de forme rectangulaire, muni d'un canal d'ouverture vers l'extérieur. Une onde électromagnétique incidente sur la cavité peut faire osciller dans la paroi les électrons libres du métal, mouvement d'oscillation qui génère à son tour une onde du même type.

Cavité résonante 

Le mouvement d'oscillation électronique peut être généré par une onde pure mais aussi par toute perturbation de type électromagnétique au voisinage de la cavité, en particulier des particules chargées qui passeraient à proximité.

La cavité privilégie en fait une fréquence particulière, la fréquence de résonance f0, pour laquelle les oscillations acquièrent de l'amplitude, de sorte que l'énergie stockée et réémise devient importante. La valeur de f0 dépend de la forme de la cavité, de sa taille et de la nature du métal qui constitue la paroi. La longueur d'onde λ0 est forcément liée à la taille de la cavité, sans lui être nécessairement égale. Comme nous avons affaire à des objets centimétriques, les ondes concernées se situent dans la gamme des micro-ondes. Les linacs par exemple fonctionnent typiquement sur une fréquence de 3GHz, soit une longueur d'onde de quelque 10cm. A noter que beaucoup d'auteurs parlent de radiofréquences RF plutôt que de micro-ondes, et il est bien vrai que nous sommes ici dans la région floue qui sépare les deux domaines: Le 3GHz par exemple est la limite haute de la gamme radio UHF utilisée pour les GSM ou le Wi-Fi.

Pour ce qui est des phénomènes de résonance, il faut reconnaître qu'en physique ils sont nombreux et toujours intéressants à étudier. En mécanique, on songe à tout système à pendule ou à ressort, ou encore aux ondes de vibration dans la matière. En électricité on connaît le circuit RLC, important pour accorder la réception ou l'émission des ondes radios à la fréquence souhaitée (tuning).

b.Magnétron.

Le magnétron est un système auto-résonant qui a connu ses premières applications dans le domaine des radars (c'est lui qui a permis le développement du radar au début de la seconde guerre mondiale) mais qui est sans doute mieux connu de nos jours comme étant à la base du fonctionnement des fours à micro-ondes dans nos cuisines. En termes de puissance il cède souvent le pas au klystron, dont le principe est complètement différent (il s'agit en fait d'un amplificateur) et qui permet de produire des énergies nettement supérieures. C'est le cas des linacs les plus classiques, capables d'accélérer des électrons jusqu'à 25MeV grâce au klystron. Toutefois le magnétron reste présent dans les systèmes moins exigeants.

Le magnétron est fait de deux électrodes cylindriques et coaxiales. La cathode est une tige centrale contenant un fil électrique qui permet, lorsqu'on y envoie un courant, de la chauffer. L'anode est épaisse et creusée de cavités résonantes de forme cylindrique elles aussi, typiquement au nombre de huit mais parfois au nombre de douze ou plus. En imposant une différence de potentiel entre les deux électrodes, on crée un champ électrique radial pointant de l'anode vers la cathode. Un champ magnétique parallèle à l'axe principal est également généré grâce à un aimant dont les deux pôles se trouvent de part et d'autre du dispositif.

Magnétron (1) 

Le chauffage de la cathode permet aux électrons libres du métal de s'en échapper, selon l'effet dit thermoïonique (L'effet thermoïonique est exploité dans bien des systèmes qui demandent l'extraction d'un faisceau d'électrons, comme dans le tube à rayons X par exemple. Il vient de ce que à haute température du métal les électrons libres acquièrent une haute énergie d'agitation thermique, suffisante que pour permettre à un certain nombre d'entre eux de sortir du métal). Une fois sortis du milieu matériel, ils sont entraînés et accélérés vers l'anode par le champ électrique. En l'absence de champ magnétique leur trajectoire serait radiale, mais la présence de B incurve leur trajectoire (partie gauche du schéma ci-dessous, où seules quelques trajectoires sont évoquées en bleu, étant entendu que l'émission se fait sur 360° et sur toute la hauteur de la cathode. Le lecteur qui souhaiterait vérifier le sens d'accélération et/ou l'orientation de la courbure se souviendra que les électrons sont de charge… négative!)

Magnétron (2)

Sur des trajectoires incurvées, la vitesse des électrons n'a plus seulement une composante radiale, mais également une composante tangentielle, ce qui revient à un mouvement de circulation autour de la cathode. Les cavités résonantes voient donc un courant électrique circuler devant leur orifice, ce qui active les oscillations internes à ces cavités, étant entendu que dans ce mouvement oscillatoire c'est le mouvement à la fréquence propre qui est privilégié et sélectionné.

Les oscillations cohérentes dans l'ensemble des cavités font apparaître alternativement des charges positives et négatives sur les parois qui séparent deux cavités voisines (partie droite du schéma ci-dessus). Il apparaît alors une sorte de feedback sur les trajectoires des électrons: Puisqu'elles se voient attirées par les polarités positives et repoussées par les polarités négatives, elles ont tendance à se regrouper pour former des espèces de rayons de roue, ou de tourbillons qui aboutissent aux parois de polarité positive et tournent au même rythme que cette polarité positive. A l'intérieur de ces tourbillons, les mouvements des électrons… tourbillonnent! Ils sont assez complexes et ne se réduisent plus à de simples spirales.

A ce niveau, l'ensemble du système est en résonance et produit une énergie électromagnétique élevée à la fréquence propre des cavités. Une antenne logée dans l'une des cavités capte cette énergie pour l'extraire du magnétron.

c.Klystron.

Comme le magnétron, mais selon un principe très différent, le klystron est un générateur de micro-ondes de haute énergie. On peut le voir comme un amplificateur en énergie d'une onde électromagnétique de départ injectée à l'entrée. Le modèle de base utilise deux cavités résonantes, une à l'entrée et l'autre à la sortie, mais la présence de cavités supplémentaires permet d'augmenter les performances du système.

A la source, un faisceau d'électrons est généré par effet thermoïonique au départ d'un filament chauffé. Le filament, ou cathode, est maintenu à un potentiel négatif par rapport à une anode qui va donc attirer et accélérer les particules sorties du métal. La forme de l'anode est telle que le flux électronique, en plus d'être accéléré, se voit focalisé vers un orifice de sortie au-delà duquel se trouve le klystron. C'est donc un faisceau de particules fin et continu qui aborde la section principale.

Au début de la section principale se trouve une première cavité résonante munie d'une antenne qui permet d'y injecter une onde de fréquence égale à la fréquence de résonance f0. Les électrons qui se présentent dans la cavité alors que l'onde est à son maximum se voient accélérés alors que ceux qui arrivent lors d'un minimum de l'onde se voient freinés. On parle dans ce cas de modulation de vitesse. La modulation de vitesse se traduit en fait par une modulation de densité puisque les particules accélérées ont tendance à se rapprocher de celles qui en aval avaient vu leur vitesse réduite, et inversement à laisser derrière elles une zone appauvrie en électrons. Le résultat est que les électrons qui à l'entrée se présentaient en flux continu se voient maintenant regroupés en paquets (bunches). Les paquets ainsi formés se succèderont à une cadence égale à f0, et c'est à cette cadence qu'ils poursuivent leur progression dans le tube central du klystron. Arrivés dans la seconde cavité, ils l'activent très efficacement ce qui génère une onde toujours caractérisée par la même fréquence mais d'énergie très supérieure à l'onde injectée dans la première cavité. Cette onde amplifiée est extraite vers l'extérieur par un guide d'onde qui peut être un câble coaxial mais qui dans le cas du linac se présente plutôt comme un conduit métallique qui la canalise jusqu'à la partie accélératrice (voir §d ci-dessous).

Klystron 

Dans les klystrons de haute puissance, des cavités supplémentaires sont ajoutées entre la cavité d'entrée et la cavité réceptrice. Ces cavités intermédiaires sont activées par le passage des paquets d'électrons qui se succèdent à la fréquence f0. En retour, et un peu à la manière du magnétron, elles contribuent à resserrer les paquets d'électrons et par là à accroître la modulation en énergie du faisceau.

Etant donné que les électrons sont des particules de même signe, ils tendent à se repousser tout au long de leur chemin. Pour éviter que le faisceau ne diverge trop, des bobines entourent le tube central et génèrent un champ magnétique axial, de sorte qu'une particule qui présente une composante de vitesse radiale voit sa trajectoire incurvée en forme d'hélice, ce qui la maintient proche de l'axe.[1]

En bout de course le faisceau est recueilli par un collecteur qui diffuse et arrête les électrons dans un maximum de matière, pour éviter une trop forte concentration locale de chaleur. Ce collecteur est d'ailleurs muni d'une circulation d'eau qui maintient la température à des niveaux raisonnables.

Dans certaines descriptions du klystron, on évoque souvent l'idée de grille, de potentiel de grille, etc… Cela vient des premiers modèles qui utilisaient non pas des cavités mais des paires d'électrodes, électrodes qui avaient la forme de grille puisque les électrons devaient passer au travers. La première paire de grilles se voyait appliquer le signal RF à amplifier et c'est entre ces grilles que s'opérait la modulation de vitesse. Dans la deuxième paire de grilles les paquets d'électrons faisaient apparaître par induction le signal amplifié.

d.Guide d'onde

Un guide d'onde est un tube métallique conçu pour canaliser les micro-ondes et les conduire d'un point à l'autre. Dans le cas du linac, il s'agit typiquement d'amener l'onde de la sortie du klystron vers l'entrée du tube accélérateur.

Cela fonctionne sur le principe de la réflexion totale sur les parois, principe bien connu dans le domaine optique avec comme larges applications les guides de lumière et autres fibres optiques. Le guide est typiquement de section rectangulaire avec des dimensions reliées par une relation simple à la longueur d'onde à transporter (par exemple une largeur de rectangle égale à une demi-longueur d'onde). L'intérieur peut se voir imposer le vide, mais souvent on préférera y placer un gaz sous haute pression (du fréon, par exemple), solution qui permet d'éviter des problèmes comme l'apparition d'arcs électriques et dès lors d'augmenter la puissance transportable. Dans ce cas, la section guide d'onde devra être munie à chaque extrémité de fenêtres transparentes aux micro-ondes, puisque le klystron aussi bien que l'accélérateur doivent être quant à eux soumis à un vide poussé, comme tous systèmes basés sur la propagation d'un faisceau de particules.



[1] Dans un domaine autre que celui qui nous occupe, l'idée d'un champ axial permettant le confinement d'ions dans la région de l'axe est à la base du système tokamak dont on espère qu'il mènera un jour à la fusion nucléaire contrôlée. Sachant que pour y arriver, le gaz, qui devient vite plasma, doit être porté à des niveaux de température qu'aucune paroi ne pourrait supporter, on le maintient dans un tore, ou anneau (le tokamak) ou règne un puissant champ axial: Les ions qui se dirigent vers la paroi ne l'atteignent pas puisque leurs trajectoires s'incurvent en hélice.