Radiothérapie

Chapitre III: Faisceaux   externes: Appareillage.

III.D. Synchrotron.

1)Principe de base.

Dans la catégorie des accélérateurs circulaires, le cyclotron s'impose à basse énergie (quelques dizaines de MeV) par sa compacité et ses courants faisceaux élevés, mais à haute énergie (au-delà du GeV) le synchrotron est incontournable. Dans la gamme d'énergie qui intéresse la radiothérapie (quelque 200MeV en protons), les deux systèmes sont concurrents. Les centres de protonthérapie actuels utilisent souvent le cyclotron mais certains ont fait le choix du synchrotron, ce qui justifie qu'on en donne ici une description.

Le synchrotron se libère de la masse de fer imposante qui couvre le cyclotron: La courbure des trajectoires est assurée par des aimants dipolaires fixes disposés en anneau. La chambre à vide n'est plus un cylindre plat de grande surface mais un tube dans lequel le faisceau est guidé et cantonné. Comme dans un cyclotron, l'accélération se fait par étapes à l'un ou l'autre endroit précis de l'anneau.

Le chemin circulaire, ou à vrai dire polygonal, étant fixe, le prix à payer est qu'il faut faire varier la fréquence HT d'accélération aussi bien que le champ magnétique tout au long d'un cycle. Mais pour le reste, une fois le principe admis, il ne connaît pas de limite… autre que budgétaire! De fait, l'histoire des synchrotrons se prolonge dans les anneaux à rayonnement… synchrotron (!) comme celui de Grenoble, et surtout dans les grands anneaux collisionneurs qu'utilise la physique fondamentale et dont le dernier et le plus imposant est le LHC (Large Hadron Collider, 27km de circonférence) du CERN à Genève.

En hadronthérapie, les synchrotrons ont typiquement des diamètres de 5 ou 6 mètres et proposent, toujours typiquement, des énergies variables jusqu'à 250 ou 350 MeV.

2)Fonctionnement.

Les aimants dipolaires sont conçus pour pouvoir faire varier le champ de déflexion, mais leur noyau métallique présente une rémanence magnétique minimum qui empêche de démarrer l'accélération à vitesse nulle. On utilise donc un petit linac qui pré-accélère les protons (ou les ions légers) à quelques MeV en énergie pour les injecter ensuite dans l'anneau. Le pourtour est équipé d'une ou de plusieurs cavités résonantes qui, à chaque passage, apportent aux particules une impulsion supplémentaire.

La loi de base pour la déflexion par les aimants est la même que pour un cyclotron, à savoir mv=qBr. Etant donné que le rayon de courbure r est constant, le champ B doit s'adapter à la vitesse v mais aussi à la variation de masse si on atteint des énergies relativistes. Cela implique qu'une fois l'anneau occupé, on ne peut injecter d'ions supplémentaires avant d'avoir atteint l'énergie voulue, extrait le faisceau présent, et ramené les paramètres à leur valeur initiale. Cela limite le courant utile, ce qui est un désavantage par rapport au cyclotron.

La fréquence HF appliquée aux sections d'accélération doit bien sûr s'adapter à la période de giration des particules, qui dépend de leur vitesse selon la loi de base f=ω/2π=v/2πR, où R est le rayon de courbure moyen sur un cycle. R n'est pas identique à r, le rayon de courbure imposé aux trajectoires par les dipôles magnétiques, puisque l'anneau n'est pas un cercle parfait mais comporte des sections droites. Ce point n'a pas vraiment de conséquence étant donné que R et r sont fixes, donc dans un rapport constant.

Il reste à traiter l'important problème de focalisation, présent ici aussi et pour lequel on trouve deux types de solution.

3)Focalisation.

a.Synchrotrons à fonctions séparées.

Dans un synchrotron à fonctions séparées, les dipôles jouent uniquement leur rôle premier, qui est d'incurver les trajectoires. La focalisation est quant à elle assurée par des paires de quadrupôles disposés à différents endroits sur le parcours. Un quadrupôle magnétique est formé de quatre électro-aimants disposés comme dans le dessin de gauche ci-dessous. Dans le dessin de droite, les flèches noires évoquent l'orientation générale des lignes de champ, de façon schématique puisqu'en réalité elles s'incurvent d'un pôle nord vers le pôle sud voisin. Les flèches rouges donnent le sens des forces qui agiraient sur des charges positives dont la vitesse serait entrante par rapport à la figure.

Quadrupôle magnétique 

On voit que les forces sont focalisantes dans une direction du plan et défocalisantes dans l'autre direction. Une focalisation complète passe par l'application d'une loi bien connue en optique géométrique et qui s'applique également ici (il y a beaucoup d'analogies entre les deux domaines, à tel point qu'on parle parfois, au sujet des quadrupôles, de lentilles magnétiques ou d'optique magnétique): Si deux lentilles sont séparées d'une distance d, le doublet ainsi formé répond à la formule:

 RadTher IIIC 17

…où f1, f2 sont les distances focales des deux lentilles et où f est la distance focale globale du doublet.

Dans le cas particulier où f2=-f1, on a

 RadTher IIIC 18

…qui est toujours positif, ce qui caractérise un ensemble convergent.

Dans le domaine magnétique on obtient facilement f2=-f1 en prenant deux quadrupôles identiques mais tournés à 90° l'un par rapport à l'autre. Dans ce cas le doublet est d'abord convergent puis divergent dans une direction, divergent puis convergent dans l'autre direction, mais globalement convergent dans les deux directions.

(N.B.: Le microscope est un exemple de doublet de lentilles, l'objectif et l'oculaire, où les deux distances focales sont très différentes. Au lieu de d, on préfère souvent utiliser la distance L entre les deux foyers internes, ou intervalle optique, tel que d=L+f1+f2, ce qui simplifie la formule ci-dessus. Par ailleurs l'objectif aussi bien que l'oculaire sont eux-mêmes des systèmes de lentilles accolées, qui voudraient donc qu'on ait d=0 dans le cas idéal, mais non réaliste, de lentilles minces. Pour d=0 on voit que les puissances 1/fi s'additionnent pour donner la puissance globale)

Comme les lentilles optiques les quadrupôles présentent un défaut de chromaticité, à savoir qu'ils focalisent différemment selon l'énergie des particules. Malgré la faible dispersion en énergie du faisceau dans un synchrotron, on parvient à corriger cela en partie en complétant chaque paire de quadrupôles par un sextupôle.

Les synchrotrons de "basse" énergie (200 ou 300 MeV) utilisés en hadronthérapie présentent des formes polygonales simples (triangle, rectangle, hexagone). En haute énergie, la rigidité des particules est telle qu'il faut multiplier les dipôles de sorte que l'ensemble tend vraiment vers une configuration circulaire.

Synchrotron 

b.Synchrotrons à gradients alternés.

Dans un synchrotron à gradients alternés, les dipôles assurent les deux fonctions de courbure de la trajectoire et de focalisation du faisceau. Pour un aimant sur deux, l'entrefer s'ouvre vers l'extérieur de l'anneau, ce qui entraîne un gradient de champ décroissant selon r. Pour l'aimant suivant, l'entrefer s'ouvre vers l'intérieur et le champ est croissant selon r. Dans le premier cas, il apparaît un champ de composante r qui focalise le faisceau dans la direction axiale (voir le Ch. IIIC qui traite de cela à propos du cyclotron). Par contre il y a divergence dans la direction radiale puisque les trajectoires internes sont soumises à un champ plus intense et donc à une courbure plus forte que les trajectoires externes. Pour les aimants de l'autre catégorie, les effets obtenus sont inverses.

Gradients alternés 

On voit que le principe d'alternance des deux types d'aimants rejoint ce qu'on a dit des quadrupôles.

Synchrotron à gradients alternés