Radiothérapie

Chapitre III: Faisceaux   externes: Appareillage.

Fin du chapitre... III.B. Accélérateur linéaire d'électrons (linac).

3)Tête de traitement.

La tête de traitement du linac comporte une série d'accessoires fixes, amovibles ou interchangeables qui servent à mettre en forme et à contrôler le faisceau. Le but est d'irradier correctement toute la zone cible, de n'irradier que la zone cible, et d'irradier au mieux la zone cible… en entendant par "au mieux" une dose dont le niveau et la distribution sont conformes à la prescription médicale.

Les modèles de linacs changent d'un constructeur à l'autre et évoluent d'une génération à l'autre… sans disparaître pour autant. Il n'est pas possible de les passer tous en revue. Dans ce qui suit, il faut voir une simple énumération des accessoires qui équipent classiquement une tête de linac, avec pour chacun d'eux une description et/ou un mot d'explication.

a.Sélection du mode

  • Mode photons: Pour travailler en mode photons on place sur le chemin des électrons une cible qu'ils heurtent et où ils génèrent du rayonnement de freinage (Bremsstrahlung). Les caractéristiques d'un spectre d'émission de type Bremsstrahlung sont exposées par ailleurs, mais on en rappellera tout de même ici la principale: Si l'énergie des électrons est E, les photons présenteront une distribution continue entre 0 et E, importante proche de 0 et qui diminue régulièrement jusqu'à s'annuler en E. Par ailleurs les raies d'émission du matériau cible, importantes en radiologie, ne jouent ici aucun rôle parce que de bien trop faible énergie.

La cible est en principe de Z élevé et est le plus souvent faite de tungstène, mais à haute énergie (au-delà de 15MeV) on privilégie les Z moyens comme le cuivre.

Contrairement à un tube à rayons X où l'anode est massive et où les photons sont émis plutôt vers l'arrière, le rayonnement utilisé ici est obtenu en transmission, directement dans l'axe d'impact des électrons et au travers de la cible. Cela suppose un compromis en ce qui concerne l'épaisseur de cible, qui doit être suffisante pour arrêter les électrons, mais pas trop importante pour éviter une trop forte absorption des photons.

Des électrons de 8MeV ou de 16MeV, énergies souvent utilisées en mode photons dans les linacs, ont des parcours dans le tungstène de respectivement, et approximativement, 3mm et 4,5mm. Le lecteur qui souhaiterait se lancer dans plus d'évaluations numériques passera utilement par le menu principal, ici à gauche, option liens utiles/données physiques, où il trouvera des liens vers des tables d'atténuation de photons et de parcours des électrons.

  • Mode électrons: La cible, montée sur une glissière ou sur un barillet est escamotée et le faisceau de particules passe librement.

Le courant faisceau du linac est considérablement plus élevé en mode photons qu'en mode électrons, ce qui s'explique par le rendement très faible de production de rayonnement par des particules chargées (voir le tube à rayons X en radiologie).

La section où règne le vide se ferme sur une fenêtre de sortie qui doit être fine et de Z faible, du béryllium ou de l'aluminium par exemple, pour limiter la diffusion des électrons ainsi que l'émission de Bremsstrahlung.

b.Première collimation.

Un premier collimateur, souvent en tungstène, se charge d'éliminer les événements à grand angle générés dans les premiers étages de la tête. Son bord intérieur a la forme d'un tronc de cône pointant vers la zone d'impact sur la cible en mode photons. La forme conique tend à réduire les effets de pénombre vers l'aval. L'ouverture est fixe, ce qui signifie qu'elle définit la taille maximum de la zone cible au niveau du patient. Les collimations suivantes ne pourront que resserrer les dimensions de cette zone.

c.Mise en forme du faisceau.

  • Mode photons: Le rayonnement généré à l'impact des électrons sur la cible pointe fort vers l'avant, de par la cinématique des particules incidentes. Cela entraîne que l'intensité est plus grande sur l'axe que sur les côtés et que dès lors la dose administrée ne serait pas homogène sur la surface traitée. Ce problème, déjà discuté au §II.A.5, justifie la présence d'un filtre égalisateur, bloc de matière en forme de cône qui absorbe plus d'intensité au centre que sur les côtés.

Si le linac propose deux énergies de photons, il peut être équipé de deux filtres interchangeables adaptés chacun à une énergie.

La présence de ce filtre peut poser question en ce sens qu'il est une source abondante de diffusion et qu'il modifie différemment la distribution en énergie de l'axe vers l'extérieur, ce qui rend très difficiles les simulations et calculs de doses, arguments repris par les partisans de linacs FFF (flattening filter free).

  • Mode électrons: Le faisceau d'électrons issu de la section de transport est un fin pinceau qui ne convient pas pour traiter une surface quelque peu étendue. Une première solution, semble-t-il privilégiée aujourd'hui, utilise une ou plusieurs fines feuilles métalliques qui provoquent la diffusion des particules et donc l'ouverture du faisceau. On interposera par exemple deux feuilles séparées de quelques centimètres, la première de Z élevé qui provoque une première ouverture et la seconde, plus légère, qui disperse essentiellement la partie centrale pour en définitive obtenir une exposition assez homogène.

Ce genre de diffuseur est souvent monté sur un barillet rotatif sur lequel se trouvent également le ou les filtres égalisateurs utilisés en mode photons.

Une alternative consiste à commander des bobines de champ magnétique (situées dans ce cas plus en amont) pour dévier le faisceau d'électrons et balayer ainsi la surface cible, de manière analogue aux tubes cathodiques longtemps utilisés comme téléviseurs ou moniteurs de PC. Pour couvrir la totalité de la surface, la distance entre les lignes de balayage ne doit pas être vraiment faible étant donné que le faisceau s'élargit toujours quelque peu, ne fut-ce que par son passage au travers de la chambre d'ionisation (voir ci-dessous). Ce dispositif, qui évite toute diffusion aux grands angles et rayonnement de freinage, est plus complexe et coûteux mais aussi moins fiable, comme tout système actif (le diffuseur étant quant à lui parfaitement passif)

d.Monitorage.

Un ensemble de chambres d'ionisation placé sur le chemin du faisceau permet d'en contrôler l'intensité et l'homogénéité. Cet ensemble est plus ou moins sophistiqué selon le constructeur. Les chambres sont plates et aux parois minces. Elles peuvent être disposées en plusieurs couches, et démultipliées à l'intérieur de chaque couche selon des géométries variables permettant d'évaluer la distribution radiale et angulaire de la dose.

e.Collimation secondaire.

Alors que le collimateur primaire est fixe et définit la taille maximale de la zone cible, le collimateur secondaire, lorsqu'il existe (!), propose une ouverture ajustable et sert à resserrer le faisceau sur la région à traiter. On a là un peu l'analogue de ce qu'en imagerie on appellerait FOV d'une part (field of view) et ROI d'autre part (region of interest). Le collimateur secondaire, normalement en tungstène, est fait de deux paires de mâchoires superposées dont les bords internes forment un biseau orienté vers la cible. Chaque paire de mâchoires contrôle l'ouverture dans l'une des deux dimensions du plan perpendiculaire au faisceau.

A vrai dire l'ouverture qu'on obtient est encore affinée par le collimateur multilames (CML, voir ci-dessous) qui permet de véritablement conformer le faisceau au contour de la zone à traiter. Selon le modèle de linac, on trouvera soit à la fois une collimation secondaire et un CML, soit uniquement le CML.

f.Filtres en coin.

Les filtres en coin ont longtemps équipé les linacs, y compris en présence d'un CML, jusqu'au développement, dans les dernières générations de linacs, de l'IMRT (voir ci-dessous) qui s'avère définitivement plus complet et plus souple que les solutions prédéfinies et figées. Les filtres en coin viennent seconder le filtre égalisateur. Celui-ci permet d'obtenir des courbes isodoses perpendiculaires à l'axe principal du faisceau, alors qu'un filtre en coin permet d'incliner ces courbes de manière à se conformer au mieux à l'orientation spatiale de la zone malade, ce qui a été discuté au §II.A.5. Comme pour le filtre égalisateur, cela se fait au prix d'une perte de l'intensité produite au départ.

Un linac peut ainsi disposer d'un jeu de coins de pentes différentes, pour obtenir des courbes isodoses d'inclinaisons différentes (l'angle d'inclinaison isodose, lié à l'absorption des photons dans le filtre, n'est pas égal à l'angle de pente de ce filtre!). Ils peuvent par exemple être montés sur un barillet qui par rotation permet de présenter sur le chemin du faisceau le filtre choisi.

g.Collimateur multilames (CML)

…ou MLC, pour "multileaf collimator"

Le CML est ni plus ni moins qu'un élément clé dans les récents et importants progrès de la radiothérapie, à commencer par la radiothérapie conformationnelle, suivie de l'IMRT ("intensity modulated radiotherapy"). Inventé dès les années soixante, il n'a cessé de profiter des progrès constants en rapidité de l'électronique d'une part et en puissance de calcul des ordinateurs d'autre part.

Le principe de base consiste à disposer côte à côte des plaques métalliques (en principe du tungstène) capables de glisser l'une par rapport à l'autre de façon indépendante. Deux jeux de plaques de ce type disposés en vis-à-vis peuvent s'ouvrir de manière à simuler au mieux le contour de la région à traiter, la précision du dessin dépendant surtout de l'épaisseur des plaques (2 ou 3mm).

 Collimateur multilames (CML)

Aux origines positionnées manuellement (!), les différentes feuilles sont aujourd'hui actionnées chacune séparément et en temps réel par un servomoteur, ce qui relève d'une technologie poussée quand on sait qu'un MLC peut comporter 80 lames (40 de chaque côté), et aujourd'hui jusqu'à 120 lames (2 X 60) pour une surface irradiée de 40x40cm à hauteur de l'isocentre (point de convergence des faisceaux lors de la rotation du linac autour du patient). La hauteur des lames est importante, par exemple 7cm, pour pouvoir réduire à moins de 1% l'intensité incidente. Les faces de glissement (entre les lames) ne sont pas planes mais présentent d'une manière ou d'une autre des sortes de créneaux qui évitent les fuites de rayonnement au travers des interstices.

RadTher IIIB 17 

On parle de radiothérapie conformationnelle dès lors que l'ouverture des lames reproduit au mieux, à l'épaisseur des plaques près, le contour de la région malade. On parle de radiothérapie conformationnelle 3D lorsque le linac en pivotant autour du patient modifie la disposition des lames pour reproduire le contour de l'organe cible tel que vu sous le nouveau point de vue. Cela peut se faire par paliers (une rotation suivie du positionnement des lames puis de l'irradiation) ou en continu. Dans tous les cas il faut que la position, l'extension et la forme parfois complexe de cet organe cible soient connues avec précision et disponibles dans les mémoires du dispositif de commande, ce qui suppose la mise en œuvre préalable d'une technique d'imagerie performante.

L'IMRT (Intensity modulated radiotherapy) exploite mieux encore le caractère indépendant du mouvement des lames en proposant de faire varier la dose au travers de la surface irradiée. Il faut pour cela quadriller cette surface en petits éléments que certains auteurs appellent bixels, par analogie avec les pixels de l'imagerie (Dans "bixel" on est censé voir "beam element", alors que "pixel" est, de façon plus convaincante, la contraction de "picture element"). On comprend que les lames peuvent être positionnées sur un unique bixel pour lui envoyer une certaine dose, et on comprend également que si ensuite on se positionne sur un autre bixel un temps deux fois plus long, par exemple, on peut lui imposer une dose double. C'est le principe de l'IMRT par collimateur multilames, sauf que le traitement ne se fait pas bixel par bixel, ce qui serait beaucoup trop long, mais région par région. En plus d'une imagerie performante, l'IMRT bénéficie du développement de techniques mathématiques poussées pour la simulation de niveaux de dose et de leur répartition.

e. Repérage optique.

Comme en radiologie conventionnelle, un repérage optique de la zone à irradier peut équiper la tête du linac. Une lampe placée de côté éclaire un miroir fait d'une feuille de mylar et située sur le chemin du faisceau en amont des collimations secondaire et/ou multilames. Pour s'adapter au caractère changeant de la collimation en radiothérapie conformationnelle et en IMRT, les bords du MLC peuvent être réfléchissants et renvoyer vers le miroir, puis vers une caméra , une image en temps réel de la configuration des lames, ce qui permet de contrôler en permanence le contour de l'ouverture.

f. Applicateur.

L'applicateur est un accessoire de la tête utilisé en mode électrons. Un faisceau d'électrons qui se propage dans l'air est sujet à une importante diffusion susceptible d'irradier le patient sur une large zone, beaucoup plus large que la zone cible. La solution passe par un collimateur situé très près du patient, pratiquement en contact avec la peau. Ce collimateur est placé au bout d'une colonne solidaire de la tête du linac qu'on appelle l'applicateur. Le collimateur doit souvent être personnalisé à la forme du champ à traiter, dont il se trouve à proximité immédiate.