Physique nucléaire. |
Chapitre I: Notions préalables. |
1) La charge élémentaire e.
Le proton est une particule chargée positivement, par convention. L’électron possède exactement la même charge électrique mais en valeur négative. Comme il s’agit là de composants importants de la matière on appelle cette charge la « charge élémentaire » et on la note e. C’est l’une des grandes constantes de base de la physique. Dans l’unité SI de charge, à savoir le Coulomb, e vaut 1,6 10-19C.
2) L’unité électron-volt (eV)
L’unité électron-volt est une unité d’énergie. Elle est très utilisée dans le domaine qui nous attend et il convient dès lors de la définir avant tout.
Soit deux plaques métalliques parallèles, ou électrodes, sur lesquelles on applique une différence de potentiel de 1 volt. Soit une charge élémentaire +e située contre la plaque positive (on pense bien sûr à un proton qu’on aurait amené d’une façon ou d’une autre à cet endroit, mais les modalités pratiques n’ont pas d’importance à ce niveau). Vu le champ électrique auquel elle est soumise, cette charge élémentaire positive se voit accélérée vers la plaque négative. Dans ce mouvement d’accélération elle va de plus en plus vite et acquiert donc de l’énergie cinétique : L’énergie qu’elle aura acquise à l’impact sur la plaque négative est égale, par définition, à 1eV (1 électron-volt). Les multiples de cette unité sont très utilisés également : Le keV, ou kilo-électron-volt, vaut 1000eV ; le MeV, ou méga-électron-volt, vaut 1 million d’électron-volts. En termes de joules, l’unité SI d’énergie, on obtient 1eV=1,6 10-19J, autrement-dit le même facteur d’échelle qu’entre e et le coulomb.
La raison pour laquelle cette unité s’impose en physique nucléaire se comprend au regard de la figure ci-dessus : Ce que propose cette figure est ni plus ni moins que le b-a-ba d’un accélérateur de particules, principe appliqué aussi bien dans le tube à rayons X que dans le cyclotron, en précisant que dans ce dernier les poussées se font par étapes successives. Le tube à rayons X illustre bien le côté très pratique de l’électron-volt, puisqu’il y a une correspondance directe entre les kilovolts appliqués par l’opérateur et l’énergie des électrons à l’impact sur l’anode : 100kV sur le tube donnent 100keV d’énergie des électrons à l’impact sur l’anode, ce qui conditionnera directement l’énergie des rayons X générés(voir le chapitre « radiologie »).
L’unité eV est utilisée non seulement pour mesurer les énergies mais aussi pour mesurer les masses, et cela au travers de la célèbre équation E=mc² qui établit l’équivalence entre masse m et énergie E, au travers de la constante c, vitesse de la lumière dans le vide. Car c’est de véritable équivalence qu’il faut parler : Qui dit masse dit énergie et qui dit énergie parle aussi de masse, avec possibilité de transformation d’une forme à l’autre, un peu comme on parle en mécanique classique de transformation d’énergie potentielle en énergie cinétique et inversement. Ici aussi de l’énergie « massique » peut devenir de l’énergie pure (photons), et inversement. On ne peut comprendre le fonctionnement d’un PET-scan par exemple sans se référer à ce principe et à l’équation E=mc².
E=mc² peut aussi s’écrire m=E/c². Ceci explique pourquoi l’unité d’énergie eV définie ci-dessus peut facilement se prolonger en une unité de masse eV/c² et ses multiples keV/c² et MeV/c². Par exemple la masse de l’électron exprimée ainsi vaut 511keV/c². Il n’est pas inutile de garder en mémoire cette valeur importante.
3) Un modèle pour l’atome.
Si l’objet premier de la physique nucléaire est le noyau, la structure matérielle qui l’englobe, à savoir les orbites électroniques et l’atome dans son ensemble, interviendront ici et là dans la compréhension de certains phénomènes liés à ce domaine. Malgré ses imperfections, le modèle d’atome dit modèle de Bohr suffira largement aux objectifs de ce chapitre. Il n’est donc pas mauvais d’en rappeler ici les grandes lignes.
Dans ce modèle naïf les électrons sont vus en orbite circulaire autour du noyau. Sommerfeld a corrigé cette vue en démontrant que les orbites sont à vrai dire elliptiques, ce qui a poussé un peu plus encore l’analogie avec les mouvements planétaires autour du soleil, mais cet aspect des choses n’aura pas d’importance dans ce qui suit et on s’en tiendra donc au modèle circulaire.
Contrairement aux mouvements planétaires, les orbites électroniques n’ont pas n’importe quel rayon. Le jeu des valeurs de rayons possibles est limité et très précis, ce qui cache à vrai dire tout le côté révolutionnaire de la théorie de Bohr mais ce qui encore une fois n’a pas un intérêt fondamental dans la présente discussion. Pour des raisons historiques ces orbites, ou niveaux, ou couches électroniques, sont notées par des lettres, en commençant par K pour la couche la plus interne (la plus proche du noyau) suivi par L, M ,N… Ces différents niveaux sont occupés par les électrons selon des règles très précises qui attribuent deux places possible au niveau K, 8 au niveau L, 18 au niveau M, etc…
En temps normal, lorsque l’atome est au repos et stable, les électrons occupent obligatoirement les niveaux les plus bas possible. Ainsi dans l’hydrogène le seul électron est forcément sur la couche K, dans l’hélium le deuxième électron occupe la deuxième place de cette même couche, alors qu’avec le lithium le troisième électron est obligé de se porter au niveau L. C’est parce qu’ils sont attirés électriquement par les noyaux que les électrons se maintiennent en orbite autour de ceux-ci, tout comme les satellites tournent autour de la terre parce qu’ils lui sont liés par la gravitation. Ce lien qui attache les électrons aux noyaux comme les satellites à la terre correspond à une certaine énergie de liaison, énergie… négative en fait ! Cette énergie de liaison négative d’un électron est égale au signe près à l’énergie… positive qu’il faudrait lui donner pour parvenir tout juste à le libérer de l’attraction du noyau, état d’énergie nulle par définition.
Lorsqu’on donne à un électron une quantité d’énergie plus basse que l’énergie de liaison, il ne peut se libérer complètement de l’atome mais il se voit néanmoins porté vers un niveau supérieur, niveau moins lié. On parle alors d’état d’excitation atomique. Un état atomique excité est très instable : Très vite l’électron va redescendre vers le niveau le plus bas possible. Il va le faire en un seul saut, ou en plusieurs sauts, mais dans tous les cas il est clair que dans cette cascade vers des niveaux plus liés, l’électron redescend de plus en plus dans son puits d’énergie. Le principe de conservation de l’énergie lui impose alors d’éliminer vers l’extérieur la différence d’énergie entre le niveau qu’il quitte et celui auquel il aboutit. Il s’agit là d’émission d’énergie pure, à vrai dire de photons, photons qui auront donc des énergies très précises égales aux différences d’énergie des niveaux concernés et qui s’avèrent une véritable signature de l’atome en question. On parle ici du spectre d’émission atomique.
Quand l’énergie donnée à l’électron est plus élevée que l’énergie de liaison, il se voit éjecté de l’atome, lequel devient un ion chargé positivement. On a donc affaire ici à un phénomène d’ionisation.
L’ionisation doit d’ailleurs être complètement généralisée de la manière suivante : Si l’électron concerné est un électron qui sert à lier deux atomes ou deux groupes d’atomes au sein d’une molécule, alors la liaison moléculaire se voit brisée ; l’un des composants perd l’électron et devient ion positif, alors que l’autre composant l’accapare et devient ion négatif.
Ce point est tout à fait fondamental dès lors qu’on s’intéresse à l’interaction des particules avec la matière. En radioprotection par exemple il apparaîtra que le côté dangereux des rayonnements est uniquement lié à leur caractère ionisant, selon la logique suivante : 1°) L’ionisation d’une molécule revient à la briser ; 2°) Si cette molécule a une fonction importante dans une cellule, cette fonction n’est plus assurée ; 3°) Si une cellule perd ainsi trop de molécules importantes, elle peut en souffrir et en définitive en mourir.