Radioprotection |
Chapitre II: Détection des particules. |
II.E. Paramètres de détection.
1)Angle solide.
a.Définition.
Soit une sphère de rayon R et soit, sur la surface de cette sphère, une calotte sphérique de surface S.
Par définition, l'angle solide sous lequel cette calotte est vue depuis le centre est donné par:
Cette grandeur mesure en fait l'ouverture du cône qui partant du centre de la sphère s'ouvre sur la calotte. Son unité SI est le stéradian, unité qui correspond à une surface S=R². Etant donné que la calotte la plus ouverte qui soit n'est pas autre chose que la sphère complète, dont la surface S=4πR², on en déduit que l'angle solide maximum vaut ω=4πR²/R²=4π stéradians. Il correspond à une ouverture du point central sur tout l'espace qui l'entoure.
On notera l'analogie avec la définition d'un angle plat défini par un arc de longueur L sur un cercle de rayon R par la formule θ=L/R, dont l'unité est le radian (pour L=R) et dont la valeur maximum θmax=2π radians correspond au périmètre complet de longueur L=2πR.
b.Angle solide de détection.
Soit un détecteur dont la surface d'entrée S, supposée circulaire et de rayon r, se situe à une distance d d'une source radioactive supposée ponctuelle. Alors, pour d>>r, l'angle solide que présente ce détecteur à la source vaut approximativement ω≈S/d² (voir ci-dessous pour ce qui est du caractère approximatif).
La source émet des particules dans toutes les directions, donc dans 4π stéradians, mais le détecteur n'en reçoit que celles qui sont émises vers lui, dans l'angle solide ω. Si la source émet N0 particules par seconde, le détecteur n'en recevra par seconde que le nombre Nd donné par:
La formule ci-dessus se révèle pratique à l'usage mais doit être manipulée avec précaution car valable seulement lorsque le détecteur est très éloigné de la source. Elle n'est correcte ni dans son numérateur, où c'est la surface de la calotte sphérique qui devrait entrer en jeu, et non pas la surface plane de la face d'entrée, ni dans son dénominateur, où à la place de d devrait apparaître le rayon R de la sphère centrée sur la source. Le cas du dénominateur est particulièrement critique puisque pour d tendant vers de petites valeurs on obtient un résultat absurde en termes d'angle solide, mais il est aussi facile à corriger exactement: Le rayon R de la sphère n'est autre que la distance de la source à un point de la périphérie du détecteur, ce qui peut se mesurer aisément.
Le numérateur est aussi source d'erreur quand le détecteur est proche de la source, avec le cas limite d=0 pour lequel la calotte sphérique est la demi-sphère de surface 2πR², soit un facteur 2 par rapport à la surface du cercle S=πR². Toutefois la correction peut ici aussi se faire exactement en mesurant d et R, ainsi que la formule de la calotte sphérique S=2πR(R-d), ce qui donne le résultat suivant, toujours vrai pour une ouverture circulaire:
Pour une ouverture carrée ou rectangulaire, R est la distance entre la source et le sommet du quadrilatère, mais la surface de la calotte est moins évidente à trouver exactement. En pratique, la formule approchée S/R² est la plus abordable pour un détecteur éloigné, en lui préférant ω≈2π pour un détecteur proche.
c.En radioprotection.
En radioprotection, la notion d'angle solide débouche sur ce qu'il est convenu d'appeler la "règle de la distance", selon laquelle la dose d'exposition diminue selon le carré de la distance qui sépare la personne (radiologue ou patient) de la source: En s'éloignant d'un facteur 2 la dose diminue d'un facteur 4; elle est divisée par 9 pour une distance triple,…
En principe la variation "au carré" n'est strictement vraie que pour une source ponctuelle. Pour une source étendue, comme un scanner en rotation, la variation peut être plus lente et s'apprécie le mieux au travers de mesures effectuées à proximité.
Il y a lieu d'insister sur ce qui fait en définitive l'importance de la règle de la distance: Peu importe le plus souvent la nature exacte de la variation, en puissance 2 ou linéaire ou autre, ce qui compte est l'idée que l'éloignement diminue la dose… tout simplement!
2)Efficience de détection.
Lorsqu'une particule atteint la face d'entrée du détecteur, ce n'est pas pour autant qu'elle y génère un signal. Dans le cas des photons durs par exemple, rayons X ou gammas, on sait que la probabilité qu'ils traversent le milieu actif sans y interagir n'est jamais nulle. On peut aussi penser aux électrons issus d'un émetteur bêta, dont certains ont une énergie très basse et seront donc arrêtés par la paroi d'entrée de l'instrument.
Par définition, l'efficience de détection ε mesure le pourcentage de particules qui, ayant atteint le détecteur, y génère un signal. Si on note, comme ci-dessus, Nd le nombre de particules qui touchent le détecteur par seconde et Ns le nombre de signaux générés dans le milieu actif, on a donc:
L'efficience de détection dépend de façon critique de la nature des particules observées et de leur distribution en énergie. S'agissant de relier Ns à l'activité N0 d'une source, on parle souvent du "εω" du système de détection utilisé. La connaissance du εω est nécessaire pour relier l'un à l'autre, puisque:
3)Temps mort de détection.
Quand une particule interagit avec le milieu actif d'un détecteur, celui-ci s'en trouve souvent incapable pendant un certain temps de répondre à une nouvelle sollicitation. Dans un compteur Geiger-Müller par exemple, une telle interaction sature le gaz en ionisation et provoque momentanément une brusque chute de tension entre les électrodes, ce qui rend le système incapable de répondre à un éventuel nouvel événement qui interviendrait à ce moment. Le temps pendant lequel un détecteur se trouve ainsi aveuglé suite à une impulsion est appelé temps mort et sera ici noté τ.
Le temps mort est dit non-cumulatif si une particule qui arrive dans l'ombre d'une autre est simplement ignorée et n'augmente pas la durée d'indisponibilité du système. Il est dit cumulatif si cette particule impose son propre temps mort et augmente en conséquence le temps pendant lequel le détecteur est aveugle.
N.B.: Au temps mort du détecteur il faudrait en principe ajouter celui de l'électronique chargée de traiter le signal: Mesurer la hauteur ou la surface d'une impulsion et stocker l'information en mémoire ne se fait pas instantanément. Toutefois à l'heure actuelle ce désagrément est facilement contourné par l'utilisation de mémoires tampons: Quand le circuit reçoit un signal qu'il ne peut accepter, il le stocke dans ces mémoires intermédiaires, où il viendra le rechercher dès que possible.
a.Correction pour le temps mort non-cumulatif.
Si un détecteur accepte Nv impulsions par seconde et que chaque impulsion génère un temps mort τ, alors le temps par seconde pendant lequel ce détecteur a été indisponible vaut Nvτ. Soit alors Ns (notation du paragraphe précédent) le nombre de particules par seconde qui interagissent effectivement avec le milieu actif et devraient donc générer un signal. Parmi elles, NsΔt = NsNvτ ont été ignorées, parce qu'arrivées à l'intérieur d'un temps mort. L'ensemble Ns comprend donc les particules vues Nv et les particules ignorées NsNvτ, ce qui donne :
La dernière équation montre comment retrouver l'activité N0 d'une source au départ du nombre d'impulsions effectivement enregistré par seconde et compte tenu des trois paramètres de détection: Angle solide ω, efficience ε et temps mort τ par impulsion.
b.Correction pour le temps mort cumulatif.
Le cas du temps mort cumulatif est plus délicat à traiter. Parmi les Ns particules qui interagissent par seconde avec le milieu actif, les seules qui soient enregistrées ici sont celles qui arrivent au-delà du temps mort τ de la précédente. Or, si le temps entre deux particules de ce type est noté T, la probabilité de n'avoir aucune autre interaction dans cet intervalle est donnée par:
(N.B.: Cela vient de ce que la probabilité d'avoir une impulsion étant Ns par définition, la probabilité de ne rien obtenir pendant un intervalle de temps donné Δt vaut (1-NsΔt). Donc si on partage T en n petits intervalles Δt=T/n, la probabilité de ne rien obtenir pendant T est égale à (1-NsT/n)n. Il faut ensuite faire tendre Δt vers des valeurs infinitésimales, donc n vers l'infini, et appliquer l'identité mathématique ex=lim(1+x/n)n, limite à prendre pour n→∞)
Il faut ensuite intégrer sur toutes les valeurs possibles T>τ.
Par définition, ce résultat n'est autre que le rapport du nombre d'événements NV réellement observés au nombre total Ns, et donc:
Il faut résoudre cette équation numériquement pour obtenir l'inconnue Ns au départ de la quantité observée NV, et corriger ainsi pour le temps mort cumulatif τ
4)Résolution en énergie.
La résolution en énergie se définit le mieux sur un spectre mono-énergétique, où tous les événements devraient en principe se voir attribuer la même valeur d'énergie. En réalité chaque étape de la détection présente des aspects fluctuants: Le nombre d'ions créés par des particules identiques n'est jamais tout à fait le même, et c'est vrai aussi pour les photons générés dans un phénomène de fluorescence, ou pour les électrons qui se démultiplient dans un phototube. Le résultat est que l'énergie attribuée aux différentes particules varie plus ou moins fortement selon le système de détection utilisé. Dès lors, là où il devrait théoriquement avoir l'aspect d'une raie très fine, le spectre d'énergie se présente plutôt sous la forme d'un pic, dont la forme évoque le plus souvent une distribution de type normale, ou gaussienne. La meilleure estimation qu'on puisse se donner quant à la valeur vraie E de l'énergie correspond au maximum du pic, et la précision avec laquelle on peut connaître cette valeur dépend de la largeur ΔE du pic. Pour évaluer cette dispersion en énergie on peut prendre l'écart type σ, notion statistique qui dans le cas d'une gaussienne correspond à la demi-largeur à 61% de la hauteur (voir en statistique les notions de loi normale et de variance). En pratique pourtant on assimile souvent ΔE à la LMH, ou largeur pleine à mi-hauteur (en anglais FWHM: "full width at half maximum").
Il y a parfois une certaine ambiguïté quant à la définition du paramètre "résolution en énergie". S'agit-il de ΔE ou du rapport ΔE/E, qui mesure l'erreur relative sur l'énergie? Quand un même spectre présente plusieurs pics en énergie, la LMH augmente le plus souvent en E1/2 ce qui veut dire que ΔE/E diminue en E-1/2. Le premier critère signifie que des pics très proches seront plus difficilement séparables à haute énergie. Le deuxième critère veut dire quant à lui que pour un pic bien isolé, la précision sera meilleure pour E élevé.
Sans en faire une religion, c'est sans doute le premier critère, à savoir la LMH, qui répond le mieux à la notion de résolution.