Radioprotection |
Chapitre I: Interactions radiations-matière |
I.A Particules chargées
1) Ionisation directe.
Les "radiations" concernées ici sont les électrons, les positrons, les protons, les particules alphas et les noyaux de toute nature. La physique connaît d'autres particules chargées, comme le muon et le pion, mais elles ne font pas l'objet d'applications pratiques. Ces particules sont censées provenir de sources radioactives, d'accélérateurs de particules ou, indirectement, des phénomènes d'interaction des particules neutres qui seront décrits dans le prochain paragraphe. On fera ici l'hypothèse qu'elles forment un faisceau qui se propage dans l'air pour pénétrer ensuite un bloc de matière de nature quelconque où se produiront les interactions dont question ci-dessous. On supposera qu'à l'entrée dans la matière elles ont toutes la même énergie initiale E0, ce qui convient bien pour une première approche même si ce n'est certainement pas correct dans le cas de sources bêtas par exemple.
Comme souligné dans le sujet "physique nucléaire" la matière comporte essentiellement… du vide, en ce sens que la quasi-totalité de la masse est concentrée dans les noyaux atomiques qui n'occupent qu'une infime partie du volume. Quand une particule chargée pénètre un objet matériel, il se voit entouré d'autres entités chargées, les noyaux positifs et les électrons négatifs. Etant donné que les forces électriques s'exercent à distance, les interactions sont immédiates, que ce soit en attraction ou en répulsion. L'une des conséquences est que les électrons atomiques se voient, dès l'entrée et tout au long de la trajectoire, bousculés, portés vers des niveaux hauts ou éjectés de leurs orbites. Les particules chargées peuvent ainsi être qualifiées de directement ionisantes. S'il est vrai que ces interactions avec les électrons rencontrés dans la matière constituent la principale préoccupation dans le cadre de la radioprotection, ce qui se passe avec les noyaux est également très intéressant et fera l'objet d'une description séparée.
2) Interactions avec les électrons.
Une particule chargée qui pénètre dans la matière doit être vue comme une sorte de projectile très énergétique capable de déranger fortement ce qui se présente sur sa trajectoire. Elle est ainsi capable de facilement bousculer sur son passage les électrons atomiques qui s'y trouvent, objets très légers par excellence, avec pour conséquence une excitation atomique ou une ionisation.
Dans les phénomènes d'excitation, les électrons de la matière se voient portés vers des niveaux d'énergie supérieurs d'où ils redescendent en cascade vers les niveaux inoccupés les plus bas possibles tout en émettant des photons. Le spectre ainsi émis est caractéristique des atomes concernés et se décompose selon les conventions classiques en raies K (transitions vers le niveau K), en raies L, etc… Il s'agit là par exemple d'une des composantes du faisceau de rayons X émis par un tube radiologique, l'autre composante, la plus importante, étant le rayonnement de freinage (Bremsstrahlung) qui sera décrit plus loin.
L'ionisation du milieu est le phénomène le plus important en termes de radioprotection, pour les raisons évoquées en début de chapitre. Le point important est que chaque événement de ce type demande de l'énergie, énergie fournie par la particule incidente pendant le choc, ou plutôt l'interaction avec l'électron. On considère que les ionisations demandent en moyenne toujours la même quantité d'énergie, estimée à Ei≈32eV. Puisqu'il s'agit là de la source principale de dégâts provoqués par les radiations dans la matière en termes de brisures moléculaires et de pertes de fonctions chimiques, il convient d'en évaluer correctement l'importance. Le paramètre standard pour cela est le TLE, transfert linéaire d'énergie, par définition égal à l'énergie déposée par la particule par unité de distance parcourue, en unités J/m. Etant donné que les ionisations consomment chacune la quantité d'énergie Ei, le TLE est aussi une mesure de la densité Ni d'ionisations le long de la trajectoire.
Les électrons qui se voient éjectés de leurs atomes par ionisation sont eux-mêmes des particules chargées se propageant dans la matière. On les appelle des électrons secondaires. Lorsqu'ils ont suffisamment d'énergie pour provoquer à leur tour de nouvelles ionisations, on parle parfois de rayons delta. Ce genre de phénomènes secondaires n'est pas rare lorsque la particule incidente est très énergétique et se produit lors de collisions plus ou moins frontales avec grand transfert de quantité de mouvement.
3) TLE et parcours.
Chaque ionisation coûte de l'énergie à la particule incidente qui dès lors voit sa vitesse décroître et en définitive s'arrête, pour peu que le matériau soit suffisamment épais. La distance entre le point d'entrée et le point d'arrêt est le parcours ("range") de la particule.
Le parcours dépend de la nature du matériau et de l'énergie initiale E0. En termes de radioprotection il en découle une règle simple: S'il s'agit de se protéger d'une attaque extérieure de particules chargées, source radioactive ou faisceau, il faut interposer un blindage d'épaisseur supérieur au parcours. Il est ainsi possible d'arrêter la totalité du faisceau, ce qui ne sera certainement pas le cas pour les particules neutres, photons ou neutrons.
TLE et parcours varient à l'inverse l'un de l'autre. Si le nombre d'ionisations par unité de longueur est élevé, l'énergie s'épuisera vite, et inversement. Il y a lieu de ce point de vue de faire la différence entre des particules lourdes comme les alphas d'une part et des particules légères comme les électrons d'autre part:
- Les particules alphas sont massives (quatre fois la masse du proton) et possèdent une charge double, ce qui implique des forces électriques doubles. Masse élevée et charge élevée, deux raisons pour lesquelles le TLE est très élevé, typiquement de 1MeV pour 10µm dans l'eau, ce qui signifie une très haute densité d'ionisation mais également un parcours très réduit, quelques centièmes de millimètres pour des alphas provenant de sources radioactives. Ceci appelle deux commentaires: 1°) Pour se protéger vis-à-vis d'une source alpha extérieure, un mince voile de matière suffit à faire écran; 2°) Il en va tout autrement lorsqu'il y a absorption d'une activité alpha, que ce soit par ingestion, inhalation ou injection. Une particule de ce type qui se voit émise au sein d'un organe y aurait, c'est vrai, un trajet très court, mais sur ce trajet très court la densité d'ionisation est très élevée au point que toutes les cellules qui s'y trouvent en sont affectées. Les isotopes alphas sont toxiques en absorption.
- Les électrons sont beaucoup plus légers et sont dotés d'une charge simple. Le TLE est ici beaucoup plus faible, typiquement de 1MeV pour 1/2cm d'eau. A même énergie le parcours est donc plus élevé et les blindages de protection à envisager sont plus importants: Quelques millimètres de matériau pour des sources radioactives (à étudier au cas par cas!), beaucoup plus pour des faisceaux accélérés. Les densités d'ionisation pour une particule unique sont plus faibles mais portent plus en profondeur.
4) Le pic de Bragg.
Le TLE est grosso modo une constante, ou tout au moins varie lentement sur le parcours, si ce n'est qu'en bout de course il présente un accroissement notable. Cette augmentation finale de la densité d'ionisation est connue sous le nom de pic de Bragg. Elle peut s'expliquer de la manière suivante: A son entrée dans la matière la particule projectile a une énergie élevée; il n'est pas facile de la dévier et elle continue donc sa route essentiellement en ligne droite. Par contre lorsqu'à force de ralentir elle atteint des vitesses faibles les rebonds lors des interactions sont beaucoup plus marqués au point que sa trajectoire finit par se replier sur elle-même; elle passe donc plus de temps dans la même région où restent localisées les dernières ionisations.
Le pic de Bragg s'avère particulièrement intéressant en radiothérapie. Si l'énergie du faisceau est calculée de façon telle que la région de basse énergie se situe au niveau d'une tumeur, les dégâts occasionnés dans cette région seront plus importants que dans la traversée initiale des tissus sains, ce qui bénéficie au bilan global du traitement. Il faut noter toutefois de grandes différences entre particules de ce point de vue. Autant le phénomène est peu marqué au niveau des électrons, autant le pic de Bragg est prononcé et très localisé pour les protons et les ions plus lourds, ce qui explique en grande partie le succès actuel de la protonthérapie et de ses dérivés.
5)Interactions avec les noyaux.
Etant donné que les particules chargées qui pénètrent dans la matière interagissent à distance avec tous les objets de même nature, il n'y a pas que les électrons qui sont concernés, il y a aussi les noyaux. La grande différence est que, alors que les électrons sont très légers donc faciles à déloger, les noyaux quant à eux sont massifs et essentiellement rivés sur leurs positions. Le plus normalement du monde, c'est plutôt le projectile passant à proximité qui va se voir dévié dans un sens ou dans l'autre selon son signe de charge. Sa progression selon la direction initiale étant contrariée, on peut parler de freinage selon cette direction. Intervient alors un principe de physique très général et très utilisé: Toute particule chargée qui voit sa vitesse varier selon une direction émet un rayonnement appelé rayonnement de freinage ou Bremsstrahlung.
Le Bremsstrahlung est riche en applications: Le tube à rayons X fournit son faisceau par freinage d'électrons dans l'anode; les accélérateurs d'électrons comme on en trouve dans les hôpitaux peuvent fournir un faisceau de photons en interposant une plaque de matière à la sortie de la machine; le rayonnement synchrotron est un rayonnement émis par la tangente par des particules en trajectoire circulaire dans un anneau (A Grenoble, au confluent du Drac et de l'Isère se trouve une installation entièrement dédiée à des recherches qui utilisent des "lignes de lumière" émises ainsi en périphérie d'un synchrotron); les émissions radios pourraient aussi être reliées à ce type de phénomène puisque les ondes sont émises par des électrons oscillant dans des antennes (et une oscillation implique en permanence des modifications de vitesse).
[
La puissance émise par une particule de charge q soumise à une accélération a est donnée par:
où ε0 est la permittivité du vide et c la vitesse de la lumière dans le vide. La distribution angulaire est proportionnelle à:
où θ est l'angle entre la direction d'accélération et la direction d'observation et où β=v/c est le rapport de la vitesse de la particule à celle de la lumière. L'angle sous lequel l'intensité émise est maximum est donné par:
Pour les particules non-relativistes (v<<c) on a β≈0 et le maximum d'intensité se fait à π/2. Dans le cas relativiste on a β≈0 et θmax≈0, ce qui signifie que l'émission se fait essentiellement vers l'avant, dans la direction de modification de la vitesse. Cela implique que l'anode d'un tube à rayons X émet essentiellement à 90° alors qu'un accélérateur d'électrons envoie les photons dans la direction principale du faisceau. (Pour apprécier le côté relativiste d'un mouvement le plus simple est de se référer à la masse. Si l'énergie de la particule approche ou à fortiori dépasse sa valeur de masse sa vitesse est relativiste. Or les électrons ont une masse de 511keV/c² et un tube à rayons X fonctionne typiquement dans les 100kV alors que les accélérateurs médicaux délivrent des énergies qui se mesurent en MeV)
N.B.1: Formules d'après E.B.Podgorsak, review of radiation oncology physics: A handbook for teachers and students, International Atomic Energy Agency.
N.B.2: La dernière formule s'obtient au départ de la précédente en recherchant le maximum de f(θ), donc la valeur de θ qui annule sa dérivée. On vérifiera que la dérivée de f(θ) donne:
Après réduction au même dénominateur, la dérivée s'annule pour:
Le calcul des racines admet comme seule solution plausible la formule ci-dessus.
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6) Pouvoir d'arrêt et parcours.
Le pouvoir d'arrêt S(E) ("stopping power") d'un matériau vis-à-vis d'une particule est la quantité d'énergie que celle-ci perd par unité de longueur le long de sa trajectoire.
S(E) est une notion différente du TLE défini au §2 ci-dessus. Il s'agit en somme d'une différence de point de vue: S(E) est la quantité d'énergie perdue par la particule alors que le TLE est la quantité d'énergie absorbée par la matière, ce qui n'est pas la même chose. Le pouvoir d'arrêt peut être scindé en deux parties correspondant aux deux modes d'interaction qui viennent d'être décrits: Le S(E)col, qui serait le pouvoir d'arrêt par collision lié aux chocs avec les électrons atomiques, et le S(E)rad, ou pouvoir d'arrêt par rayonnement provenant du Bremsstrahlung.
S(E) = S(E)col + S(E)rad
C'est le premier terme S(E)col qui est lié au TLE car il inclut la capacité ionisante de la particule incidente. Etant le principal responsable de la dose absorbée par le matériau, il joue un rôle important en dosimétrie. Par contre c'est le S(E) total qui définit le parcours ("range") puisque c'est lui qui dicte le rythme de ralentissement global depuis l'énergie initiale E0 jusqu'à l'arrêt.
7) Cas du positron.
Le positron (Voir "physique nucléaire", ChIII.A.2) a la même masse que l'électron et la même charge électrique en valeur absolue. Dans sa traversée de la matière son comportement est tout à fait semblable et présente, à même énergie, des TLE et parcours identiques. C'est en bout de course, une fois qu'il aura atteint de faibles vitesses, qu'il se souviendra qu'il est antimatière. Il se lie alors à un électron et s'annihile avec lui pour donner de l'énergie pure sous forme de rayons gammas. Le plus souvent il s'agit de deux gammas, pour lesquels les lois de symétrie de la physique imposent qu'ils soient émis à 180° et avec des énergies identiques. La direction d'émission reste libre et peut prendre n'importe quelle orientation dans l'espace. L'énergie commune des deux photons est de 511keV puisque l'énergie fournie lors de l'annihilation provient des deux masses de 511keV/c² des deux particules et que cette énergie doit se distribuer symétriquement sur les deux photons.
Ce phénomène d'annihilation électron-positron en deux gammas est la base même de la technique d'imagerie PET-scan (en français TEP: Tomographie par Emission de Positrons)
L'annihilation passe par une étape intermédiaire où les deux particules se lient pour former ce qu'on appelle le positronium. Le positronium est l'analogue d'un atome d'hydrogène où le positron joue le rôle du proton, à la différence notable que contrairement au proton il a exactement la même masse que l'électron et que dès lors on a affaire ici à un système binaire où chacun des deux objets tourne autour de l'autre (plus exactement ils tournent tous deux autour de leur centre de gravité situé au centre).
Comme l'atome d'hydrogène le positronium présente deux formes de base. Le premier est tel que les spins ½ des deux particules sont anti-alignés pour donner un spin global nul. C'est cet état, le para-positronium qui s'annihile en deux photons. Il peut aussi choisir d'autres nombres pairs, 4 ou 6 photons, mais la probabilité que cela se produise est infime.
Dans l'autre forme, l'ortho-positronium, électron et positron alignent leurs spins pour donner un spin 1. Cet état est un triplet parce qu'il a trois projections possibles Sz=1, 0 et -1. Il s'annihile en trois photons, ce qui n'a rien à voir avec l'aspect "triplet". La probabilité que l'état ortho se forme est beaucoup plus faible que pour l'état para, de l'ordre de quelques pour-mille, ce qui est donc aussi le rapport de probabilités d'annihilation 3γ/2γ.
Le temps de vie du positronium est très court: 125 picosecondes pour l'état para, 142 nanosecondes pour l'état ortho.
Annexe: Formules pour le pouvoir d'arrêt des particules chargées.
Le ChI.A ci-dessus décrit l'essentiel de la physique des interactions des particules chargées avec la matière. Le lecteur qui voudrait aller plus loin trouvera ici les principales formules liées à cette physique, en particulier la formule de Bethe-Bloch pour le pouvoir d'arrêt collisionnel.
i)Particules lourdes.
Les particules chargées considérées comme lourdes (protons et alphas pour ce qui concerne les applications médicales) qui traversent la matière sont ralenties par petites étapes associées à de petites pertes d'énergie. Compte tenu de leur masse élevée, un choc unique ne peut de beaucoup les décélérer (et une décélération est une accélération linéaire, dans la direction de la vitesse), ou les dévier (ce qui correspond à une accélération centripète perpendiculaire à la vitesse). De ce fait la perte d'énergie par rayonnement de freinage, ou Bremsstrahlung (notée ci-dessus S(E)rad) est négligeable. En ce qui concerne les pertes d'énergie par collision coulombienne on devrait en principe faire intervenir d'une part les collisions sur les électrons atomiques et d'autre part les collisions sur les noyaux, mais cette dernière contribution ne devient importante qu'à très basse énergie, lorsque la particule lourde atteint des vitesses faibles où elles sont plus facilement déviées. En valeur absolue, les échanges d'énergie dans les collisions avec noyaux restent faibles de toute façon et seront également négligées ici. On gardera toutefois à l'esprit que ce type d'interactions contribue à dévier les trajectoires des particules et à les écarter les unes des autres, ce qui provoque un élargissement du faisceau en fin de parcours et contribue à l'augmentation de l'énergie déposée dans les dernières couches traversées, ce qui est typique du pic de Bragg.
Les protons et les particules alphas peuvent induire des réactions nucléaires, ce qui consomme en général l'énergie de la particule concernée mais ne représente pas une perte d'énergie importante pour l'ensemble d'un faisceau formé d'un très grand nombre de particules.
Il reste donc à considérer l'interaction entre les particules lourdes incidentes et les électrons atomiques de la matière traversée. Ces interactions se font au travers de la force électrique qui induit des effets mécaniques importants sur ces objets très légers que sont les électrons (Excitation vers des niveaux hauts ou ionisation de l'atome). La formule dite de Bethe-Bloch permet d'évaluer le pouvoir d'arrêt dE/dx de particules de vitesse relative β=v/c et de charge z (z=1 pour les protons et 2 pour les alphas) dans un matériau où le nombre d'électrons par unité de volume vaut n et où l'énergie d'excitation moyenne vaut I:
…où k=1/(4πε0) est la constante électrique.
On définit aussi le pouvoir d'arrêt massique en divisant la formule ci-dessus par la masse spécifique ρ du matériau, ce qui permet de se libérer de ce paramètre moins fondamental et de construire des tables de valeurs numériques très générales. (voir par exemple la rubrique "liens utiles" dans le menu principal à gauche de l'écran). La masse spécifique ρ est cachée ci-dessus dans le nombre n d'électrons par cm3, qui vaut Z fois le nombre na d'atomes par cm3. Pour calculer ce nombre on passe par la masse d'un atome, qui est égale d'une part à ρ/na et d'autre part au nombre de masse A divisé par le nombre d'Avogadro.
De là:
Dans la forme non relativiste, on préfère remplacer c²β² par son équivalent v², et par ailleurs on peut négliger les β² isolés, puisque v<<c:
On considère qu'une particule devient relativiste lorsque son énergie approche de sa masse. Dans les quelques applications médicales des particules lourdes, par exemple, ce n'est jamais le cas: On utilise en brachythérapie certaines sources alphas, mais les particules émises n'ont que quelques MeV d'énergie, à comparer à la masse de quelque 4GeV. En protonthérapie, les protons sont accélérés à des énergies tout de même autrement élevées, puisqu'on peut atteindre là des 200MeV, mais cela reste faible comparé à la masse de 938MeV/c².
ii)Electrons et positrons.
L'électron et le positron sont des particules très légères (0,511MeV/c²) qui peuvent être facilement déviées lors d'un choc. Une seule interaction peut leur imposer de fortes accélérations (dans le sens évoqué plus haut) et leur enlever une grande quantité d'énergie. Il en résulte des différences dans le pouvoir d'arrêt collisionnel (dE/dx)col par rapport à celui des particules lourdes, ainsi que l'obligation de considérer cette fois le pouvoir d'arrêt par émission de rayonnement (dE/dx)rad, qui n'est plus négligeable pour des énergies au-delà du MeV.
Compte tenu des énergies mises en jeu aux échelles atomique et nucléaire, l'électron et le positron sont pratiquement toujours à vitesse relativiste, si ce n'est lorsqu'ils arrivent en bout de course dans leur progression au sein de la matière, ou s'ils proviennent de la partie basse d'un spectre bêta.
La formule de Bethe-Bloch modifiée s'écrit:
…où τ est égal à l'énergie cinétique divisée par mec² (τ=Ec/mec²). Les termes additifs F- et F+, par ailleurs un peu compliqués, valent respectivement pour l'électron et pour le positron. Ils diffèrent non pas tellement parce que le positron s'annihile en bout de course, mais plutôt parce que dans le cas d'un électron incident qui interagit avec un électron atomique, le projectile et la cible sont identiques, et qu'intervient alors le principe d'indiscernabilité selon lequel dans l'état final chaque électron sortant peut être vu comme provenant de l'un ou de l'autre.
L'émission de rayonnement lors du freinage d'une particule chargée (Bremsstrahlung), avec transfert d'énergie au photon émis, est un principe très général en électromagnétisme, exploité par exemple dans les accélérateurs circulaires, où on l'appelle rayonnement synchrotron, ou encore dans les antennes émettrices où des électrons mis en oscillation émettent des ondes de la même fréquence que leur mouvement. En imagerie médicale ou en radiothérapie on l'exploite pour générer des faisceaux de rayons X, que ce soit dans le tube à rayons X ou à la sortie d'un linac lorsqu'on place sur le chemin du faisceau d'électrons une plaque absorbante et décélératrice.
Le pouvoir d'arrêt radiatif est donné par la formule:
…où le facteur 1/137 vient de la constante de structure fine α=ke²/ħc
Le pouvoir d'arrêt radiatif est négligeable à basse énergie, y compris vers les 100keV qui représentent la région de fonctionnement typique d'un tube radiogène. Comme cela sera discuté dans le sujet radiologie, il en découlera que dans un tube de ce type l'essentiel de l'énergie part en chaleur, ce qui vient du pouvoir d'arrêt collisionnel, et fort peu en émission de rayons X. Négligeable donc à basse énergie, le pouvoir d'arrêt radiatif atteint le pour cent du pouvoir d'arrêt collisionnel vers 1MeV d'énergie, et environ 10% vers 10MeV, cette dernière valeur étant typique des linacs de radiothérapie (ils fonctionnent souvent à 8MeV ou à 16MeV). Pour obtenir des niveaux comparables pour les deux modes il faut monter à 100MeV, mais ceci est très au-delà des énergies en jeu dans les applications médicales.