Physique pour la médecine

...la théorie!

Physique   nucléaire.

Chapitre III: Radioactivité des   noyaux.

III.B. Temps de vie

 

1)Décroissance radioactive

 

a)Taux de désintégration

 

Soit une source radioactive qui contient à un moment donné t0=0 un nombre de noyaux N0 d’un isotope instable. Ces noyaux vont se désintégrer les uns après les autres selon une séquence purement aléatoire, rien ne permettant de prédire l’écart temporel entre deux événements consécutifs. Pour certains isotopes, les noyaux meurent les uns après les autres à un rythme très élevé, de sorte que le nombre de noyaux radioactifs diminue rapidement. D’autres isotopes par contre évoluent beaucoup plus lentement et voient leur activité se maintenir sur des périodes qui peuvent, pour certains, se mesurer en milliards d’années.

La quantité la plus facile à mesurer est le nombre ΔN de noyaux qui se désintègrent sur un intervalle de temps Δt, ou encore le nombre ΔN/Δt de désintégrations par seconde. Cette quantité ΔN/Δt est plutôt notée dN/dt quand on envisage des intervalles de temps dt extrêmement petits, ce qui correspond alors à la variation instantanée du nombre de noyau, ou encore mathématiquement à la dérivée de la fonction N(t). dN/dt dépend de N(t) lui-même puisque moins il y a de noyaux présents moins il y en a qui meurent par seconde, mais aussi d’une valeur λ plus fondamentale, liée à la nature de l’isotope concerné.

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Le signe moins marque le fait que N(t) est une quantité qui diminue dans le temps ou, en mathématiques, une fonction décroissante donc de dérivée négative. La constante λ est dite constante radioactive, ou taux de désintégration du noyau.

La solution N(t) de l’équation ci-dessus, autrement dit l’expression qui décrit l’évolution du nombre de noyaux radioactifs au cours du temps, est la seule fonction qui soit proportionnelle à sa propre dérivée, à savoir une exponentielle, décroissante dans le cas qui nous occupe.

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…où N0 est le nombre de noyaux initial à t=0.

N.B. : On a ici le secret du nombre e, nombre transcendant (e=2,71828…) tel que dex/dx = ex, donc tel que la dérivée d’une fonction soit égale à elle-même. Or il est très fréquent en sciences qu’une quantité varie de façon évidente proportionnellement à elle-même. Dans une culture de bactéries, plus il y a de bactéries plus on en voit apparaître par minute : La culture croît exponentiellement. On trouve des cas semblables en chimie, dans la cinétique des réactions, ou en physique, dans l’absorption des faisceaux de particules, et dans bien d’autres situations. Cela justifie qu’on appelle parfois cette fonction l’exponentielle naturelle, ou sa fonction réciproque le logarithme naturel.

 

b) Temps de vie

 

Quand λ est élevé le nombre de noyaux décroît rapidement, ce qui veut dire également qu’après un court laps de temps il n’en subsistera plus beaucoup. Quand λ est faible N(t) décroît lentement et donc l’activité de la source se maintiendra plus longtemps. De là découle la notion de temps de vie d’un isotope, défini comme l’inverse de λ.

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En langage parlé on devrait dire ainsi que le temps de vie est le temps nécessaire pour que le nombre de noyaux radioactifs diminue d’un facteur e=2,718. Donc pour t=τ on a N=N0/e, pour t=2τ on a N=N0/e², et pour t=nτ on a N=N0/e, ce que visualise le graphe ci-dessous.

Décroissance radioactive: notion de temps de vie.

N.B. : Aspects mathématiques :1°) Le graphe d’une exponentielle affiche sa caractéristique première, à savoir que la dérivée de la fonction est proportionnelle à la fonction elle-même. Quand le nombre est grand la variation est rapide ; quand il est faible la variation est lente. 2°) Dans y=ekx, k est appelé la caractéristique de l’exponentielle. Sur le graphe on obtient 1/k sur l’axe des abscisses en prenant la tangente en un point et en la prolongeant jusqu’à l’intersection avec cet axe.

 

c)Temps de demi-vie ou période.

 

Le temps de vie τ découle directement de la description mathématique de la décroissance radioactive, mais il s’avère qu’il n’est pas très pratique à manipuler mentalement. Il correspond au temps nécessaire à l’activité pour décroître d’un facteur e, mais le nombre e est un nombre transcendant qui n’a rien d’un chiffre rond. Pour cette raison il est intéressant d’introduire à la main un paramètre analogue à τ mais lié à un chiffre rond de variation. On définit ainsi le temps de demi-vie T comme le temps nécessaire pour que le nombre de noyaux diminue d’un facteur 2. Donc pour t=T on a N=N0/2, pour t =2 T on a N= N0/2²= N0/4, ou de façon générale :

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T est aussi appelé période de l’isotope. « Période » est sans doute préférable à « temps de demi-vie », expression un peu trompeuse en ce qu’elle suggère qu’en attendant deux fois ce temps l’activité est morte, ce qui est n’est pas correct. Il arrive aussi que T soit tout simplement appelé temps de vie, mais il y a là un abus de langage à n’utiliser qu’avec précaution.

Dans une expression exponentielle standard, la période apparaît comme ceci :

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Cela vient de ce que N=N0e-t/τ et que pour t=T on a N=N0/2 par définition. De là e-T/τ=1/2 puis -T/τ=ln(1/2) et T/τ=ln2.

La figure ci-dessous visualise la notion de période au niveau du graphe exponentiel.

Décroissance radioactive: notion de période, ou temps de demi-vie.

 

2) Activité d’une source

 

L’activité d’une source radioactive est égale au nombre de désintégrations qui se produisent par seconde au sein de la source.

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Le signe moins vient de ce que l’activité est plutôt liée au nombre de particules radioactives qui émanent de la source, ce qui est la quantité intéressante dans une application concrète, alors que dN/dt mesure le nombre de noyaux qui meurent par seconde. En principe chaque disparition d’un noyau s’accompagne de l’apparition d’une particule, notion qu’il conviendra de nuancer en radioprotection par exemple.

L’unité historique d’activité est le curie (Ci) qui correspond à 3,7 1010 désintégrations par seconde. L’unité moderne, celle qui relève du système international SI, est le becquerel (Bq) beaucoup plus simplement défini comme égal à 1 désintégration par seconde. Tous les ouvrages et publications actuels utilisent exclusivement le becquerel, et il est recommandé à tous les acteurs de terrain d’adopter cette unité. Il faut reconnaître que le curie fait de la résistance et reste fort utilisé en routine, comme toute unité bien ancrée dans les mœurs (On trouve la même situation dans d’autres domaines : en alimentation la calorie devrait en principe être remplacée par le joule mais sera difficile à déloger !). C’est aux jeunes générations qu’il incombera sans doute d’opérer le changement.

Autant le becquerel est une activité faible qui se manipule en pratique au travers de ses multiples, le kBq ou le MBq, autant le curie correspond quant à lui à une activité très élevée et ne se rencontre normalement qu’en termes de sous-multiples, le mCi ou le µCi. A l’origine le curie a été défini comme l’activité d’un gramme de radium, ce qui est lié bien sûr à l’histoire de Marie Curie qui a reçu le prix Nobel pour ses découvertes du radium et du polonium. Marie Curie a manipulé des tonnes de pechblende pour en extraire des activités énormes dont elle ne connaissait pas le danger… au début en tout cas, car c’est elle et avec elle quelques autres pionniers qui ont découvert à leurs dépens le côté obscur ( !) des radiations.

Puisque A(t)=-dN/dt et que dN/dt=-λN(t), on obtient A(t)=λN(t) et en particulier A0= λN0. Dès lors en multipliant par λ les équations ci-dessus il apparaît que A suit les mêmes lois exponentielles que N.

 

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N et A peuvent différer numériquement de plusieurs ordres de grandeur mais quand l’un décroît d’un facteur x l’autre fait de même, ce qui est en accord avec l’intuition.

 

3) Filiation radioactive

 

Soit un isotope de type 1, de constante radiative λ1, qui après désintégration donne un isotope de type 2 lui-même radioactif et de constante λ2. Dans le cadre de certaines applications comme la médecine nucléaire il est intéressant d’étudier l’évolution dans le temps de l’activité du noyau fils 2.

Soit une source comportant au départ N10 noyaux pères. Il est supposé que la source est fraîchement formée et donc qu’à t=0 elle ne contient pas encore de noyaux fils (N20=0). Chaque fois qu’un type 1 se désintègre il apparaît un type 2, lequel a ensuite une certaine probabilité de se transformer à son tour. La variation par seconde dN2/dt du nombre N2 dépend ainsi de deux contributions : un apport positif égal au nombre dN1/dt de noyaux pères qui meurent par seconde, et une diminution - λ2N2 liée à son propre taux de désintégration.

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Ou, en utilisant N1=N10e1t :

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En multipliant par eλ2t, pour les besoins de la cause, et en intégrant de 0 à t :

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Dans le membre de droite, la première intégrale est directe :

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Pour ce qui est de la deuxième on utilise la règle d’intégration par partie ∫u’vdx=uv-∫uv’dx avec u’= eλ2t et v=N2, ce qui donne, en se rappelant que N20=0 :

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En remplaçant dans l’équation principale le dernier terme annule le membre de gauche. Il reste :

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Et enfin en isolant N:

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Une situation intéressante se produit lorsque la période de 2 est très supérieure à celle de 1 (T2>>T1 et donc λ1<<λ2). Dans ce cas λ1 peut être négligé face à λ2 et par ailleurs après un temps égal à plusieurs fois la période T2 la deuxième exponentielle de la parenthèse devient petite en comparaison de la première. Le nombre de noyaux fils va alors croître progressivement depuis zéro pour atteindre un maximum et décroître au même rythme que l'élément père. Les amplitudes seront toutefois très différentes puisque dans le rapport λ1/(λ21)≈λ12

Les activités A1 et A2 suivent les lois classiques A1(t)=λ1N1(t) et A2(t)=λ2N2(t), où les coefficients λ1 et λ2 confèrent cette fois aux deux courbes des amplitudes fort proches. Dans la partie descendante A2 reste même légèrement supérieur à A1, toujours à cause du coefficient λ1/(λ21).

 

 

Filiation radioactive.

Par exemple le technétium-99 a une période de 6h, ce qui convient bien à son utilisation en routine et à son élimination par le patient, mais ce qui fait problème en termes d’approvisionnement puisqu’une source de Tc99m pure verrait son activité réduite d’un facteur 16 après 24h, soit quatre fois la période. La solution consiste à se fournir en le noyau père, à savoir le molybdène-99 dont la période de 67h est onze fois plus longue et qui, stocké dans l’appareil adéquat (voir « médecine nucléaire »), génère l’isotope utile à son propre rythme.