Radioprotection |
Chapitre III: Dosimétrie. |
III.B. Dosimètres.
Les dosimètres ne sont somme toute qu'une variété de détecteurs de particules. On trouvera donc au chapitre II (ou en radiologie pour ce qui est du film photographique) les grands principes de base de leur fonctionnement. Le présent chapitre explique comment ces principes sont mis en œuvre pour aboutir à des outils portables, simples à l'usage et bien adaptés à la mesure des grandeurs dosimétriques définies au chapitre précédent.
A l'exception du dosimètre opérationnel, qui peut fournir de l'information en permanence et en temps réel, les dosimètres sont remis à l'utilisateur pour une période plus ou moins longue selon l'importance de l'exposition encourue. En fin de période ils sont récoltés par le service de radioprotection qui effectue les mesures de dose et informe du résultat les personnes concernées.
1)Film dosimétrique.
L'usage du film photographique pour l'observation des rayonnements ionisants remonte… à leur découverte par Röntgen à la fin du XIXème siècle! On trouvera au chapitre V.A du sujet "radiologie conventionnelle" les caractéristiques de base de ce support.
Ces dosimètres de ce type sont faits d'un film de quelques centimètres-carrés enfermé dans un boîtier léger de plastique qui se porte à la pochette ou à la ceinture. Si l'utilisateur se voit exposé à du rayonnement, le film est peu à peu impressionné, de sorte que le noircissement final est une bonne mesure de l'intégrale de dose sur la période. Après développement, la lecture peut se faire classiquement de deux façons différentes. Première possibilité: Le service de radioprotection possède une collection de standards, à savoir des films qui se sont vus imposer différentes doses connues. Le dosimètre à mesurer est comparé avec ces différents standards et se voit attribuer comme dose reçue celle qui correspond au standard dont le noircissement est le plus proche.
Une autre possibilité est la lecture au moyen d'un densitomètre. Dans ce type d'appareils, le film est placé entre une lampe qui lui envoie une intensité bien définie I0, et un détecteur qui mesure l'intensité transmise I. Le rapport I0/I donne l'opacité.
La mesure peut s'avérer relativement sophistiquée en disposant à l'intérieur du boîtier en plastique de petites plaques de métal de différente nature et de différentes épaisseurs, ce qui permet d'identifier le type de rayonnement et son intensité. Il peut aussi y avoir une plage nue, à savoir un trou dans le boîtier où le film n'est plus couvert que par un léger film opaque: Des particules de très faible parcours comme des alphas seront arrêtés partout sauf dans cette zone. Le schéma ci-dessous ne fait qu'évoquer une des nombreuses possibilités d'aménagement de ce type de dosimètre.
2)Chambre d'ionisation.
La chambre d'ionisation utilise un mode de fonctionnement particulier des détecteurs à gaz, ainsi que cela a été exposé au Ch.II.A. Montée en dosimètre elle prend la forme d'un cylindre dont l'enveloppe extérieure, à potentiel zéro, constitue une des électrodes, alors que l'autre électrode, au potentiel initial V0, est un fil qui suit l'axe du cylindre. Le tout est en général juste un peu plus volumineux qu'un stylo, et comme un stylo peut se porter à la pochette.
Quand l'utilisateur reçoit le dosimètre en début de période, le fil central est chargé à un potentiel V0 connu. Au fur et à mesure de l'exposition, les ions créés par les particules qui traversent la chambre neutralisent progressivement la charge initiale. En fin de période, le potentiel se voit ainsi réduit à une valeur V telle que V0-V est une mesure de la dose absorbée.
Un des atouts majeurs de ce type de dosimètre est la possibilité pour l'utilisateur de contrôler lui-même en permanence son exposition grâce à un petit électroscope monté dans l'appareil. Le principe de l'électroscope est bien connu par ailleurs: Une aiguille métallique attachée au fil central par un pivot est repoussée par celui-ci de par la simple répulsion électrostatique. Plus la charge diminue et plus la force électrique s'affaiblit, ce qui permet à l'aiguille de se rapprocher du fil (figure ci-dessous à gauche). En disposant une échelle graduée sur la trajectoire de l'extrémité de l'aiguille on obtient un instrument de mesure fiable. Le porteur peut observer l'état du système par une petite fenêtre prévue à cet effet (figure ci-dessous à droite).
3)Dosimètres thermo-luminescents.
Le principe de la thermoluminescence est évoqué au §II.D.2. Les dosimètres associés trouvent des applications là où il s'avère difficile de mettre en oeuvre les précédents modèles. Par exemple pour les personnes qui sont amenées à manipuler fréquemment des sources radioactives, il est important d'avoir un contrôle au niveau des mains. Le port d'un dosimètre à la pochette ou à la ceinture n'est pas ce qui convient le mieux en l'occurrence. Par contre il est facile de monter sur un anneau servant de bague un petit cristal thermo-luminescent comme du LiF. L'utilisateur portera cette bague pendant les manipulations et le remettra ensuite au service de radioprotection qui se chargera de la lecture par chauffage du cristal (§II.D.2). L'échauffement remet aussi à zéro le dosimètre qui se trouvera ainsi à nouveau prêt à l'emploi.
4)Dosimètres à semi-conducteurs (opérationnels).
Le principe de la détection de particules par des éléments semi-conducteurs est exposé au Ch.II.C. L'avantage des dosimètres basés sur ce principe est que, comme tout composant de ce type, un petit détecteur à semi-conducteur peut facilement être intégré dans un circuit électronique et partant de là exploiter les nombreuses possibilités modernes de traitement du signal: Il peut être relié à des mémoires qui stockent l'information à intervalles réguliers; en cas d'exposition élevée il peut servir à déclencher un bip d'alarme, sonore ou visuel; surtout, il peut être couplé à un affichage digital qui renseigne l'utilisateur en permanence et en temps réel sur la dose reçue. En particulier, ce système est le seul qui puisse fournir à tout instant la valeur d'un paramètre fondamental en termes de radioprotection, à savoir le débit de dose (§III.A.7). Au total, on a là un dosimètre qui s'impose aux professionnels qui évoluent dans des environnements soit à risque soit à exposition faible mais constante. En principe les directives nationales, suivant en cela les directives européennes, rendent obligatoire son utilisation en zone contrôlée, seul ou en complément d'un autre dosimètre, et cela y compris pour les étudiants et stagiaires qui y passeraient occasionnellement.
5)Dosimètres passifs et dosimètres actifs.
Les dosimètres passifs sont ceux qui ne donnent pas d'information directe à l'utilisateur et qui demandent à être lus en fin de période de mesure pour fournir un résultat global sur cette période. Les films dosimétriques et les dosimètres thermo-luminescents appartiennent clairement à cette catégorie.
Les dosimètres actifs sont ceux qui peuvent être consultés en permanence et en temps réel par la personne qui les porte. Rentrent donc dans cette catégorie les chambres d'ionisation… pour peu qu'elles soient équipées du système optique décrit ci-dessus (§2), et bien entendu les systèmes à semi-conducteur. La différence est que les premiers ne peuvent donner qu'une information intégrée alors que les seconds peuvent fournir en temps réel le taux d'exposition.
L'expression "dosimètre opérationnel" est en principe un synonyme de "dosimètre actif", mais en pratique on a tendance aujourd'hui à la réserver aux seuls appareils à affichage digital instantané.