Physique nucléaire. |
Chapitre II: Noyau et isotopes. |
II.A. Constitution du noyau.
1) Protons et neutrons.
Un noyau atomique est un objet physique qui rassemble un certain nombre de protons et un certain nombre de neutrons. Le proton et le neutron se distinguent par leur charge électrique et n’ont donc pas du tout le même comportement lorsqu’ils sont plongés dans un champ électrique ou dans un champ magnétique, mais du point de vue de la force nucléaire ils apparaissent très semblables, à tel point qu’on leur donne le nom commun de « nucléons ».
La manière la plus simple de se représenter un noyau est de le voir comme un simple agglomérat de protons et de neutrons, un ensemble de petites sphères serrées les unes contre les autres. On appelle cela le modèle en « sac de billes ».
Le modèle en sac de billes est un modèle très naïf , comme l’est aussi le modèle planétaire de l’atome de Bohr: Le proton comme le neutron sont tous deux formés d’objets plus élémentaires qu’on appelle les quarks, et il serait sans doute plus réaliste (??) de se représenter le noyau comme une « soupe » de quarks animés de vitesses extrêmement élevées dans un volume extrêmement réduit. Mais, pour l’usage que nous en ferons dans ce cours, voir le noyau comme un agglomérat de nucléons conviendra fort bien et rendra compte de toutes les caractéristiques que nous décrirons.
Comme rappelé ci-dessus, proton et neutron n’ont pas la même charge électrique : Elle est nulle pour le neutron, d’où son nom, alors que pour le proton elle est positive par convention et vaut la charge élémentaire e=1,6 10-19C, très exactement la valeur opposée de la charge négative de l’électron.
En ce qui concerne les masses, celle du proton vaut 938MeV/c², celle du neutron 939MeV/c², ce qui appelle deux remarques. Première remarque : ces masses sont presque égales ; deuxième remarque : ces masses ne sont pas tout à fait égales ! Le fait que ces masses soient presque égales est de nature à nous convaincre que d’un certain point de vue ces deux objets sont très semblables l’un à l’autre. Le fait que toutefois le neutron est légèrement plus massif que le proton est d’une grande importance en physique : Il impliquera que le neutron libre (isolé dans le vide) pourra se transformer en proton, alors que l’inverse ne sera pas possible. Un objet lourd peut devenir plus léger en éliminant l’excédent vers l’extérieur, alors qu’un objet léger ne peut devenir plus lourd sans recevoir quelque chose en provenance de l’extérieur. Le premier phénomène peut être spontané, le second ne peut l’être, et heureusement qu’il en est ainsi car si le proton isolé, à savoir… le noyau d’hydrogène, pouvait se transformer spontanément en neutron, l’hydrogène serait instable et nous ne serions pas là pour en parler !
Par ailleurs, si on se rappelle que la masse de l’électron est de 511keV/c², pratiquement 2000 fois plus faible que celle des nucléons, on en déduit que le noyau concentre la quasi-totalité de la masse de l’atome. Les électrons atomiques ne comptent que pour très peu de chose en ce domaine.
2) Symbole pour un noyau.
Pour caractériser le noyau dont on parle il faudra donc préciser :
1°) Le nombre Z de protons qui le composent . Z est appelé le nombre atomique. Il est bien connu également des chimistes, et ce n’est pas un hasard puisque l’atome neutre contient autant d’électrons, objet premier de la chimie, que de protons, qui nous intéressent ici en physique nucléaire. C’est d’ailleurs selon le nombre Z que s’organise la table de Mendeleev des éléments chimiques.
2°) Son nombre N de neutrons. N est le nombre neutronique.
3°) Le nombre de nucléons Z+N=A. On a vu ci-dessus que les protons et les neutrons ont pratiquement la même masse, de sorte que leur nombre total est une très bonne mesure de la masse totale du noyau. A est pour cela appelé nombre de masse. Comme Z, il est bien connu et très utilisé en chimie puisque, encore une fois, la masse du noyau est à peu de chose près celle de l’atome.
On proposera donc comme symbole global d’un noyau le sigle suivant,
où X représente le symbole chimique de l’atome correspondant.
A noter qu’il n’y a pas à proprement parler de convention quant à la disposition de A, Z et N autour de X. Il n’est pas rare par exemple de rencontrer un sigle du même type où A apparaît en haut à droite. Par ailleurs on doit bien constater des redondances dans les quatre informations proposées. Par exemple X et Z font un peu double emploi puisque la connaissance de l’un donne l’autre, et donner Z et N pourrait nous dispenser de préciser A puisqu’on peut le retrouver par la formule Z+N=A. Tout bien considéré on pourrait se contenter de deux informations au lieu de quatre, et l’usage veut qu’on utilise pour cela le symbole chimique et le nombre de masse :
Ce qui se traduit dans le langage courant par des locutions du genre : carbone-14, cobalt-60, technétium-99, uranium-235, etc…
Toutefois, au début de ce cours nous utiliserons souvent le symbole complet qui a l’avantage de nous faire apparaître plus directement la constitution du noyau.
3) Taille du noyau.
Le modèle simple du sac de billes rend bien compte de la taille des noyaux. Une sphère remplie de billes collées les unes aux autres a évidemment un volume directement proportionnel au nombre de billes qu’il contient, donc le volume du noyau est directement proportionnel au nombre de nucléons : V ∞ A. Le volume d’une sphère étant proportionnel au cube du rayon, on peut dire qu’inversement le rayon de la sphère est proportionnel à la racine cubique du volume, donc du nombre de nucléons : r ∞ A1/3. Il reste à préciser le facteur de proportionnalité entre rayon et racine cubique de A. Les mesures donnent r=0,5A1/3fm, où l’unité fm, le fermi, est une unité pratique en physique nucléaire qui vaut 1fm=10-15m. Par exemple le cuivre-63 a selon cette formule un rayon proche de deux fermis.
Il est intéressant à ce niveau de comparer la taille du noyau à la taille de l’atome dont il est le cœur, ou encore celle des orbites des électrons autour de l’atome. De même que les physiciens nucléaires utilisent le fermi, les chimistes utilisent pour mesurer les orbites électroniques une unité très typique de ce domaine, à savoir l’angström (1Å=10-10m). Comparer les dimensions de l’atome et du noyau revient à comparer l’angström et le fermi, ce qui donne un facteur d’échelle égal à 100.000 ! A supposer qu’on se dessine sur papier le noyau par un petit cercle de 1cm de rayon, alors il faudrait s’imaginer les électrons sur des orbites de l’ordre du kilomètre. On s’aperçoit alors que la matière comporte surtout… du vide, et on comprend mieux par exemple pourquoi certaines particules comme les photons durs ou les neutrons sont capables de s’y déplacer sur de grandes distances et de traverser ainsi de grandes épaisseurs de matière sans interagir.
(En termes de volume le rapport est plus impressionnant encore puisqu’il faut élever au cube le nombre 100.000, ce qui donne 1015 : Le noyau occupe typiquement un dix-millionième de milliardième du volume total de l’atome. Comme il concentre l’essentiel de la masse, on lui trouve une densité de 1011kg/cm3, soit 100 millions de tonnes par cm3 ! Le plus étonnant est qu’il existe des objets macroscopiques qui présentent réellement cette masse pour chaque unité de volume, mais ils ne se trouvent pas dans notre voisinage immédiat : Il s’agit d’étoiles à neutrons, résidus de la mort d’étoiles plutôt légères et qui sont faites d’assemblages de neutrons collés les uns aux autres. Elles ont un rayon de l’ordre de la dizaine de kilomètres)