Physique pour la médecine

...la théorie!

Imagerie par   résonance magnétique (IRM)

Chapitre III: Résonance   magnétique.

III.D Echo de spin

1) Le temps de décroissance T2*

La relaxation transversale caractérisée par le temps T2 provient des déphasages entre protons induits par des phénomènes purement aléatoires : Les mouvements désordonnés des atomes d’hydrogène et leurs rencontres avec d’autres protons ou d’autres moments magnétiques sources de champ. Ces phénomènes varient d’un type de tissu à l’autre, ce qui en fait un excellent critère pour la construction d’images. Le problème est qu’il existe une autre source importante de déphasage qui elle ne fait pas la différence entre les différents milieux et qui par là est de nature à atténuer les contrastes. Cela vient de ce que le champ principal B0 présente de petites variations d’un point à l’autre de la région explorée. Il s’agit là d’imperfections de type instrumental, légères mais inévitables. Se rappelant que la vitesse de précession des moments magnétiques est directement proportionnelle à B0, on comprend qu’un proton situé à un endroit où le champ est un peu plus élevé tourne plus vite que la moyenne et se décale donc progressivement. La rapide évaluation que voici permettra de mieux appréhender le problème : Les imageurs actuels sont d’une qualité telle que les inhomogénéités du champ à l’intérieur du solénoïde sont de l’ordre d’une part par million ! Il n’y a évidemment rien à redire au niveau de la performance technique, et pourtant si on considère un B0 nominal de 1,5T il apparaît que deux protons soumis à des champs différant de 1 millionième se trouvent en opposition de phase après 8ms seulement. Il faut préciser que cet écart de 1 millionième est censé être la valeur maximum, que dès lors pour la plupart des protons ce déphasage sera plus lent, mais on voit là que la perte de signal sera rapide.

[

Pour obtenir ce chiffre de 8ms il faut considérer que la fréquence moyenne des protons est de f=42,6X1,5=64MHz où 42,6MHz/T est le rapport gyromagnétique (voir Ch.I). Soit deux protons dont les fréquences sont proches de cette valeur mais diffèrent de 1 millionième. Si ces deux protons sont en phase à t=0, ils seront déphasés d’un angle π après un temps t tel que cos(ωt)=cos(ω’t-π) où ω’=ω(1+10-6). De là : 10-6ωt-π=0 et comme ω=2πf=2π64MHz on obtient t=0,008s.

]

T2 est le temps caractéristique pour le déphasage d’origine tissulaire. Si T2’ est l’équivalent d’origine instrumentale, alors le temps effectif de déphasage, qu’il est convenu de noter T2*, est la combinaison de ces deux valeurs selon la formule :

 IRM IIID 7

Après l’impulsion 90°, c’est selon T2* que décroît le signal FID, ce qui donne une diminution plus rapide que selon T2.

 T2* versus T2

2) Echo de spin

Il existe un moyen astucieux de remonter l’espace d’un instant sur l’exponentielle T2, donc d’éliminer momentanément le déphasage d’origine instrumental pour retrouver le déphasage d’origine tissulaire et le mesurer. On appelle cela la technique d’écho de spin. Elle se base sur le fait que le déphasage parasite de type instrumental est systématique alors que le déphasage intéressant de type tissulaire est de nature aléatoire : S’il se fait qu’à la construction de la machine un point du volume intérieur se voit soumis à un champ B0 un peu plus élevé que sa valeur nominale, cet état est permanent et les protons qui s’y trouvent tourneront systématiquement plus vite que leurs voisins qui se trouveraient soumis à un champ moyen normal. Or donc l’idée est la suivante : Après la bascule à 90°, les protons qui tournent systématiquement plus vite prennent forcément de l’avance sur ceux qui tournent systématiquement plus lentement. A un moment choisi on envoie une impulsion 180° qui a pour effet de faire pivoter tous les moments magnétiques d’un demi-tour autour d’un axe du plan (x,y). Dès lors du point de vue de l’axe z, axe autour duquel se font les mouvements de précession, les protons rapides se retrouvent tout à coup… derrière les protons lents (voir la figure ci-dessous). Il n’empêche qu’ils continuent à tourner plus vite, que donc ils rattrapent progressivement ceux-ci et qu’à un moment donné ils se retrouveront donc exactement en phase avec eux. Bien entendu dans les instants qui suivent ils prendront de nouveau de l’avance mais il n’empêche que le but a été atteint : L’espace d’un instant les déphasages systématiques ont été gommés.

 Echo de spin

Imaginer que par ce procédé les protons se retrouvent parfaitement en phase lors de l’écho, c’est oublier les causes aléatoires de déphasage, qui seront conservées quant à elles, mais tel était bien le but recherché : Retrouver la décroissance en T2.

 Echo de spin 2

Pour appréhender correctement la chose, il ne faut pas raisonner sur des protons individuels mais sur des collections de protons localisés à un endroit donné. Métaphore : Deux groupes d’athlètes d’une dizaine d’individus chacun sont invités à prendre part à une curieuse compétition. Au coup de sifflet ils devront se mettre à courir en ligne droite pendant un temps dont ils ne connaissent pas la durée. A un moment choisi par l’arbitre, nouveau coup de sifflet: Ils doivent faire demi-tour et se remettre à courir vers leur point de départ. Dans chaque groupe il y a de bons coureurs, des coureurs aux performances moyennes et des coureurs plus faibles. Si la course se déroulait en ligne droite vers une ligne d’arrivée classique ils la franchiraient… systématiquement ( !) dans cet ordre de performance. Mais tel que l’événement est conçu ceux qui ont pris du retard se retrouvent à mi-course en tête pour perdre à nouveau progressivement cet avantage face aux meilleurs compétiteurs. En principe la compensation devrait être exacte : ce qui est perdu sur une moitié de l’épreuve est reperdu à nouveau sur la seconde moitié de sorte que tout le monde devrait franchir la ligne en même temps. En réalité il faut tenir compte de petits événements aléatoires, des interactions avec l’environnement de la course qui induisent malgré tout des décalages plus ou moins importants entre les compétiteurs. On apprend d’ailleurs que l’épreuve a été imaginée par un sociologue, pas du tout intéressé par le niveau athlétique des uns et des autres, qu’il a voulu gommer, mais par leur comportement dans un milieu donné, qu’il a voulu mesurer:

Le premier groupe est constitué de personnes très sérieuses, très concentrées sur leur course et qui de plus effectuent l’épreuve dans un environnement calme sans aucun public pour les regarder. Malgré ces circonstances favorables, il peut toutefois se produire de légères perturbations : Untel se voit importuné un court instant par le vol d’une abeille ; un autre n’a pu éviter de heurter du pied un caillou … petits événements qui se traduisent à l’arrivée par de petits décalages.

Le second groupe est beaucoup plus indiscipliné et, qui plus est, doit se produire au milieu d’un public agité, un peu à la fête et qui n’invite certainement pas à un comportement sérieux. Or donc voici un coureur qui s’arrête pour refaire son lacet mal noué ; un autre aperçoit une connaissance au bord du chemin et s’en va la saluer ; un troisième utilise quelques secondes un vélo qui se trouvait là… épisodes qui induisent évidemment des décalages finals beaucoup plus importants que pour le premier groupe. Notre sociologue est satisfait : la dispersion finale ne tient pas compte des qualités athlétiques mais de l’histoire et de l’environnement de chaque course. Son instrument de mesure fonctionne.

Ce qu’on appelle séquence de spin-écho de base comprend donc une impulsion 90° suivie après quelque temps d’une impulsion 180°. Le temps d’écho TE est par définition le temps qui sépare l’impulsion de 90° de la remontée du signal sur l’exponentielle T2. Comme on l’aura compris l’impulsion de 180° doit suivre la 90° de TE/2.

Temps d'écho T2

3) Temps de répétition TR

La séquence d’écho de spin est le premier exemple de ce qui représente vraiment l’outil de base de la construction des images dans la technologie IRM. Une séquence IRM est une suite d’impulsions envoyées dans les différentes bobines disponibles, qu’il s’agisse des antennes émettrices ou des bobines de gradient, dans un ordre précis et selon des intervalles calculés. Nous en verrons bien d’autres exemples dans la suite mais un point important doit être précisé d’emblée à ce niveau, c’est que pour construire une image une séquence telle que l’écho de spin devra être répétée un grand nombre de fois. Il n’est pas possible d’expliquer maintenant pourquoi il en est ainsi, mais on admettra ici que c’est lié au nombre de lignes dont sera faite l’image finale : Si elle doit comporter 256 lignes il faudra répéter la séquence 256 fois ; 512 lignes supposeront qu’elle soit répétée 512 fois,… Au passage on conviendra qu’il est par contre facile d’accepter une conséquence directe de cela, à savoir qu’on a là une caractéristique qui va peser lourdement sur la rapidité d’acquisition de l’image.

Le temps qui sépare deux séquences est appelé temps de répétition TR.

 Temps de répétition TR

Etant donné que pendant TR l’aimantation longitudinale repousse selon la caractéristique T1 qui lui est propre, TR est parfois aussi appelé temps de repousse.

Temps de repousse TR

On voit par là que le choix de la valeur de TR n’a rien d’anodin : C’est cette valeur qui détermine à quel endroit de l’exponentielle T1 on bascule l’aimantation de l’axe z vers le plan transverse. Etant donné que, comme nous l’avons vu ci-dessus, TE permet quant à lui de sonder l’exponentielle T2, on en arrive à la conclusion suivante : T1 et T2 sont les paramètres physiques qui permettent de faire la différence entre les tissus ; TE et TR sont les paramètres techniques qui permettent de les sonder. En termes de mesure, T1 et T2 représentent le « quoi ? » alors que TE et TR représentent le « comment ? ».

 

4) Contraste en ρ, T1, T2

Connaissant les outils de mesure TE et TR, il est possible de répondre à la question du §III.C.2 : Comment construire, en pratique, une image contrastée plutôt selon T1, ou T2, ou ρ ?

  • +) Pour une image contrastée en T1, il ne faut pas laisser les exponentielles croître trop longtemps, sous peine de les voir saturer à leurs valeurs-plateau et ne plus dépendre que de ρ. Après bascule il faut ici aussi mesurer le plus rapidement possible, pour la même raison que précédemment. Pour une image contrastée en T1, il faut TR court et TE court.
  • +) La densité protonique ρ détermine directement Mz0, donc la hauteur des valeurs limite d’aimantation longitudinale. Pour favoriser ce paramètre il faut donc un TR long, pour laisser les exponentielles croître et s’approcher de leur asymptote. Après la bascule, il faut mesurer le plus vite possible pour ne pas laisser le temps à T2 de s’exprimer. Donc pour une image contrastée en ρ, il faut TR long et TE court.
  • +) Pour laisser T2 s’exprimer au maximum et donc obtenir une image contrastée en ce paramètre, il faut après la bascule laisser le temps aux exponentielles de décroissance de se séparer comme décrit au §III.C.1. Avant bascule, il faut laisser les aimantations longitudinales repousser au maximum, ce qui ne supprime pas l’influence de ρ (la chose à vrai dire est impossible), mais ce qui déprécie par contre l’influence de T1. Pour une image contrastée en T2, il faut TR long et TE long.

Contraste

TR

TE

ρ

Long

Court

T1

Court

Court

T2

Long

Long