Radiothérapie |
Chapitre II: Faisceaux externes. |
II.A. Propriétés des faisceaux de photons.
1) Gammes d'énergie.
Les faisceaux externes de photons durs utilisés en radiothérapie proviennent de sources radioactives, de tubes à rayons X ou d'accélérateurs linéaires (linacs) conçus pour la médecine.
On connaît aussi le rayonnement synchrotron, mais celui-ci est essentiellement un outil de recherche. Un synchrotron est un anneau de grande taille où circulent des protons de haute énergie. Comme leur trajectoire est incurvée, ils émettent par la tangente un rayonnement de freinage, ou bremsstrahlung. Un exemple bien connu est l'ESRF de Grenoble (European synchrotron radiation facility).
Les sources radioactives de type gamma émettent des faisceaux monoénergétiques ou composés de deux ou trois énergies très précises. Les tubes à rayons X et les linacs délivrent quant à eux des faisceaux obtenus par freinage de particules chargées dans un matériau cible de Z élevé, normalement du tungstène. Ces faisceaux présentent un spectre d'énergie continu de type bremsstrahlung auquel se superpose éventuellement, à basse énergie, des raies caractéristiques du matériau cible, et filtré par le passage au travers de ce matériau cible (voir la discussion dans le sujet radiologie, chap.I.C). Parce que ce spectre est continu, il est d'usage de le caractériser non pas par une valeur d'énergie en eV, mais par un voltage qui est en fait la tension d'accélération des particules chargées qui ont généré les photons, et qui correspond donc à l'extrémité haute du spectre émis.
Pour des raisons historiques on distingue la gamme dite orthovoltage, qui s'étend de 150 à 500kV, et la gamme dite mégavoltage, qui s'étend de 1MV à 25MV. L'orthovoltage est le domaine des tubes à rayons X de haute tension, jusqu'à 400kV en tout cas. Les faisceaux ne sont pas très pénétrants mais ils permettent néanmoins de traiter la peau ou des lésions situées à 2 ou 3cm de profondeur. Entre 400kV et 4MV on trouve surtout des sources gammas. Au-delà, et jusqu'à 25MV environ s'ouvre le domaine des linacs, qui fournissent des faisceaux très pénétrants capables de traiter l'ensemble des organes et qui présentent en outre l'intéressante propriété d'épargner la peau (skin sparing effect).
Pour ce qui est des tubes radiogènes, il convient de bien comprendre la différence entre radiologie et radiothérapie. Tout se trouve dans l'exponentielle d'atténuation décroissante des photons qui traversent le corps: L'imagerie radiologique se contente du peu d'intensité transmise qui a la particularité, dans une gamme d'énergie inférieure à 150kV, d'être bien contrastée selon les tissus traversés. La radiothérapie commence au-delà de 150kV, là où il n'y a plus de grand contraste, et exploite la partie "dose élevée" qui correspond au début de l'exponentielle mais qui n'est vraiment élevée que pour les premières épaisseurs de matière. Par ailleurs la radiothérapie par tube radiogène a aujourd'hui vraiment cédé le pas aux linacs, plus souples et plus performants.
2)Entre source et patient.
Dans le cas des sources radioactives l'émission de rayonnement est isotrope, alors que pour ce qui est des appareils à rayons X on peut parler de cône d'émission plus ou moins ouvert selon l'énergie d'accélération du faisceau primaire.
a.Flux et fluence.
On caractérise un faisceau à une distance r de la source par son flux et sa fluence au travers d'une surface S située à cette distance r. Les notions de fluence radiative Φ, de flux de particules φ, de fluence énergétique Ψ et de flux énergétique ψ sont définies dans le sujet radioprotection, ch.III.A.
…où les deux dernières formules valent pour un faisceau mono-énergétique d'énergie hν. Pour un spectre continu il s'agit d'intégrer sur la distribution en énergie.
Il s'agit de notions premières puisqu'elles caractérisent le faisceau seul, indépendamment du milieu traversé. Dans le vide ou dans un milieu de faible densité comme l'air, ces grandeurs diminuent avec la distance selon une loi en 1/r², ce qu'on peut voir comme une simple loi géométrique découlant de la divergence des rayons émis.
b.Atténuation dans l'air.
Effet photoélectrique, diffusion Compton, création de paires: les modes d'interaction des photons traversant la matière sont décrits au Ch.I.b du sujet radioprotection. On y trouve aussi la loi d'atténuation exponentielle de l'intensité d'un faisceau parallèle traversant un milieu homogène. La caractéristique de cette exponentielle est le coefficient d'atténuation µ, dépendant de l'énergie des photons et du milieu en question.
On définit aussi le coefficient massique d'atténuation ξ=µ/ρ, qui permet le cas échéant de se libérer de la densité ρ du milieu.
c.Exposition.
Enfin, on trouvera au Ch.III.A du sujet radioprotection les définitions des grandeurs dosimétriques d'exposition, de kerma et de dose absorbée.
L'exposition Q est la quantité de charge, pour un signe de charge et par unité de masse, générée par ionisation dans l'air lors du passage du faisceau. Le passage de l'ancienne unité Röntgen vers l'unité SI, le C/kg, est donné par la constante 1R=2,58 10-4C/kg, comme discuté dans le lien ci-dessus.
L'exposition se place au début d'une démarche logique en radiothérapie comme en radioprotection: Comment obtenir une évaluation de la dose absorbée dans un organe au départ d'une mesure sur le faisceau. L'exposition est directement mesurable par un détecteur à gaz, puisque les impulsions électriques fournies par un détecteur de ce type intègrent par définition les charges générées dans la masse connue du gaz formant le milieu actif, en tout cas dans les modes "chambre d'ionisation" ou "compteur proportionnel" (voir ici), et à condition que les photons ne soient pas de trop haute énergie (vers 3MV et au-delà, des électrons secondaires peuvent s'échapper du volume actif, et la notion d'exposition pers de son utilité).
d.Kerma dans l'air
Le kerma est la quantité d'énergie perdue par le faisceau par unité de masse du milieu traversé, ici l'air. Il est relié à la fluence en énergie Ψ par la relation suivante, valable pour un faisceau mono-énergétique:
En effet K est par définition l'énergie dE/dm perdue par unité de masse. Comme m=ρdV et que dV=Sdx (section traversée multipliée par l'élément de chemin), on a K=dE/(ρSdx). La loi d'atténuation exponentielle du §b vaut pour l'énergie transportée, de sorte que dE/dx=µE en valeur absolue, et K=µE/(ρS)=Ψµ/ρ.
Pour un spectre qui n'est pas mono-énergétique on prend la valeur moyenne de ξ sur la distribution.
C'est par effet photoélectrique, diffusion Compton et, au-delà de 1MeV, création de paires que le faisceau perd en énergie. Les photoélectrons, les électrons Compton et les électrons et positrons créés par paires perdent à leur tour leur énergie au long de leur parcours en ionisant la matière traversée. Parmi les ions formés se trouvent beaucoup d'électrons, appelés électrons secondaires (autrefois appelés rayons delta), qui peuvent être eux-mêmes assez énergétiques et ioniser eux aussi l'air qu'ils traversent. L'ensemble des charges qui apparaissent ainsi dans le milieu forme, par définition, ce qu'on a appelé exposition au §c, et on s'attend donc ainsi à un lien direct entre kerma dans l'air et exposition. Puisque l'exposition est la quantité de charge qui apparaît par variété d'ions et par unité de masse d'air, alors en divisant par la charge élémentaire e on obtient le nombre de paires d'ions par unité de masse d'air, et en multipliant par l'énergie moyenne requise pour une ionisation, estimée à 34eV, on a la quantité d'énergie provenant du faisceau par unité de masse d'air… c'est–à-dire le kerma.
…soit en joules K=34Q(J) puisque 1eV=1,6 10-19J.
Les équations ci-dessus ne sont à prendre telles quelles qu'aux énergies basses, typiquement jusqu'à l'ordre du MeV. En ce qui concerne l'exposition Q, on a déjà signalé que cette notion perdait de son efficacité au-delà de 2 ou 3MV, mais la dépendance en fonction de ξ doit elle aussi être discutée: Les électrons primaires et secondaires qui diffusent dans l'air y provoquent de l'ionisation mais aussi de l'excitation atomique, excitation qui est suivie de l'émission de rayons X caractéristiques des atomes. Ces mêmes électrons se voient aussi régulièrement déviés et freinés et émettent de ce fait du Bremsstrahlung (rayonnement de freinage). Rayons caractéristiques et photons de freinage peuvent se voir aussitôt réabsorbés, mais ils peuvent aussi s'échapper et emporter ainsi avec eux une partie de l'énergie provenant du faisceau, donc du kerma. On voit que cela pose problème pour peu qu'on espère trouver un lien avec la dose absorbée, c'est-à-dire l'énergie capturée par le matériau exposé. Partant du coefficient massique d'atténuation ξ, on définit alors le coefficient massique d'absorption d'énergie ξen:
…où g représente la fraction de l'énergie perdue par le faisceau qui s'échappe par rayonnement du volume étudié. Ce terme de correction g est négligeable en-dessous du MV mais devient important dans la gamme de 5 à 20MV, gamme où peuvent travailler les linacs (On trouvera dans Hendee et al., chap 6, des tables de valeur pour ξ et ξen pour l'air et pour les milieux biologiques de base: eau, graisse, muscle et os, pour des énergies allant de 1kV à 20MV).
La correction g revient en fait à partager le kerma en deux parties, une partie qui se perd en collisions dans le milieu, l'autre en rayonnement.
Pour alléger la notation, l'indice "air" a été omis dans les dernières équations.
e.Dose absorbée dans l'air.
Le kerma est l'énergie perdue par le faisceau par unité de masse et la dose absorbée est l'énergie dispersée en collisions et ionisations dans le milieu, par unité de masse. Soit donc un volume précis exposé au faisceau: Qu'est-ce qui peut distinguer, à l'intérieur de ce volume, la dose absorbée du kerma? La réponse tient dans les quantités d'énergie provenant du faisceau et qui quittent le volume étudié, ou qui y pénètrent.
De l'énergie peut s'échapper sous forme de photons, photons d'émission suite à des excitations atomiques ou photons de freinage des ions générés dans le matériau irradié. Cette première composante est précisément celle qui vient d'être discutée au paragraphe précédent, et si elle était seule la dose absorbée pourrait être identifiée à la partie du kerma notée Kcol ci-dessus.
De l'énergie peut aussi s'échapper par simple mouvement des électrons primaires et secondaires vers l'extérieur. Ceux d'entre eux qui quittent le volume étudié emportent avec eux leur énergie cinétique, qu'ils perdront par ionisation ou excitation de la matière, mais en dehors de la région censée être la région intéressante.
En fait cette énergie transportée vers l'extérieur par les électrons peut être compensée par un apport d'énergie provenant d'électrons générés par le faisceau en dehors du volume mais qui y pénètrent de par leur simple mouvement au travers du milieu. Dans un milieu homogène comme l'air on peut considérer qu'il y a équilibre entre les deux flux et que donc la compensation est exacte. Il en ira autrement en cas de forte inhomogénéité sur le chemin du faisceau, en particulier à l'interface entre l'air et l'organisme, ce qui débouchera sur l'intéressant effet de "skin sparing effect", effet qui limite les dégâts occasionnés à la peau irradiée sous rayons X ou gammas de haute énergie
3)Progression dans l'organisme.
Vu la faible densité de l'air, la perte en intensité du faisceau qui le traverse est très faible. Il n'en va pas de même lors du parcours dans l'organisme où le transfert d'énergie est important, et c'est le fait qu'une grande partie de ce transfert se fait par ionisation du milieu qui intéresse la radiothérapie. Du point de vue de l'absorption des photons, la famille des tissus mous s'apparente de fort près au milieu "eau". L'eau a un coefficient d'atténuation µ de 0,097cm-1 pour des photons de 500keV, 0,030cm-1 à 5MeV, et 0,019cm-1 à 15MeV. Pour 500keV, cela représente une perte d'intensité d'environ 9% par cm et de 86% sur un trajet de 20cm, chiffres qui deviennent 3% et 45% à 5MeV, 2% et 32% à 15MeV.
Pour un faisceau gamma mono-énergétique dans un tissu homogène, l'intensité décroît selon l'exponentielle de caractéristique µ (voir §2.b ci-dessus). Si la source émet plusieurs énergies gammas, l'évolution de l'intensité est la somme d'exponentielles qui décroissent moins vite à haute énergie qu'à basse énergie, et dont les amplitudes sont proportionnelles aux intensités des différents pics gammas à l'entrée du corps. Le résultat n'est plus une exponentielle mais la fonction résultante en garde les caractéristiques principales: Elle part d'une valeur haute à l'entrée et n'arrête pas de décroître ensuite, de même que sa dérivée première (C'est important parce que l'énergie perdue est liée par définition à la variation de l'intensité du faisceau, donc à sa dérivée). Cela est encore plus vrai pour un faisceau de rayons X, dont le spectre est continu en énergie, et où la somme d'exponentielles se transforme en intégrale sur l'ensemble du spectre.
Dans tous les cas donc le kerma présente sa valeur la plus haute à l'entrée et décroît continûment sur le trajet du faisceau. Par contre la dose absorbée ne présente ce comportement qu'aux basses énergies, inférieures au MeV. A haute énergie elle part d'une valeur plutôt basse à l'entrée, croît ensuite rapidement sur une distance de quelques millimètres jusqu'à un maximum, pour ensuite égaler Kcol, défini au §2.d, et suivre son allure décroissante. Dans cette dernière étape elle est même, paradoxalement, légèrement supérieure à Kcol, ce qui sera expliqué ci-dessous (C'est a priori paradoxal puisque la dose absorbée ne peut provenir que de Kcol).
Plus l'énergie est élevée et plus l'effet est prononcé: La valeur de départ diminue et la profondeur du maximum augmente. Il s'agit par ailleurs d'un effet fort intéressant en radiothérapie puisque les premières couches tissulaires du corps, à savoir la peau se voit ainsi en partie épargnée par l'irradiation ("skin sparing effect").
Cela s'explique par la cinématique des processus en jeu, et plus particulièrement par le principe de conservation de la quantité de mouvement. Quand se produit une interaction, effet Compton, photoélectrique ou création de paires, la somme des quantités de mouvement dans l'état final est égale au moment initial p=hν/c=h/λ du photon incident. Donc les charges primaires, puis les électrons secondaires, responsables de l'ionisation, voient leur vitesse préférentiellement orientées dans le sens de progression du faisceau (schéma de gauche ci-dessous). A basse énergie, le recul des noyaux et les collisions suffisent à gommer rapidement cette orientation privilégiée, mais à haute énergie elle s'impose de plus en plus. Le résultat est que les premières couches se voient désertées par les charges ionisantes qui s'en vont porter leur effet plus en profondeur, sans que cela soit compensé par des électrons générés dans l'air en amont et trop peu nombreux vu la faible densité de ce milieu (schéma de droite ci-dessous).
Plus en profondeur, il commence à y avoir compensation entre les électrons qui quittent la zone vers l'aval et ceux qui y parviennent depuis l'amont. Le maximum de la courbe de dose est obtenu lorsque la compensation est entière. On parle alors d'équilibre électronique. Il apparaît à une profondeur qui est de l'ordre du parcours des électrons secondaires dans le tissu concerné. Comme ce parcours augmente avec l'énergie, le maximum s'éloigne d'autant, tout en restant de l'ordre de quelques millimètres dans la gamme utilisée en radiothérapie.
Dans la suite l'équilibre est maintenu, avec même une légère surcompensation étant donné que les électrons qui alimentent une zone proviennent de l'amont, là où l'exponentielle d'absorption était légèrement plus élevée et où donc les interactions étaient un peu plus nombreuses. En quelque sorte le mouvement des électrons fait glisser vers l'aval la fonction d'absorption, ce qui explique pourquoi D est un peu supérieur à Kcol.
Il reste que pour l'essentiel la dose déposée est maximum à proximité de la surface et diminue en profondeur à un rythme qui dépend de l'énergie. A basse énergie, la décroissance est rapide, ce qui convient au traitement de tumeurs proches de la surface tout en épargnant les organes internes. A plus haute énergie, à l'ordre du MeV et au-delà, l'absorption par les tissus reste appréciable tout au long du trajet du faisceau, ce qui permet de s'attaquer à des lésions plus profondes mais ce qui justifie par ailleurs les stratégies de modification de l'angle d'incidence, par paliers ou en continu, dans un souci de limitation de dose sur les régions saines. Pour illustration, le graphe ci-dessous montre l'atténuation de faisceaux mono-énergétiques dans de l'eau pour différentes valeurs d'énergie (Il s'agit de l'intensité globale, dont découle le kerma puis la dose absorbée).
4)Calibration.
Les deux paragraphes qui précèdent proposent chacun un mode de calibration du faisceau. Une première approche consiste à compléter les définitions du paragraphe 2, qui aboutissent à une mesure de la dose absorbée dans l'air, en passant du milieu "air" vers un milieu "autre" intéressant la biologie, en pratique de l'eau. Si on imagine un volume "autre" extrêmement petit plongé dans l'air (extrêmement petit pour conserver l'équilibre électronique typique de l'air), les kermas ou doses absorbées "autre" et "air" sont simplement dans un rapport égal au rapport des coefficients massiques d'absorption d'énergie ξen. La dernière étape consiste à passer, pour ce qui est du milieu dense, à un volume plus réaliste où interviendront cette fois des contributions peu présentes dans l'air, comme des diffusions sur les régions voisines et des rétrodiffusions provenant de la zone située en aval. Le rapport entre la valeur prise dans un volume étendu et la valeur prise dans un petit volume est appelé rapport tissu/air. Les deux valeurs sont censées être obtenues sur l'axe central du faisceau et à des distances égales de la source.
L'autre mode de calibration, recommandé aujourd'hui en particulier à haute énergie, oublie le milieu air et passe uniquement par des mesures sur fantôme. Typiquement, une chambre d'ionisation est plongée dans un large volume d'eau à une profondeur de 2 à 10cm. Le milieu "eau" est proche des tissus biologiques mous et les phénomènes de diffusion qui s'y déroulent sont plus proches de ce qui se passe dans l'organisme (Le milieu est très homogène et l'essentiel du raisonnement tenu pour l'air au §2 se transpose à ce type de calibration. Toutefois un certain nombre de facteurs correctifs doivent être introduits pour tenir compte du volume d'eau déplacé par le détecteur, ou pour la différence de comportement du faisceau par rapport à l'air: absorption, diffusion, divergence).
Dans cette approche, le rendement en profondeur Rx est défini comme le rapport entre la dose absorbée à une profondeur x et le maximum de la courbe de dose décrite au §3. Pour caractériser la même courbe on peut aussi, à l'inverse spécifier les profondeurs x90, x50,… pour lesquelles le rendement est de 90%, 50%,…
5)Courbes isodoses.
La discussion qui précède portait sur l'axe central du faisceau. Pour décrire les dépôts d'énergie en dehors de l'axe, on utilise une représentation en courbes isodoses. Une courbe isodose visualise l'ensemble des points qui, dans un plan de coupe contenant l'axe central, absorbent la même dose sous l'action des photons. A vrai dire une courbe isodose doit être vue comme appartenant à une surface isodose dans l'espace à trois dimensions, mais cela est plus difficile à représenter. On utilise souvent comme référence le point de dose maximum, ce qui permet d'attribuer à chaque courbe une valeur de rendement en profondeur R.
La figure ci-dessous illustre de façon très schématique des courbes isodoses pour un faisceau de rayons x généré en mégavoltage par un accélérateur linéaire, ou linac. Le Bremsstrahlung issu directement de la cible heurtée par les électrons est plutôt orienté vers l'avant, de par la cinématique de la réaction. L'intensité émise est plus élevée au centre, ce qui fait qu'une même valeur de dose est obtenue plus en profondeur sur l'axe qu'en dehors de celui-ci. Cela donne à la courbe une allure qui évoque un peu la forme d'un obus (partie gauche du schéma). Sur les flancs les courbes isodoses sont légèrement évasées et ne se superposent pas, tout en étant néanmoins très proches, ce qui marque la présence d'une diffusion, encore une fois très orientée vers l'avant.
La tête d'un linac est équipée de filtres égalisateurs ("flattening filter") en forme de cône (partie centrale du schéma). L'absorption différentielle du faisceau, du centre vers l'extérieur, a pour effet d'aplatir les courbes isodoses de manière telle qu'à des profondeurs égales correspondent des doses absorbées égales, ce qui facilite le raisonnement sur la distribution de dose et permet ainsi un meilleur contrôle du traitement. Si la région à traiter est plutôt inclinée par rapport à la surface d'entrée, ou si le faisceau attaque la peau en oblique, un filtre supplémentaire en forme de coin permet d'incliner le plateau isodose et de l'ajuster au mieux à la géométrie du cas (partie droite du schéma). La pente du filtre en coin définit la pente du plateau. Les linacs possèdent ainsi des jeux de filtres montés par exemple sur barillet qui par rotation positionnent le cône et/ou le coin adéquat sur le chemin des photons (Dans les linacs modernes, les collimateurs multilames, ou CML, apportent une solution plus souple qu'un jeu de filtres en coin, en permettant de moduler la dose au travers du champ cible. Le CML sera décrit plus en détail au chapitre III.B)
Les filtres égalisateurs ont l'inconvénient d'absorber une partie non négligeable de l'intensité du faisceau (l'absorption est plus importante que ne le suggère la figure ci-dessus) ce qui allonge la durée de traitement nécessaire pour atteindre la dose globale requise. C'est pourquoi, il existe aujourd'hui une nette tendance à se désencombrer de ce système (Linacs FFF, pour "flattening filter free"), en se fiant pour le contrôle de la dose aux progrès marqués en termes d'imagerie et de localisation des tumeurs d'une part, de puissance de calcul et de simulation des faisceaux d'autre part (simulation des distributions de dose par calcul Monte Carlo).
6) Diffusion.
Le collimateur représente inévitablement une source de rayonnement diffusé qui se superpose à la composante principale, très directionnelle, provenant de la source. L'importance de ce diffusé est chaque fois un cas d'espèce qui ne peut s'évaluer que par mesure directe. A noter que plus grande est l'ouverture de collimation, plus longue est la périphérie source de diffusion.
La diffusion dans l'air entre la source et le patient est présente mais peu importante, vu la faible densité du milieu. A l'intérieur du corps par contre, et dans l'ensemble du volume exposé, la production de photons diffusés est abondante, en précisant qu'on inclut en cela les photons Compton mais aussi, par abus de langage, les photons de 511keV produits en grand nombre lors de l'annihilation des positrons issus de la création de paires, phénomène d'interaction qui devient prépondérant au-delà du MeV. De par la cinématique des réactions, déjà évoquée à plusieurs reprises, le diffusé est émis vers l'avant, dans un cône assez ouvert à basse énergie mais qui se resserre à haute énergie. Par conséquent les tissus proches de la peau en reçoivent peu alors que dans les organes situés plus en profondeur la proportion augmente. A ce niveau, la contribution du diffusé est plus élevée sur l'axe central qu'en périphérie puisque sur l'axe central elle provient de toutes les directions possibles, ce qui n'est pas le cas en périphérie. Une des conséquences est que l'énergie moyenne des photons est plus basse au centre que sur les côtés puisque le diffusé est plus bas en énergie que le faisceau direct. Une autre conséquence est que pour un même point de l'axe central la dose absorbée augmente avec l'ouverture du faisceau primaire: plus étendue est la surface exposée, plus large est la source de rayons X secondaires. A très haut voltage ces phénomènes s'atténuent parce que les cônes d'émission se resserrent.
La rétrodiffusion, enfin, n'est pas à négliger. Elle provient surtout d'interactions secondaires: rayons deltas ou photons mous provenant de la diffusion de la composante… diffusée. Les interactions secondaires en effet sont moins concernées par la cinématique "tout vers l'avant" qui caractérise les réactions primaires. La rétrodiffusion, peu présente dans l'air mais non négligeable dans les tissus situés en aval est la principale responsable du rapport tissu/air défini au §4.