Radiologie conventionnelle |
Chapitre II: Alimentation du tube |
II.C. Redresseurs
1) La diode.
Dans un circuit électronique la diode fait office de valve. Elle laisse passer le courant dans un sens mais l'empêche de passer dans l'autre sens. Conçue à l'origine comme une lampe dans le monde des lampes, on ne l'imagine plus aujourd'hui qu'à l'état de semi-conducteur, à savoir de petits éléments de silicium travaillés et mis en forme de façon à répondre à l'usage voulu, comme le sont les transistors, les microprocesseurs, etc…
Comme le carbone, le silicium est tétravalent. Dans un cristal de silicium, chaque atome est ainsi solidement relié à quatre de ses voisins dans des directions qui dessinent un tétraèdre. Une diode est faite de deux petits cristaux de ce genre soudés l'un à l'autre. Dans un de ces petits volumes on s'est arrangé pour que certains atomes de silicium soient remplacés par des atomes pentavalents (cinq électrons de liaison) à savoir du phosphore ou de l'arsenic. L'électron en surnombre est très peu lié aux atomes, il peut facilement s'en libérer et contribuer ainsi à la conduction au travers du matériau. Un cristal de ce type est dit dopé négatif ou dopé n Si(n). Dans l'autre partie de la diode, certains atomes de silicium sont remplacés par des atomes trivalents, bore, gallium ou indium. Ceux-ci présentent donc une lacune électronique, l'équivalent d'une charge positive qui fait qu'ils seront plutôt demandeurs d'électrons et en aucun cas donneurs. Cette partie est dite dopée positive ou dopée p Si(p).
Quand un élément Si(n) est mis en contact avec un élément Si(p), ce qu'on appelle une jonction, les électrons passent facilement du volume où ils sont en surnombre vers le volume où ils sont trop peu nombreux. Il est par contre difficile pour Si(p) d'envoyer vers Si(n) des porteurs de charge dont il manque déjà.
C'est le moment de rappeler un point du cours d'électricité qui est purement conventionnel mais auquel nous devons nous conformer: Un courant électrique doit toujours être vu comme le déplacement de charges positives. Si les véritables porteurs de charge sont négatifs, nous devons voir le courant se déplaçant en sens inverse du mouvement physique des électrons. Autrement dit le courant passe facilement de Si(p) vers Si(n) mais se voit bloqué dans l'autre sens. Dans la figure ci-dessous qui résume le tout, on trouvera le symbole d'une diode tel qu'on le trouve dans les schémas de circuit.
Quand une diode est alimentée par une tension alternative, il est facile de comprendre que l'une des phases sera transmise sans problème (courant dans le sens passant) alors que l'autre phase sera coupée (courant dans le sens bloquant). Exercice pour le lecteur: A quelle polarité correspond le sens passant, polarité + du côté Si(n) ou l'inverse? Le résultat à la sortie de la diode est donné par la figure ci-dessous. On appelle cela un courant redressé mais; comme nous allons le voir, nous n'avons là qu'une première étape de la transformation d'un courant alternatif en courant continu.
Si une diode polarisée dans le sens bloquant ne laisse pas passer de courant, c'est à condition toutefois que la tension de polarisation ne soit pas trop élevée. Une diode à semi-conducteur est capable de "tenir" typiquement 100V mais pas beaucoup plus. Autrement dit, pour "bloquer" 160kV, il s'agit de monter en série 1600 diodes de ce type. Le volume total n'est pas un problème puisque une diode seule n'occupe pas plus de quelques mm³.
L'ensemble des diodes utilisées pour le redressement ainsi que le transformateur haute tension sont noyés dans un bain d'huile qui sert à la fois d'isolant électrique et de conducteur thermique pour éliminer la chaleur générée par l'effet Joule dû au passage du courant dans les différents composants.
2) Modes de redressement.
a) Tube autoredresseur ("1 crête")
Oublions un instant la diode à semi-conducteur et constatons que le tube X peut lui-même agir en diode. En effet la cathode chauffée émet facilement des électrons alors que l'anode , plus froide, en émet peu. Autrement dit, si on alimente directement le tube avec une tension alternative un courant n'apparaîtra, dans le bon sens, qu'une phase sur deux. La deuxième phase est inutilisée de sorte que les rayons X ne sont émis que la moitié du temps.
Ce principe est effectivement utilisé mais il a ses limites. A trop forte charge, l'anode se met à chauffer elle aussi et devient émettrice à son tour. Le flux d'électrons inverse bombarde le filament, élément fragile qui ne supporte pas longtemps ce traitement. Les systèmes à tube autoredresseur ne se retrouvent que dans les applications qui se satisfont de puissances faibles de quelques kilowatts, tels que les appareils portables, les appareils pour radios dentaires,…
b) Redressement en pont ("2 crêtes")
La figure ci-dessous montre un pont de diodes, assemblage de diodes à semi-conducteur qui permet d'alimenter le tube pendant les deux phases d'un cycle, ce qu'on appelle une alimentation à deux crêtes.
Pour comprendre le fonctionnement du pont de diodes, il faut bien voir que lorsqu'on passe d'une phase du cycle à l'autre la polarité des fils d'alimentation change, le fil positif devenant négatif et inversement, et que par ailleurs le courant électrique est toujours sortant pour le pole positif et entrant pour le pole négatif. Dans le schéma ci-dessous on a supposé que lors de la première phase du cycle, la phase A, le fil d'alimentation supérieur est positif et le fil inférieur négatif. Partant du fil supérieur, on voit que le jeu des diodes, bloquantes pour les unes et passantes pour les autres, oblige le courant à passer dans le tube et ce dans le bon sens (rappel: le sens du courant est conventionnellement inverse au mouvement réel des électrons dans le tube). Pendant la phase B, le courant doit partir du fil du bas et rejoindre le fil du haut. On voit qu'à nouveau les diodes opèrent de façon à guider le courant au travers du tube… dans le même sens que tout à l'heure!
Le pont de diodes a le mérite de permettre l'exploitation des deux alternances du cycle mais on constate que l'émission de rayons X reste clairement discontinue. Plus grave est le fait que la tension d'accélération varie sans cesse de sa valeur maximum à zéro en passant par toutes les valeurs intermédiaires. Donc le spectre de rayons X émis n'est pas celui qui serait généré par des électrons monoénergétiques ainsi que nous l'avons étudié au §I.C, mais il est un mélange, une moyenne de spectres émis à toutes les énergies balayées lors d'un cycle. On y perd en qualité (énergie moyenne plus basse qu'espérée) et en quantité (intensité plus faible que pour un tube alimenté en continu). Le graphe ci-dessous illustre cela mais dans une représentation qui est fonction de la longueur d'onde: L'énergie moyenne plus basse correspond à une longueur d'onde moyenne plus élevée.
c) Redressement de triphasé
L'amélioration suivante passe par une alimentation en triphasé. Une prise de ce type présente non pas deux pôles mais trois pôles et un point neutre. Entre chaque pôle et le neutre la tension est alternative (50Hz) et de 380V effectif (normes européennes). Les trois tensions alternatives sont déphasées l'une par rapport à l'autre de 120°, soit un tiers de période.
Le redressement d'un courant triphasé se fait d'une façon analogue à celle décrite ci-dessus sauf que le montage utilise six diodes au lieu de quatre diodes. Ce montage est plus compliqué que le précédent et nous n'en donnerons pas ici de description détaillée. Le résultat est que les trois phases négatives viennent s'intercaler entre les trois phases positives. On obtient ainsi un redressement à six crêtes décalées de 60°. La tension ne chute pas à zéro entre deux crêtes; elle "surfe" de l'une à l'autre de sorte que les fluctuations sont fortement réduites.
Une étape supplémentaire consiste à appliquer un système de ce type à l'anode et un autre à la cathode. Le résultat est dit à 12 crêtes. A noter que dans ce cas la différence de potentiel entre l'anode et la cathode est flottante. Il y a le même écart entre deux maximums de tension qu'entre deux minimums et seul compte cet écart en définitive. Les fluctuations intermédiaires liées à la forme des deux ondes de tension sont réduites à quelques pourcents seulement.
d) Générateur à courant constant.
On atteint quasi la perfection, à savoir une alimentation du tube par une tension quasi continue en insérant entre les redresseurs décrits ci-dessus et les électrodes du tube des lampes triodes. Les petites variations de tension résiduelles sont détectées et enclenchent un système de feedback extrêmement rapide qui permet de réguler la tension grille de la lampe et contenir ainsi les variations. Ce système est très coûteux et dès lors peu utilisé. D'autant plus qu'en utilisant des condensateurs haute tension en lieu et place des triodes on obtient à moindres frais un résultat satisfaisant.
Un condensateur a la propriété de prendre son temps pour se décharger, le temps de décroissance dépendant de la valeur de sa capacité. Si on insère un condensateur entre le redresseur et le tube, il prendra un certain temps pour se charger, mais une fois que cela est acquis, la tension appliquée à l'électrode tendra, après chaque passage par un maximum, à décroître à l'allure imposée par le condensateur, c'est-à-dire plus lentement que normal. Le résultat est que les petites fluctuations qui subsistaient dans le générateur 12 crêtes se voient gommées encore un peu plus. On est là très près d'une alimentation en courant continu.