Médecine Nucléaire |
Chapitre IV: PET scan. |
IV.B L'imageur PET.
1)Matériel
L'imageur est constitué d'un anneau de détecteurs entourant le patient et conçu pour repérer l'émission simultanée, de part et d'autre du corps, des deux photons d'annihilation de 511keV. L'ouverture centrale a un diamètre de l'ordre de 80 ou 90cm.
Les détecteurs sont des cristaux scintillateurs en germanate de bismuth BGO ou fluorure de baryum BaF2 couplés à des photomultiplicateurs. Le bloc de base est un cristal de surface 4x4cm et de hauteur 3cm (valeurs typiques) couplé à quatre phototubes. Une épaisseur de 3cm est supérieure à ce qu'on rencontre sur les gamma-caméras mais se justifie par la recherche d'une bonne efficacité de détection, compte tenu de l'énergie relativement élevée des gammas d'annihilation. Ce bloc de base est lui-même parcouru de traits de scie qui s'enfoncent sur une partie de la hauteur et le partagent en 8x8 ou 8x4 petits éléments de détection de quelques millimètres de côté. Les traits de scie forment en fait autant de guides de lumière qui évitent une trop large dispersion des photons de scintillation, sachant que par ailleurs une certaine dispersion finale est nécessaire puisque la localisation de l'événement utilise la méthode d'Anger consistant à calculer le centre de gravité de signaux fournis par plusieurs photomultiplicateurs voisins. Ils peuvent éventuellement être remplis d'un matériau réfléchissant de nature à favoriser cette fonction.
Les blocs sont montés par exemple par quatre en modules plus longs qui sont eux-mêmes assemblés pour former un anneau complet. Plusieurs anneaux sont disposés côte à côte ce qui donne un champ de vue de 10 ou 15cm selon l'axe principal z du tomographe. En nombre de détecteurs on trouvera, en insistant encore sur le fait qu'il s'agit là de valeurs typiques, 512 éléments de scintillateurs de 5mm de côté pour un cercle complet, soit plus de 12000 en tout pour trois anneaux de blocs partagés chacun en 8x8 éléments.
Des septa de tungstène en forme d'anneaux peuvent être insérés à l'intérieur du système de détection de façon à le partager en un certain nombre de tranches axiales. Comme cela sera expliqué au paragraphe suivant, leur présence place le tomographe en mode d'acquisition 2D, qui fournit les images d'un ensemble de coupes transverses, alors que leur absence permet l'acquisition 3D du volume compris dans le champ de vue.
2)Mode d'acquisition
Deux gammas de 511keV émis simultanément dans des sens opposés: L'annihilation d'un positron présente une signature particulièrement nette! En particulier ces deux gammas définissent dans l'espace une direction bien précise (la LOR, "line of response") ce qui rend inutile ici l'accessoire obligé et particulièrement encombrant de la scintigraphie mono-photonique, à savoir le collimateur. Ceci à condition toutefois que le système de détection s'assure qu'en effet la signature d'un bon événement soit présente.
Il y a tout d'abord la condition sur la double énergie de 511keV. On s'en assure en enregistrant pour chaque détecteur le spectre en énergie et en plaçant une fenêtre sur le pic photoélectrique comme on le fait pour la gamma-caméra. Comme on le verra dans la suite, il restera à traiter le problème de la diffusion, source d'erreur dans l'orientation de la LOR, et celui des coïncidences fortuites, qui peut générer un bruit de fond non négligeable.
Pour ce qui est de la simultanéité entre les deux photons, elle est réelle à l'émission mais ne l'est pas tout à fait à la détection puisque les trajets à parcourir sont rarement égaux et que la lumière a une vitesse finie c. La lumière franchit 30cm en une nanoseconde, et compte tenu des dimensions transverses du corps humain on peut donc considérer que le décalage entre les signaux peut varier de quelques dixièmes à, disons, 2 nanosecondes, des temps que l'électronique moderne discrimine facilement. Ce qu'on appelle temps de coïncidence est l'intervalle de temps que le système tolère entre deux signaux pour qu'ils soient admis comme provenant du même événement d'annihilation. Il est typiquement de 5 nanosecondes, ce qui est suffisant pour encadrer tous les bons événements, sachant qu'élargir cette fenêtre ne ferait qu'augmenter le nombre de coïncidences fortuites entre deux signaux générés aléatoirement dans deux détecteurs.
Dans le mode de détection 2D évoqué ci-dessus, les septa sont insérés à l'intérieur des anneaux de détection ce qui empêche la détection de photons trop inclinés sur l'axe principal. Il s'agit en somme de collimater dans la direction axiale tout en évitant de collimater dans les plans transverses. Cela élimine pas mal de bons événements mais cela diminue en plus forte proportion les diffusés et les fortuits. Les LOR localisées à l'intérieur d'un anneau servent à reconstruire une coupe transverse située entre deux septa (schéma de gauche ci-dessous). On peut aussi utiliser les LOR légèrement inclinées, celles qui donnent des signaux dans deux anneaux voisins, pour obtenir une coupe transverse centrée sur un septum (schéma du milieu).
Le mode de détection 3D (schéma de droite), qui suppose l'absence de septa et donc l'autorisation sur toutes les LOR, y compris très inclinées, ne fait qu'exploiter cette propriété remarquable qu'ont les photons d'annihilation de fournir l'information sur leur direction et donc de rendre inutile une collimation physique. La raison pour laquelle ce mode n'est pas systématiquement exploité est que s'il est vrai que l'absence de septa augmente considérablement la sensibilité du système ( le nombre de bons événements admis), elle augmente aussi, et en plus forte proportion les événements diffusés et, à même dose patient, les coïncidences fortuites. Une bonne justification pour basculer dans ce mode vient de ce qu'il permet de diminuer la dose injectée tout en gardant une bonne sensibilité globale.
3)Sinogramme.
Une ligne de réponse LOR est caractérisée par une inclinaison φ par rapport à la verticale (nous choisissons la convention φ=0° pour une LOR verticale), et par une distance d par rapport à l'axe principal de l'imageur. Le sinogramme est une matrice de mémoires destinées à stocker l'information enregistrée et organisée selon φ et d. Voir cela comme une matrice est une façon commode de se représenter les choses, même si en réalité il s'agit plutôt de la manière dont le logiciel adresse les mémoires de l'ordinateur.
Si on imagine que φ et d représentent respectivement l'axe vertical et l'axe horizontal de la matrice, alors une ligne de cette matrice reprend les LOR qui ont la même inclinaison mais dont les distances au centre sont différentes.
Une colonne particulière reprend les LOR situées à la même distance du centre mais sous des angles différents.
Chaque fois qu'un événement est identifié et accepté, la mémoire correspondant à ses valeurs φ et d est augmentée de une unité. En bout de course chaque mémoire est donc une mesure de l'activité le long de la ligne qu'elle représente.
Les dessins ci-dessous évoquent deux exemples de sinogramme, étant entendu qu'il ne s'agit là que d'une représentation graphique d'une réalité numérique.
4)Reconstruction de l'image
Partant des sinogrammes, la reconstruction des images se fait par rétroprojection filtrée comme en tomographie numérisée ou en tomographie mono-photonique. Un exposé de la méthode sera prochainement développé dans le sujet "tomographie numérisée".
5)Système bimodal PET/CT
Les imageurs PET et CT sont très vite apparus complémentaires, en particulier en oncologie. Le scanner PET présente une faible résolution mais révèle efficacement les niveaux d'activité métabolique. Le scanner CT visualise les détails anatomiques avec beaucoup de finesse, mais il peine, par exemple, à faire la différence entre tumeurs malignes et tumeurs bénignes.
Les systèmes bimodaux PET/CT sont aujourd'hui largement répandus (écrit en 2014). Dans l'arrangement standard, les deux anneaux sont montés l'un derrière l'autre en géométrie coaxiale, avec une table commune qui peut glisser de l'un à l'autre. Les données CT sont d'abord prises, ce qui dans le mode moderne hélicoïdal ne demande qu'une quinzaine de secondes de la tête au bassin, puis le patient est translaté vers le PET scan où s'effectue une série de clichés portant chacun sur une quinzaine de centimètres et qui peuvent prendre en tout une trentaine de minutes. Les images sont ensuite superposées et présentées à l'écran pour analyse.
La superposition des deux images se voudrait exacte, ce qui ne va pas sans difficulté. Compte tenu du temps d'acquisition, les mouvements du corps sont difficiles à éviter de façon générale, et inévitables au niveau du thorax. Le cycle respiratoire est long comparé à la prise d'une image CT, et court dans le cas du PET. Le CT tend à fournir un instantané quelque part dans le cycle alors que l'image PET est toujours une moyenne sur tout le mouvement. Il peut apparaître ainsi des artéfacts où par exemple les poumons apparaîtraient plus larges en CT, parce que pris au maximum d'aspiration.
6)Tomographie par temps de vol TOF
Si deux photons de vitesse c doivent parcourir des distances différentes x1 et x2, cela leur prend des temps différents t1 et t2 tels que Δx= x2-x1 = c(t2-t1) = cΔt. En PET scan, connaissant la ligne de réponse LOR d'un événement, la mesure de Δt permettrait donc de connaître Δx et situer sur la LOR l'endroit où s'est produit l'événement. C'est le principe de la tomographie par temps de vol ou TOF ("time of flight").
Si on situe à 1 nanoseconde les performances techniques en termes de résolution temporelle, cela donne Δx=30cm comme plus petite distance mesurable, soit une imprécision de 15cm sur le positionnement d'un événement. On se trouve là dans une situation limite qui d'un côté ne permet pas d'espérer de sitôt une grande précision, et de l'autre côté est encourageante quant aux possibilités d'en tirer un certain bénéfice, à condition d'affiner tout ce qui influence la mesure des temps d'arrivée.
Les premiers imageurs PET-TOF ont été construits dès les années quatre-vingt mais avec des résultats décevants, principalement parce qu'on ne connaissait pas alors de matériau scintillateur qui possède à la fois un temps de scintillation très court et un bon pouvoir d'arrêt sur des photons de 511keV (Le BGO par exemple a un très bon pouvoir d'arrêt mais il est lent). De nos jours on possède le BaF2 qui est à la fois rapide et efficient, et par ailleurs l'électronique a progressé également, de sorte que les imageurs TOF actuels (écrit en 2014) présentent une résolution temporelle de l'ordre de 500 picosecondes, donc une imprécision de 7,5cm sur la localisation. C'est dans la procédure de rétroprojection qu'on tire avantage de cela: Dans un tomographe ordinaire, quand on reçoit un signal en provenance d'une ligne on répartit l'information sur toute cette ligne, ce qui en bout de course génère un flou sur les objets reconstruits (… et raison pour laquelle on doit passer par un filtre mathématique). En PET-TOF on connaît un petit peu mieux la région d'origine de l'événement. Même si cela reste grossier, on peut limiter la rétroprojection à cette zone d'un quinzaine de centimètres, ce qui réduit le flou et améliore la résolution finale.