Echographie |
Chapitre III: Echo- Doppler |
III.B. Modes Doppler.
1)L'écho-Doppler comme outil.
La médecine cardiovasculaire utilise l'effet Doppler pour mesurer la vitesse v du sang dans les vaisseaux, selon la formule vue ci-dessous (Ch.III.A), où fD est la fréquence Doppler observée, fS la fréquence émise à la source et c la vitesse de l'onde:
S'il y a plusieurs vaisseaux sur le chemin du faisceau, impliquant des vitesses et inclinaisons différentes, le signal est moyenné et l'information ambigüe, ce qui suppose qu'on privilégie les situations où un seul canal intervient ou domine les autres, ou encore qu'on parvienne à extraire du signal la contribution d'une tranche particulière en profondeur.
En vasculaire, les vitesses sont de l'ordre de quelques dizaines de centimètres par seconde, avec un maximum à 200cm/s environ. Il se fait que les fréquences Doppler qui en résultent se rangent, de manière par ailleurs purement fortuite, dans le domaine de l'audible (gamme de 20Hz à 20kHz: pour fS=5MHz, une vitesse de 50cm/s vue à 45° donne, avec c=1540m/s, 2,3kHz pour fD). Le signal peut donc, après amplification, être envoyé sur haut-parleur et analysé à l'oreille. Un tel travail en acoustique est une caractéristique curieuse mais intéressante de l'histoire en écho-Doppler.
Le fait que l'information dépende non seulement de la norme de la vitesse mais aussi de l'inclinaison peut faire problème. En aveugle, l'opérateur est censé connaître l'inclinaison pour en déduire la vitesse, mais en technique moderne l'usage est de superposer l'information Doppler à l'image obtenue par l'échographie classique et de se servir du logiciel de gestion de l'écran pour marquer l'angle θ et obtenir v. Ce genre de logiciel peut d'ailleurs permettre aussi d'atteindre le débit de sang, qui est un paramètre vasculaire important: S'il est possible de marquer à l'écran le diamètre du vaisseau, le calcul peut en déduire la section S=πR², puis le débit qui est le produit de la vitesse par la section (D=Sv).
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Pour un résultat correct, la précision sur l'angle doit être d'autant plus élevée que θ s'approche de 90°. En effet, la propagation des erreurs appliquée à la formule ci-dessus donne:
En admettant une précision très élevée sur les deux fréquences et sur c (ΔfD = ΔfS = Δc ≈ 0), on obtient:
Soit alors une imprécision de 3° sur l'angle, ce qui donne en radians Δθ=0.052: On en déduit un pourcentage d'erreur sur v de 2% à 20°, 4.5% à 40°, 9% à 60° et… 30% à 80° (au-delà, l'erreur augmente encore drastiquement, mais le signal Doppler s'amenuise d'autant).
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2)Analyse spectrale.
Un signal en provenance d'un vaisseau particulier peut être analysé par transformée de Fourier (voir par exemple Ch.II.B en IRM). Cela donne la distribution des vitesses à cet endroit, information caractéristique du type d'écoulement, de Poiseuille ou turbulent, dans l'artère ou la veine.
Un écoulement de Poiseuille est un écoulement laminaire, à savoir un écoulement où les couches fluides se déplacent parallèlement les unes aux autres. Toutefois la viscosité tend à y imposer un gradient de vitesse entre la paroi et le centre du flux. Les cellules en contact avec la paroi sont ralenties par les chocs et les interactions avec cet élément statique, alors que celles qui se trouvent au centre sont assez libres de se mouvoir. Intervient alors la viscosité, caractéristique des fluides, qui vient de ce que les molécules exercent entre elles de légères forces de liaison et que dès lors chacune tend à entraîner partiellement ses voisines dans son déplacement. Il en résulte une variation progressive (un gradient) de type parabolique entre le centre et la périphérie.
Un écoulement turbulent est un écoulement où les lignes de flux se croisent ou tourbillonnent de manière stochastique (Ce qu'on appelle une ligne de flux peut être vu comme la trajectoire de mouvement d'une molécule au sein du fluide). En conséquence, les vitesses tendent à s'échanger d'une couche à l'autre, et en définitive à s'homogénéiser. Ceci à l'exception des couches proches de la paroi, qui par son caractère statique contribue ici aussi à freiner le flux dans son voisinage (par chocs mécaniques et forces d'interaction). On obtient une distribution de vitesses assez constante sur l'ensemble de la section, mais qui décroît en périphérie.
L'analyse de Fourier du signal Doppler fournit donc dans le cas d'un écoulement de Poiseuille une distribution de vitesse assez large autour de la valeur moyenne, et une distribution plutôt resserrée sur une valeur unique dans le cas d'un écoulement turbulent. La figure ci-dessous évoque de manière qualitative la manière dont l'information est affichée à l'écran: La vitesse du sang, directement déduite de la fréquence Doppler, est pointée en temps réel en fonction du temps, ce qui fait apparaître les variations rapides et périodiques liées au rythme cardiaque. Pour un instant t donné, les différentes valeurs de vitesses mesurées apparaissent en ordonnée. L'intensité de l'onde observée pour chaque valeur de v est traduite en niveaux de gris, ce qui confère somme toute une troisième dimension au diagramme: Gris pâle pour une composante faible, gris proche du noir pour une composante de puissance élevée. Dans ce genre de représentation, un écoulement de type Poiseuille se caractérise par une distribution en vitesse plutôt large.
3)Mode Doppler continu.
En mode Doppler continu, l'émission de l'onde ultrasonore et la réception des échos se font en permanence. Cela suppose l'usage simultané de deux transducteurs, l'un dédié à l'émission et l'autre à la réception. Cela signifie aussi qu'il n'y a pas moyen de trouver de quelle profondeur proviennent les échos.
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Mathématiquement, cela rejoint la discussion des chapitres II.B.2 et II.F.1: Une bonne résolution est associée à un facteur Q faible, donc une bande passante large. Or un signal de fréquence bien définie envoyé pendant un temps long donne, par transformée de Fourier, un Δf très réduit.
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Le défaut en termes de résolution axiale peut être en partie résolu par la géométrie du système: Si le champ de vue observé par le récepteur est incliné par rapport au faisceau émis, ce qui à vrai dire s'impose en partie, le signal ne peut provenir que de la région d'intersection:
4) Mode Doppler pulsé.
Le mode Doppler pulsé utilise un schéma d'émission-réception semblable à celui de l'échographie classique: Un unique transducteur, utilisé à l'émission comme à la réception, envoie un bref signal ultrasonore puis se met à l'écoute des échos retournés par le milieu. Le signal est un peu plus long qu'en échographie car le paramètre mesuré n'est pas le même: Le temps d'aller-retour recherché en échographie classique est certes intéressant ici aussi, mais il s'agit cette fois d'obtenir avant tout une bonne précision sur la fréquence retournée, ce qui demande un minimum d'oscillations dans le signal (Pour rappel, en échographie classique il n'y en a que deux ou trois).
En soi un signal plus long réduit la résolution axiale, mais en fait l'enregistrement de l'écho ne se fait ici que pendant une étroite fenêtre de mesure ouverte en un temps t donné après l'impulsion émise, ce qui revient à ne retenir l'information que pour une profondeur précise liée à ce temps t. Le signal reçu pendant la fenêtre de mesure est mélangé au signal émis et l'analyse de Fourier du résultat fournit une phase et une amplitude qui caractérisent l'oscillation Doppler due au mouvement du sang.
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La formule de trigonométrie cos(a-b)=cos(a)cos(b)+sin(a)sin(b) suggère qu'en combinant une oscillation a et une oscillation b (liées ici aux fréquences émises et reçues), on peut obtenir un résultat typique de a-b (liée ici à la fréquence Doppler). Ceci n'est en rien une démonstration mais ouvre la porte vers les techniques de filtrage et de démodulation utilisées en pratique.
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L'opération est répétée lors des cycles suivants, pour donner d'autres phases et amplitudes et en définitive en déduire la bonne fréquence Doppler. Cela revient à échantillonner l'oscillation Doppler à une fréquence égale à la fréquence FRI de répétition de l'impulsion.
Les limites d'une méthode d'échantillonnage sont connues et découlent du théorème de Shannon-Nyquist (voir par exemple IRM Ch.II.C) selon lequel, pour qu'une fonction sinusoïdale puisse être reconnue par un système de détection, il faut que la fréquence d'échantillonnage soit au moins double de celle du sinus ou, en d'autres termes, il s'agit d'échantillonner au moins une fois par demi-cycle. Le schéma ci-dessus montre une situation limite de ce point de vue. Le schéma ci-dessous représente un échantillonnage trop lent et permet d'ailleurs de relever visuellement la fréquence plus basse qui sera erronément calculée.
Il est possible d'augmenter la FRI, mais dans ce cas le délai t d'ouverture de la fenêtre de mesure sera limité à des temps plus courts, ce qui revient à diminuer la profondeur d'exploration. Les hautes valeurs de FRI ne peuvent sonder que les vaisseaux proches de la peau.
Une autre possibilité serait de diminuer la fréquence Doppler, ce qui peut se concevoir s'il est possible d'augmenter l'inclinaison de la sonde par rapport au vaisseau. Agir ainsi permet en effet de diminuer la projection de la vitesse sanguine selon la direction du récepteur, et on se souviendra que c'est seulement cette composante de la vitesse qui est responsable de l'effet Doppler. Toutefois, des angles trop importants risquent de mener à des erreurs élevées sur l'estimation de la vitesse, comme expliqué au §1 ci-dessus.
5)Doppler couleur.
Le Doppler couleur est une technique de superposition des mesures Doppler à l'image échographique classique, de manière à obtenir une information visuelle sur les écoulements.
Le premier mode de Doppler couleur code pour la vitesse: Tous les éléments au repos sont représentés en gris, alors que le rouge est utilisé pour les flux orientés vers la sonde et le bleu pour ceux qui s'en éloignent. L'intensité des couleurs rouge et bleue mesure la valeur de la vitesse. Le vert peut aussi se voir utilisé pour attirer l'attention sur des turbulences dans l'écoulement.
En Doppler puissance, c'est la puissance de flux qui est représentée plutôt que la vitesse. C'est la couleur orange qui est utilisée, avec une intensité qui dépendra de la taille des globules rouges et de leur densité, densité éventuellement liée à un phénomène d'agrégation.