Imagerie par résonance magnétique (IRM) |
Chapitre II: Préalables en mathématiques. |
II.B. Analyse de Fourier
1)Première approche
Joseph Fourier (1768-1830) est un mathématicien français qui a développé l’un des outils d’analyse mathématique les plus efficaces qui soient. Non seulement il a démontré que toute fonction peut-être décomposée en une suite de fonctions cycliques, ce qui sera détaillé ci-dessous, mais il a de plus fourni les formules qui permettent de retrouver les fréquences de ces fonctions. Ce qu’on appelle l’analyse de Fourier d’un signal, ou d’une image, ou de toute autre variable, revient donc à calculer les fréquences qui composent ce signal ou cette image, ainsi que les amplitudes associées qui ne sont somme toute que leurs facteurs de pondération. Dans le présent chapitre les exemples choisis supposeront tous une dépendance en fonction du temps. L’analyse de Fourier des images fera l’objet du chapitre suivant II.C, au travers de ce qu’on appelle l’espace des k.
L’exemple le plus simple est celui d’un cosinus pur u(t)=Acos(ωt), pour lequel l’analyse de Fourier donnera un spectre de fréquence « cosinus » c(ω) fort simple puisque réduit à la seule pulsation ω associée à l’amplitude A.
Si le cosinus présente une phase ϕ, l’analyse fournit aussi ce paramètre.
De façon équivalente, le calcul voit dans l’exemple précédent la superposition d’un cosinus pur et d’un sinus pur d’amplitudes différentes : u(t)=A cos(ωt+ϕ)=a cos(ωt) + b sin (ωt)
[
Il y a bien sûr une relation directe entre ces deux représentations. Se rappelant l’identité trigonométrique cos(x+y)=cos x cos y –sin x sin y, on en tire A cos(ωt+ϕ) = Acosϕ cos(ωt) - Asinϕ sin(ωt). En comparant avec a cos(ωt) + b sin(ωt) il vient a=Acosϕ et b=-Asinϕ On développe ensuite de la manière suivante : a²+b²=A²(cos²ϕ+sin²ϕ)=A², et b/a=-(Asinϕ)/(Acosϕ)=-tgϕ.
En résumé :
u(t)=A cos(ωt+ϕ)=a cos(ωt) + b sin (ωt)
avec A²=a²+b²
et ϕ=Arc tg (-b/a)
Ceci explique qu’en ce qui concerne les résultats de l’analyse de Fourier on parle tantôt de superposition de fonctions cosinus et sinus, tantôt d’analyse en phase et fréquence. On voit qu’il s’agit là de deux options équivalentes.
]
2)Séries de Fourier
La technique des séries de Fourier s’applique aux fonctions périodiques. Elle sera généralisée aux fonctions non périodiques par ce qu’on appelle la transformée de Fourier, qui fera l’objet du prochain paragraphe.
Soit donc une fonction du temps u(t) de période T. Il est possible (pas certain) que u(t) puisse se décomposer en une série de cosinus et de sinus de fréquences f=1/T, fréquence fondamentale qui rythme la fonction de départ, et fn=nf où n peut prendre toutes les valeurs entières naturelles de 1 à l’infini. Ces fréquences multiples entières de la fondamentale sont les harmoniques du signal. Le cas échéant une constante a0 s’ajoute à la somme des termes sinusoïdaux, constante qui constitue en quelque sorte le socle du tout. Si on se limite aux fonctions réelles, la décomposition peut s’écrire :
où ω = 2πf = 2π/T
Sachant qu’une fonction f(x) peut toujours être partagée en une partie paire fp(x)=(f(x)+f(-x))/2=fp(-x) et une partie impaire fi(x)=(f(x)-f(-x))/2=-fi(-x), il apparaît que a0 et la série de cosinus reproduisent la partie paire (la parité caractérise le cosinus : cos(x)=cos(-x)) alors que la série de sinus se charge de la partie impaire (le sinus est impair : sin(x)= -sin(-x)).
S’ils existent, les coefficients an et bn s’obtiennent par les formules :
Exemple : Le cas simple du « créneau » se retrouve un peu partout dans la littérature. L’exemple traité ici sera la fonction « dent de scie » définie par :
u(t) ne présente pas de socle, donc a0=0. Par ailleurs, vu la phase choisie, la fonction est manifestement paire, de sorte que tous les bn sont nuls. Enfin, en raison de cette même parité le calcul des an sur la première demi-période doit donner le même résultat que sur la deuxième demi-période, et donc :
Le premier terme est nul car le sinus s’annule en zéro mais aussi en T/2 (sin nπ = 0 pour tout n).Dans le deuxième terme l’intégrale est résolue par la formule d’intégration par parties ∫xcosxdx=xsinx+cosx avec x=n2πt/T. Le terme en xsinx disparaîtra pour la même raison que ci-dessus, ce qui nous laisse avec le seul terme:
La parenthèse s’annule pour toutes les valeurs paires de n et donne an=8/n²π² pour n impair, ce qui donne le résultat final :
La décroissance en puissance 2 des coefficients est rapide, donc la série s’estompe rapidement en termes d’amplitude, ce qui marque le fait que la fonction de départ n’est tout compte fait pas très éloignée d’une fonction sinusoïdale pure et que les harmoniques ont peu de choses à corriger au départ de la fréquence fondamentale.
Une approche plus générale utilise la décomposition en coefficients complexes où n couvre cette fois l’ensemble des relatifs, et non plus seulement celui des naturels:
Le lien avec la représentation précédente est donné par :
Une théorie généralisée aux fonctions complexes pourrait paraître inappropriée dans le cadre d’applications physiques comme l’imagerie médicale, mais le fait est que la formule ci-dessus propose d’autres voies d’intégration qui peuvent faciliter le calcul dans certains cas, ce qui constitue un atout non négligeable. La présence de valeurs de n négatives pourrait poser problème si on interprète n en termes de fréquences (Qu’est-ce qu’une fréquence négative ?) Comme bien souvent c’est à la physique d’exploiter les facilités offertes par les mathématiques, quitte à faire en bout de course la part des choses entre les solutions physiquement plausibles et les solutions purement mathématiques.
Des fréquences négatives dont les amplitudes ont le même signe que celles des fréquences positives, comme dans la figure ci-dessus, sont représentatives de la partie paire de la fonction (les an). Pour la partie impaire (les bn) les fréquences négatives ont des amplitudes de signe opposé.
3)Transformée de Fourier
Dans le cas de fonctions périodiques le spectre de fréquence associé est, comme le montrent les graphes ci-dessus, un spectre en bâtonnets séparés par des intervalles dont la mesure est f=1/T, la fréquence fondamentale de la fonction étudiée. Pour des périodes longues, 1/T diminue et les bâtonnets tendent à se rapprocher les uns des autres. On en arrive alors au cas des fonctions non périodiques, qui pourraient être considérées tout compte fait comme périodiques mais de période T infinie. L’intervalle 1/T tend alors vers zéro et les bâtonnets se rejoignent pour former une fonction continue v(f). v(f) est ce qu’on appelle la transformée de Fourier de u(t) non périodique. On l’obtient par la formule :
La même expression vaudrait, à une constante près, pour ω=2πf.
La transformée de Fourier possède des propriétés qui sont d’un intérêt immédiat en IRM. Elles sont illustrées par les exemples ci-dessous, exemples qui seront brièvement commentés ici et discutés plus longuement dans le corps du texte au moment approprié
Application n°1 : Le créneau. Soit une impulsion constante dans le temps et qui dure un temps τ.
Comme la fonction est paire l’intégrale peut se réduire à sa partie en cosinus (rappel : e-ix = cosx –isinx):
La fonction sinc définie par sinc(x)=sin(x)/x et appelée « sinus cardinal » est donc la transformée de Fourier d’une impulsion en créneau.
L’opération de transformation possède une propriété intéressante, toujours vraie, selon laquelle une fonction u(x) dont la transformée est v(f) est elle-même la transformée u(f) de v(x). u et v se voient ainsi étroitement associées et forment ce qu’on appelle une paire de Fourier . En l’occurrence les fonctions créneau et sinc forment une paire et donc la transformée de sinc(t) est un créneau en fréquence (dans tous les cas, si le créneau a une largeur L, l’écart entre le maximum central de sinc et son premier zéro vaut 1/L)
Ceci explique pourquoi en IRM les impulsions 90° utilisées pour basculer l’aimantation longitudinale dans le plan transverse prennent dans le temps l’allure d’une fonction sinc. Le résultat correspond à une fenêtre en fréquence très proprement définie (le créneau) ce qui permet la sélection de coupes bien délimitées en z (voir chapitre IV)
Application n°2 : Fenêtre de lecture. Qu’il s’agisse du FID, de l’écho de spin ou d’un écho de gradient, la mesure du signal FID se fait dans un intervalle de temps précis qu’on appelle la fenêtre de lecture. Ce n’est pas sans conséquence sur le spectre de fréquence déduit de cette mesure. A supposer par exemple qu’un sinus pur soit mesuré dans une fenêtre temporelle : En principe ce sinus pur devrait avoir pour transformée une fréquence unique, ce qu’on appelle en mathématiques une fonction delta. En pratique ce ne sera pas le cas car le signal enregistré n’est pas une oscillation de durée infinie, mais une portion limitée à la fenêtre de lecture. Il s’agit en somme de la multiplication de la fonction sinus par une fonction « créneau », la porte électronique autorisant la mesure.
Selon le théorème de convolution, la transformée d’un produit de fonctions est la convolution des transformées individuelles, et vice-versa.
N.B. : La convolution de deux fonctions est obtenue en opérant un balayage par étapes de l’une des deux fonctions par l’autre et en additionnant tous les produits ainsi obtenus.
Dans le cas d’un sinus tronqué la convolution se réduit au produit d’un bâtonnet en fréquence (la transformée du sinus) par une fonction sinc centrée sur ce bâtonnet (la fonction sinc est la transformée du créneau de lecture). Autrement-dit on n’a plus affaire à une fréquence unique bien définie mais à une gamme de fréquences plus ou moins large : La troncature du sinus entraîne une perte de résolution.
Plus la fenêtre de mesure est large, plus la distribution en fréquences est étroite. De là, il apparaîtra qu’en IRM la largeur du créneau de lecture influence directement la résolution de l’image.
A la réflexion, il n’y a là rien que de très normal : Comme le suggère la figure ci-dessous, une fenêtre étroite n’est pas capable de faire la différence entre des fréquences proches, alors qu’une fenêtre large peut beaucoup plus finement les identifier et les séparer.
Application n°3 : Le peigne. La mesure d’un signal se fait par échantillonnage de celui-ci à intervalles réguliers. Cela revient à le multiplier par une fonction peigne, à savoir une fonction faite de bâtonnets régulièrement espacés.
Comme il a été dit plus haut, la transformée d’un produit est la convolution des transformées individuelles. Il se fait que la transformée d’une fonction peigne dans le temps est elle-même une fonction peigne en fréquence, de sorte qu’au final la transformée du signal se verra démultipliée autant de fois qu’il y a de bâtonnets, chaque exemplaire étant centré sur un bâtonnet.
En réalité il faudrait tenir compte de la multiplication de trois fonctions : le signal, le créneau de lecture et le peigne d’échantillonnage, et donc le résultat serait la convolution de la transformée du signal, d’une fonction sinc et d’une fonction peigne. Mais l’effet de la fonction sinc est maintenant connu, à savoir une perte de résolution, et une fois ce point compris on peut se permettre de l’oublier dans la suite de la discussion. Par contre l’effet de la fonction peigne mérite un développement qui passera par le théorème de Shannon-Nyquist et le problème de l’aliasing. Cela fait l’objet du prochain paragraphe.