Imagerie par résonance magnétique (IRM) |
Chapitre I: Préalables en physique. |
I.H Energie de couplage
1) Energie d’un moment dipolaire dans un champ
Un moment dipolaire qui se couple à un champ magnétique possède de l’énergie potentielle magnétique, comme un électron gravitant autour d’un atome possède de l’énergie potentielle électrique et comme un objet sur terre possède de l’énergie potentielle de gravitation. Pour un moment µ plongé dans un champ B sous un angle θ, on a :
[
Cela vient de la définition de toute énergie potentielle, à savoir le travail que devrait dépenser un agent extérieur pour amener le système de sa position d’énergie nulle, ici un moment dipolaire à 90° de B, vers la position considérée, ici le moment formant un angle θ avec B. Le travail d’une force en translation c’est ∫Fdx, le travail d’un couple en rotation c’est la formule analogue ∫Cdθ, avec dans le cas qui nous occupe un couple égal au produit vectoriel de µ et de B. De là :
]
Contrairement aux chapitres précédents qui se voulaient assez généraux, la formule ci-dessus sera ici discutée au plus proche de son application en IRM à savoir le couplage des protons au champ magnétique de la machine.
Les protons dans un champ n’ont que deux inclinaisons possibles (§I.E.4), correspondant aux deux projections +1/2 et -1/2 de leurs spins sur la direction de B. Les protons à projection +1/2 sont appelés protons UP, les autres sont les DOWN.
L’énergie potentielle UP vaut -µBcosθ, la DOWN vaut -µBcosθ’=-µBcos(180°-θ)=+µBcosθ. La différence vaut 2µBcosθ=2µzB, quantité qui ne dépend que de l’intensité du champ puisque µ et θ ont des valeurs fixes.
Pour qu’un proton up puisse basculer vers la position down, il faut lui fournir la différence d’énergie 2µzB. Si un proton down bascule en up, il émet la même quantité d’énergie 2µzB. Un photon qui aurait cette énergie est un photon de résonance. Chose remarquable, la fréquence d’un tel photon est exactement égale à la fréquence de Larmor des protons, dont on sait qu’elle est définie par le rapport gyromagnétique γ (§I.G.2).
ωL = γ B
[
En effet, se rappelant que l’énergie d’un photon vaut Eγ=hf, on a :
]
A la réflexion, on comprend que les photons qui conviennent sont ceux qui s’adaptent à la fréquence de base du système et qu’il s’agit donc d’un phénomène de résonance.
Parler de photon ou de champ électromagnétique oscillant est équivalent. En IRM ce champ est fourni par une antenne émettrice (§I.D.2) réglée sur la bonne fréquence. L’usage veut que le champ principal, constant, soit noté B0 et que le champ de résonance, oscillant et émis par l’antenne à 90° de B0, soit noté B1.
2) Champs de radiofréquence (RF)
Le rapport gyromagnétique des protons est de 2π x 42,58MHz/T. L’imageur-type en IRM fonctionne sur un champ B0=1,5T, ce qui implique une fréquence de Larmor pour les protons de 63,87MHz. Cette fréquence est typique de la gamme des ondes radios, plus précisément de la gamme fréquence modulée très utilisée par nombre d’émetteurs publics et privés. Certains appareils électroniques peuvent aussi émettre de manière parasite des ondes du même genre. Si on n’y prenait garde la machine IRM serait donc soumise à un bruit électromagnétique important susceptible d’en perturber le fonctionnement. C’est pourquoi les parois du local de travail sont en principe grillagés d’un façon ou d’une autre pour former une cage de Faraday, manière très efficace de protéger un certain volume de toute influence électromagnétique extérieure.
3) Statistique de Boltzmann
A supposer qu’à échelle humaine, donc au niveau macroscopique, un ensemble de petits aimants soit plongé dans un puissant champ magnétique, ils s’aligneraient tous dans le même sens, la direction sud-nord étant orientée comme le champ. Il serait exclu d’en voir certains prendre la position inverse nord-sud. Or dans le cas des protons le nombre de « downs » pointant en sens contraire du champ est presque aussi élevé que le nombre de « ups », le « presque » étant à souligner car il prendra une grande importance dans la suite.
Il est intéressant de décrire cette situation sous l’angle des énergies. Comme vu ci-dessus les protons up ont une énergie négative -µzB, ce qui marque un véritable couplage, une véritable liaison au champ : les électrons atomiques ont une énergie négative, les objets liés à la terre également. L’énergie positive + µzB des protons down quant à elle semble contredire ce que certains appellent le principe de paresse maximum qui veut que tout système physique tende spontanément vers son état d’énergie le plus bas.
L’explication est à trouver dans une des caractéristiques premières de la matière qui est l’agitation thermique. Au niveau microscopique tout bouge, tout vibre selon des mouvements désordonnés. Il s’en suit des interactions, des chocs, des transferts d’énergie de nature à faire perdre… le nord (!) à tous les composants matériels. Ce phénomène est de nature à mélanger tous les états d’énergie qui leur sont accessibles, les états up et down dans le cas des protons. La tendance est à égaliser les populations de tous ces états. Il reste que le couplage au champ impose une tendance « lourde » de nature à favoriser malgré tout, dans ce cas-ci légèrement, les états liés.
Une situation semblable se rencontre dans ce qu’on appelle l’équilibre de sédimentation. Elle suppose une suspension de particules très fines dans un liquide. La tendance à l’homogénéisation vient ici du mouvement brownien, mouvement dû au déséquilibre dans les chocs thermiques subis par chaque particule en provenance des molécules voisines et qui la projettent tantôt dans une direction tantôt dans une autre de façon parfaitement aléatoire. La tendance lourde vient de la gravitation qui fait que malgré tout les mouvements vers le bas sont privilégiés. On atteint ainsi un équilibre tel que la suspension présente une concentration plus élevée dans le fond, concentration qui diminue plus ou moins lentement de bas en haut. Pour des particules très fines le mouvement brownien est prépondérant et la variation avec la hauteur est lente. Pour des particules plus massives, la pesanteur l’emporte et la variation est plus rapide. La figure ci-dessous suggère cela, où N est le nombre de particules et Ep l’énergie potentielle, ici de gravitation.
Boltzmann a démontré que la diminution de N en fonction de E est une exponentielle décroissante caractérisée par la température, selon la formule ci-dessous (partie gauche de la figure) où T est la température absolue et k la constante de… Boltzmann.
Pour en revenir à l’IRM, c’est cette loi que suivent les populations de protons down et up dont la différence d’énergie vaut ΔE=2µzB comme vu au §1 (C’est l’objet de la partie droite de la figure ci-dessus). Le rapport Ndown/Nup sera évalué numériquement au chapitre III. On verra qu’il diffère très peu de l’unité mais que cette très légère différence est fondamentale en termes de qualité d’image. Son augmentation avec l’intensité du champ B est ni plus ni moins que l’explication première de la course actuelle (écrit en 2012) vers des imageurs à haute valeur de champ.
[
Au départ Boltzmann s’intéressait à la variation de la densité atmosphérique avec l’altitude h. Il faut rappeler au préalable qu’une autre forme de l’équation des gaz parfaits PV=nRT est P=nvkT où nv est le nombre de molécules par unité de volume. En effet le nombre total de molécules de gaz dans un volume V est égal à nN0 (nombre de moles n fois le nombre d’Avogadro N0) mais aussi à nvV par définition, et par ailleurs la constante des gaz parfaits R est égale à kN0. Ensuite, si on calcule le poids d’un gaz dans une fine couche d’épaisseur dh et de surface S=1m² on obtient nvmgdh, où m est la masse d’une molécule. Or dans l’air la diminution de pression dP pour une augmentation d’altitude dh est due à cette variation en poids du gaz. On a donc :
P=nvkT et dP= -nvmgdh
De là :
Ce qui donne par intégration entre deux niveaux 1 et 2, et avec E=mgh :
]