Imagerie par résonance magnétique (IRM) |
Chapitre IV: Codage spatial (x,y,z). |
IV.B Codage en phase et fréquence.
1) Codage dans un plan
Suite à l'impulsion 90° appliquée simultanément au gradient en z, les protons à l'intérieur de la coupe, et seulement ces protons, basculent dans le plan transverse. Pendant l'application du gradient ils tournent à des fréquences légèrement différentes selon leur position, mais lorsque la bascule est opérée et que le gradient est désactivé ils retrouvent tous leur vitesse de rotation liée au champ B0 de base. Par ailleurs ils contribuent tous au signal induit dans l'antenne réceptrice, ce qui dans la foulée pose la question de la construction de l'image. Comment, dans le seul signal fourni par l'antenne, retrouver les nombreuses informations locales correspondant aux nombreux pixels de l'image finale?
Strictement parlant, un pixel doit plutôt être vu comme un voxel, puisqu'il intègre l'épaisseur Δz de coupe, mais ce paramètre est fixé par la procédure de sélection de coupe décrite ci-dessus. La largeur Δx et la hauteur Δy des éléments d'image sont quant à elles définies respectivement par les propriétés d'échantillonnage du signal (ChII.C) et par les variations de gradient de phase qui seront étudiées plus loin dans ce chapitre. Pour caractériser entièrement chaque pixel il reste à préciser trois valeurs: sa position x, sa position y et le niveau de gris qui sera le sien dans l'image.
L'analyse de Fourier d'un signal aussi complexe qu'un signal IRM se révèle ici particulièrement efficace. Elle en extrait (Ch.II.B) tous les composants sinusoïdaux dont on rappellera (Ch.II.A) qu'ils sont de la forme:
A = A0 cos(ωt + φ)
De façon remarquable cette expression contient trois paramètres… soit exactement ce qui convient pour définir les coordonnées (x,y) et le niveau de gris de chaque pixel. Il va de soi que A0 prendra en charge le niveau de couleur puisqu'il traduit directement l'intensité de l'aimantation transversale à l'endroit considéré: A aimantation forte, amplitude élevée; à aimantation faible, amplitude faible. Les paramètres de fréquence et de phase restent disponibles pour coder x et y. Cela suppose, et ce sera le rôle des gradients, qu'on impose aux protons une fréquence variable au long de l'axe x, par exemple, et une phase variable au long de l'axe y. Ainsi une paire de valeurs (ω,φ) deviendra une signature de la position. Si l'analyse de Fourier extrait du signal antenne une amplitude donnée A associée à une fréquence ω et une phase φ données, le système pourra clairement localiser cette information.
2) Codage en phase: Première approche.
Pour coder en phase la coordonnée y (par exemple) il faut agir après la sélection de coupe mais avant la mesure du signal. Le gradient de champ selon cet axe (§I.C.3) est activé pendant un temps plus ou moins long. Tant qu'il est activé les protons tournent à des vitesses légèrement différentes selon l'endroit où ils se trouvent. Le point important est que ceux qui tournent plus vite prennent peu à peu de l'avance sur ceux qui tournent plus lentement: Un décalage (ou déphasage !) progressif apparaît donc, d'autant plus important que la différence de vitesse est élevée.
Lorsque le gradient de phase Gφ s'éteint, les protons retrouvent tous leur fréquence de rotation de base, fréquence de Larmor liée à B0, mais ils gardent leurs décalages les uns par rapport aux autres. En quelque sorte, ils conservent la mémoire de ce qui s'est passé. L'ampleur de ces déphasages finals, véritable signature de la position y, dépend du temps Δt pendant lequel on a appliqué le gradient mais aussi de l'intensité Gφ de celui-ci, donc de la surface GφΔt sous-tendue par l'impulsion de gradient.
Le gradient de phase peut être appliqué n'importe quand entre la sélection de coupe et la mesure. En écho de spin, il peut être envoyé avant ou après l'impulsion 180°. En effet, celle-ci ne fait qu'inverser les décalages, de façon telle que les protons qui avaient pris le plus d'avance se retrouvent le plus en arrière, ce qui ne change rien au fait que l'ordre de ces décalages marque la position y.
3) Gradient de fréquence: Codage en x
Le gradient de phase dont question ci-dessus était censé se voir appliqué au long de l'axe y. C'est donc le gradient selon l'axe x (§I.C.3) qui prendra en charge le codage en fréquence de la deuxième coordonnée dans le plan, la coordonnée x. Il devra obligatoirement être appliqué pendant la mesure, de façon telle qu'au moment où l'information est enregistrée les protons qui contribuent au signal tournent à des vitesses légèrement différentes selon l'endroit où ils se trouvent sur cet axe. Le rôle de l'analyse de Fourier sera de retrouver ces différentes fréquences et d'en déduire les positions.
Le gradient de fréquence est noté Gω.
4) Répétitions de la séquence.
A ce stade, l'état de la question est le suivant: L'envoi simultané de l'impulsion RF 90° et du gradient en z permet de sélectionner la coupe. Les protons qui s'y trouvent, et eux seuls, génèrent un signal. Le gradient de phase est ensuite activé pendant un temps donné, ce qui attribue aux protons des phases variables selon l'axe y. En dernier lieu c'est le gradient de fréquence qui entre en jeu, et cela pendant la mesure du signal, de sorte qu'au moment où s'enregistre l'information les vitesses de rotation varient tout au long de l'axe x.
Le problème est que l'analyse de Fourier qui intervient ensuite est capable d'extraire très efficacement le spectre des fréquences mais ne peut attribuer à chaque valeur de ω qu'une seule valeur de phase et qu'une seule amplitude. Les fréquences peuvent tout de suite être converties en coordonnées x mais une seule valeur de phase pour une position x donnée ne peut donner le détail de ce qui se passe le long de l'axe y. En quelque sorte le calcul trouve des oscillations du genre A' = A'0 cos(ωt + φ') où le seul nombre φ' est le composé de toute la distribution des phases φ associées à ω (C'est vrai aussi pour les amplitudes).
La solution vient du principe mathématique de base selon lequel pour trouver n inconnues il faut disposer à leur sujet de n informations indépendantes. (Le lecteur se remettra sans doute ici en mémoire les règles en application dans la résolution des systèmes de n équations à n inconnues!) Une façon d'obtenir une nouvelle information, indépendante de la première, sur l'ensemble des protons de même abscisse est de recommencer la séquence ci-dessus en leur imposant une nouvelle distribution de phases, donc en modifiant la force du gradient Gφ. Et cela il faudra le faire autant de fois qu'il y a d'inconnues à déterminer… donc de lignes dans l'image.
La conséquence est lourde: Si l'image finale doit comporter 256 lignes de pixels, la séquence devra être répétée 256 fois, et 512 fois pour une image de 512 lignes. Le nombre de répétitions devient dès lors, et de très loin, le facteur déterminant dans le temps d'acquisition de l'image.
Pour indiquer ces répétitions marquées par une modification progressive du gradient de phase, il est d'usage de donner à Gφ un symbole particulier en forme d'échelle, évoquant ainsi sa variation progressive d'une séquence à l'autre.
5) Le plan de données brutes.
Lors d'une séquence les données enregistrées proviennent de l'échantillonnage du signal tout au long de la fenêtre de lecture. Elles forment une "ligne" de ce qu'on appelle le "plan" de données brutes. Ainsi que le montre la théorie de l'échantillonnage (ChII.C) le nombre de prélèvements définira le nombre de pixels sur une ligne de l'image finale, le taux d'échantillonnage définira le champ de vue FOVx selon x et la largeur de la fenêtre de lecture définira la résolution en x.
Pour chaque répétition de la séquence une ligne de données brutes est ainsi remplie. D'une ligne à l'autre c'est donc la valeur du gradient de phase qui change. L'écart entre deux gradients joue le même rôle que la période d'échantillonnage. Il en découlera le champ de vue FOVy selon y . L'écart entre les deux valeurs extrêmes de gradients est l'analogue de la fenêtre de lecture. Il influence directement la résolution en y.
La transformée de Fourier du plan de données brutes ne se fait pas ligne par ligne mais globalement au moyen de la technique de transformation 2D (bidimensionnelle; ChII.D). Le résultat est un plan de données dont l'abscisse est la fréquence et l'ordonnée la phase, mais ce plan n'est rien d'autre que l'image, par correspondance univoque de ces axes avec les axes x et y.
6) Orientation de la coupe.
Comme le résume la figure ci-dessus, il a jusqu'ici été supposé que la coupe imagée était un plan (x,y) transverse à l'axe principal z du solénoïde. Ce n'est pas une obligation: On peut imaginer le gradient Gss se déployer selon l'axe y par exemple, ce qui donnerait une coupe dans le plan (x,z). (Figure ci-dessous à gauche)
A vrai dire n'importe quelle orientation de coupe peut être envisagée (partie droite de la figure), ce qui revient à pouvoir imposer aux axes de gradient une rotation quelconque dans l'espace. Cela suppose que pour créer un même gradient, deux ou trois ensembles de bobines sont activés simultanément, sous des intensités dépendant des angles choisis. Par exemple pour obtenir un Gss dans le plan vertical longitudinal (y,z) mais incliné par rapport à l'axe z, il faudra agir simultanément sur les bobines de gradient y et sur les bobines de gradient z.
…Ceci dans l'hypothèse de l'acquisition d'une coupe unique. Dans le cas où l'acquisition aurait porté sur un ensemble de coupes contigües, de manière telle que leur jonction reproduise un volume complet, c'est par programmation et de façon très souple que n'importe quelle coupe oblique peut se voir reconstruite à la demande.