Echographie |
Chapitre II: Les transducteurs. |
II.E. Acquisition.
1)Répétition du signal.
Le rôle du transducteur est d'envoyer une courte impulsion ultrasonore, puis de se taire et de se mettre à l'écoute des échos qui lui reviennent après réflexion, diffusion ou diffraction à différentes profondeurs. Il est intéressant de noter ici, même si la physique y est complètement différente, une analogie avec l'IRM, imagerie par résonance magnétique, où là aussi le même élément, en l'occurrence l'antenne, est chargé d'émettre un bref signal puis d'écouter en retour l'effet produit dans l'organisme. On relèvera aussi qu'échographie et IRM sont les deux grandes techniques d'imagerie qui ne font pas appel aux rayonnements ionisants, ce qui n'est sans doute pas étranger à cette analogie dans le fonctionnement.
Le signal émis ne présente que deux ou trois oscillations ultrasonores. L'onde qui se propage le fait, pour rappel, à une vitesse de 1540m/s dans les tissus mous. Pour 2MHz en fréquence, soit 0,5µs de période, cela donne une longueur d'onde λ=cT de 0,77mm≈0,8mm. A cette fréquence, la durée de l'impulsion est de 1 à 2µs (elle se doit d'être brève afin de limiter la superposition des échos, ce qui relève de la résolution et sera développé au §4).
Avant d'émettre un nouveau signal, il faut attendre le temps nécessaire à la récolte de toute l'information, en ce compris les échos qui proviennent du plus profond de l'organisme et donc mettent le plus de temps à revenir sur la sonde. Pour explorer une profondeur x=20cm par exemple il faut un temps t=2x/c=0,4/1540=260µs≈250µs, où le facteur 2 tient compte du double trajet aller-retour. Dans ce cas, la fréquence de répétition des impulsions FRI ne doit pas dépasser 1/250µs=4kHz. La FRI (4kHz dans notre exemple) ne doit pas être confondue avec la fréquence de l'onde ultrasonore (2MHz par exemple).
Un cycle d'émission/réception reçoit l'information en provenance d'une ligne, objet à une dimension (1D). Le cycle suivant peut explorer la même ligne mais le plus souvent passe à une ligne voisine afin de construire peu à peu une image 2D ou une vue 3D, selon le type de sonde et les possibilités de l'électronique associée.
Si la période de répétition est trop courte, donc la FRI trop élevée, il peut se faire que des échos émis très en profondeur se présentent à la détection au début du cycle suivant, auquel cas ils seront assimilés à des éléments proches de la surface et seront source d'artéfacts. Toutefois leur intensité sera faible puisque d'une part il s'agit d'ondes qui ont parcouru un long trajet et sont donc fortement absorbées, et que d'autre part ils ne seront pas amplifiés comme le sont les échos tardifs (voir prochain paragraphe) puisque le système les assimile, précisément, à des événements peu profonds.
2)Traitement du signal.
a.Focalisation à la réception.
Pour une sonde multiéléments, un même écho génère un signal dans chacun des éléments de la barrette ou de la matrice. Tous ces signaux doivent être additionnés pour fournir l'intensité globale de l'événement. Le problème est que les signaux générés en périphérie de la sonde sont un peu plus tardifs que ceux qui sont générés au centre puisque l'aller-retour de l'onde vers la périphérie est un peu plus long que vers le centre. La conséquence est que leur somme est un peu étalée dans le temps, ce qui détériore la résolution temporelle du système. Les transducteurs qui fonctionnent en "phased array" peuvent corriger ce problème en imposant un léger retard aux impulsions centrales par rapport aux impulsions décentrées (principe de la focalisation à la réception). Le résultat donne après addition une impulsion finale plus étroite et plus haute, donc mieux résolue et plus sensible à l'intensité réelle de l'écho.
b.Correction de gain.
L'atténuation de l'onde ultrasonore dans l'organisme a fait l'objet du §I.B.6: Les échos qui reviennent à la sonde ont des intensités très différentes non seulement en raison de l'efficacité des éléments réfléchissants ou diffusants qui les ont générés, information qui intéresse l'imagerie et qu'il s'agit de conserver, mais aussi parce qu'ils ont été progressivement atténués sur leur trajet aller-retour au travers de la matière, effet parasite qu'il convient de corriger autant que possible, sans pour autant qu'une grande précision soit vraiment requise dans l'opération. La correction est souvent désignée sous le sigle TGC ("time gain compensation", en rappelant que le temps est lié à la profondeur)
L'atténuation dépend de la nature des matériaux traversés, de la fréquence de l'onde et de la profondeur x d'où provient l'écho. Pour les tissus mous de l'organisme le coefficient µ n'est pas très différent de l'un à l'autre, de sorte qu'on peut en accepter une valeur moyenne approchée, ce qui revient à associer la décroissance en intensité à une exponentielle pure (dans le graphe ci-dessous, on a supposé que les échos représentés ont la même intensité à l'origine et qu'ils ne se différencient dès lors que par la profondeur d'origine. On gardera à l'esprit que ceci est très simplificateur!).
Comme le système connaît la fréquence utilisée et qu'il calcule les profondeurs x, la correction en gain est accessible au calcul, par exemple en compensant tous les signaux par l'exponentielle inverse de l'exponentielle décroissante supposée, ce qui les ramène à l'intensité de départ (flèches vertes ci-dessus). Le côté intéressant est qu'une compensation exacte n'est pas requise et que ce qui est conçu au départ comme un moyen de correction peut se voir transformé en outil de traitement de l'image facile à manipuler. Par exemple, en choisissant une surcompensation, l'opérateur peut privilégier les structures profondes par rapport aux éléments de surface. Les fabricants peuvent même mettre à sa disposition une série de curseurs, chacun associé à une tranche en profondeur, qui permet d'appliquer des gains différents pour des x différents (flèches bleues ci-dessus), sachant que la pertinence de l'opération relève de l'art du manipulateur.
c.Compression logarithmique.
Après correction pour l'atténuation, les amplitudes des signaux traduisent l'intensité des échos lors de leur production en profondeur, ce qui dépend du phénomène impliqué (réflexion, diffusion, diffraction) et des caractéristiques des tissus concernés, à commencer par leur impédance acoustique. La dynamique de la gamme d'intensités reçues, de la plus ténue à la plus élevée, couvre de nombreux ordres de grandeur tout en restant mesurable par le récepteur. Utiliser cette échelle lors de l'étape de numérisation aurait pour conséquence que les valeurs hautes se retrouveraient converties sur une large gamme numérique alors que les valeurs basses seraient comprimées sur une gamme étroite. La formation d'une image par exemple, qui utilise typiquement 256 niveaux de gris, associerait les premières à une large palette de teintes, du clair au foncé, et ne réserverait aux dernières que quelques niveaux dans les gris très foncés.
Cela explique pourquoi ce n'est pas l'échelle linéaire des intensités qui se voit utilisée en définitive mais plutôt l'échelle logarithmique, qui a l'avantage de faire la même différence entre deux nombres séparés du même facteur quelles que soient leurs valeurs (lors du passage au logarithme, la différence entre 10 et 100 devient la même qu'entre 1 et 10). En fait, on reconnaîtra ici la démarche qui a permis la définition des niveaux d'intensité sonore exprimés en décibels.
d.Ultimes étapes
L'étape suivante est la démodulation du signal, qui consiste à gommer l'oscillation rapide, typique de la fréquence de l'onde ultrasonore, pour ne retenir que la hauteur de l'impulsion, hauteur qui est une mesure de l'intensité du signal.
Les impulsions passent ensuite par un discriminateur qui élimine les très petits signaux, lesquels représentent le plus souvent du bruit de fond.
La dernière étape consiste à digitaliser et à stocker l'information en mémoire ou/et à l'afficher sur écran.
3)Modes d'acquisition.
Les modes d'acquisition décrits ci-dessous sont d'habitude repris dans la littérature. Ils ont un petit côté obsolète, à moins que de les voir comme le point d'entrée, historique ou conceptuel, vers les modes d'acquisition 2D, 3D… et 4D!
a.Mode A
Le mode A, où le A peut-être pris pour "amplitude" ou pour désigner le mode premier, revient à mesurer l'amplitude des signaux en fonction de leur temps d'arrivée sur la sonde. C'est en somme le b-a-ba de l'échographie. Comme le temps est une mesure directe de la profondeur, on peut en déduire des informations comme la distance entre deux interfaces ou la taille de zones organiques. L'information ne concerne qu'une ligne unique sondée dans l'organisme.
Il semblerait que le mode A connaisse encore l'une ou l'autre application en mesures des distances.
b.Mode B
En mode B (B pour "brillance" ou pour mode second), l'échelle des temps est définitivement traduite en échelle des profondeurs et le signal est transformé sur écran en spot lumineux. L'intensité du spot est proportionnelle à l'amplitude du signal. Dès lors que la numérisation des impulsions électriques est acquise, on parle plutôt de conversion en niveaux de gris.
Ici aussi l'information n'est prise que sur une ligne de parcours de l'onde. Dans tout système capable de sonder rapidement des lignes voisines les spots à l'écran peuvent être affichées côte à côte de manière à construire progressivement l'image d'un plan. Le mode B est donc la base de l'acquisition des images 2D en niveaux de gris.
Mais il est aussi à la base du mode M décrit ci-après.
c.Mode M
Le mode M (M pour "mouvement") consiste à maintenir la source à l'écoute d'une ligne unique et à enregistrer l'information à intervalles réguliers. En affichant côte à côte à l'écran les spots en mode B, on visualise le mouvement des éléments réflecteurs situés sur la ligne.
L'échographie moderne a poussé très loin l'observation et l'enregistrement des mouvements au travers de techniques comme la 2D en temps réel ou l'écho-Doppler, techniques qui réduisent le mode M au rang modeste de précurseur.
d.Modes 2D, 3D, 4D
En mode 2D, on construit l'image d'un plan en affichant côte à côte des lignes jointives enregistrées en un temps court. On atteint aujourd'hui une haute qualité d'image grâce aux sondes à barrette large, où des sous-groupes d'éléments transducteurs donnant chacun une ligne sont activés les uns après les autres, ou aux sondes plus réduites mais à barrette phasée, où le faisceau voit sa direction modifiée à chaque cycle pour, au total, balayer une large zone angulaire. Cette dernière solution est intéressante pour imager une région large au départ d'une fenêtre d'émission étroite, par exemple pour observer le cœur entre deux côtes.
Ce type de balayage fonctionne à la vitesse de l'électronique, de quelques ordres de grandeur supérieure à celle d'un déplacement mécanique. Il en est de même pour le mode 3D qui suppose l'usage d'une sonde matricielle à deux dimensions. Dans ce type de sonde, un grand nombre de lignes sont enregistrées très rapidement les unes après les autres, chaque ligne apportant l'information pour un plan du champ de vue.
En fin de balayage on dispose en mémoire de l'information sur un volume complet au sein de l'organisme. Le reste est affaire de logiciels informatiques avec pour résultat des affichages impossibles à concevoir en mode 2D: Soit on en reste à un affichage plan mais avec la possibilité de reconstruire n'importe quelle coupe à l'intérieur du volume, coupe frontale, transversale ou oblique, soit, et c'est ce qu'on entend le plus souvent par échographie 3D, on reconstruit et on visualise une structure à trois dimensions, l'exemple le plus répandu étant celui du fœtus in utero. Le principe est connu dans d'autres techniques d'imagerie comme la scanographie, mais pour ce qui nous occupe on peut concevoir que sur chaque ligne de faisceau on repère la première occurrence d'un certain type de tissu, par exemple la peau du bébé, et ce quelle que soit sa profondeur sur la ligne. L'affichage de l'ensemble de ces points reproduit la forme complète.
En échographie 4D, la quatrième dimension est le temps: L'image 3D est capturée à intervalles réguliers. L'affichage sur écran de la séquence fait apparaître tout mouvement éventuel à l'intérieur du champ de vue.