Parcourir l'espace k
Imagerie par résonance magnétique (IRM) |
Chapitre VI: L’IRM rapide |
VI.C Parcourir l’espace k.
1)Qu’est-ce que l’espace k ?
(N.B. : Nous reprenons ici sous un point de vue un peu différent ce qui a été vu au chapitre II.D)
Soit une image quelconque, que pour la facilité du raisonnement nous supposerons en noir et blanc. De même qu’un signal temporel peut être décomposé en une série de fréquences simples qui le composent, l’image peut être vue comme une superposition d’ondulations simples de différentes longueurs d’onde, certaines plutôt larges (grandes longueurs d’onde) qui reproduisent la structure de base, d’autres plus étroites (courtes longueurs d’ondes) qui restituent les détails visuels. Plus fins sont les détails, plus courtes devront être les longueurs d’onde à inclure dans la description, ce qui est lié à la notion de résolution.
Pour le signal temporel, une fréquence f est l’inverse d’une période T. L’analogue dans l’espace est lié à l’inverse de la longueur d’onde, ce qu’on appelle le nombre d’onde, de symbole k (plus exactement, k est l’analogue de ce qu’on appelle la pulsation ω=2πf=2π/T)
Temps : période T (s) → ω=2πf=2π/T ←fréquence f (Hz ou s-1)
Espace : longueur d’onde λ → k=2π/λ ←nombre d’onde k (cm-1)
Pour retrouver l’ensemble des fréquences qui composent un signal temporel on utilise la technique mathématique dite de la transformée de Fourier (voir Ch.II.B.3). Il en est de même pour retrouver l’ensemble des k qui composent une image, si ce n’est qu’une image est un objet à deux dimensions et que le résultat en termes de k constitue lui aussi un plan à deux dimensions x et y. La transformation se fait non pas séparément en x et y mais globalement, en utilisant la formule de « transformée de Fourier 2D » vue au chapitre II.D. A rappeler également que l’opération est réciproque : La transformée d’une fonction a pour transformée cette même fonction. Ce point est important ici car en IRM l’information fournie par les antennes ne concerne pas directement l’image mais plutôt le plan des k, qu’il faudra acquérir entièrement puis convertir mathématiquement.
Un peu à la manière d’un hologramme en optique, chaque portion du plan des k contient de l’information sur la totalité de l’image, et inversement l’information sur chaque partie de l’image se voit répartie sur l’ensemble du plan des k. Au centre du plan, au voisinage de l’origine des axes, se trouvent les basses valeurs de k, donc les grandes longueurs d’onde, zone qui rendra en finale les grandes composantes de l’image en termes de noir et de blanc (contrastes de base). En périphérie se trouvent les hautes valeurs de k, donc les courtes longueurs d’ondes, qui dessineront mieux les contours et restitueront les détails fins (résolution).
Une image qui doit être traitée mathématiquement ne s’envisage que comme une matrice de nombres, correspondant à des pixels de dimensions (Δx,Δy). Il en est de même pour le plan des k , avec une propriété intéressante : la finesse du découpage d’un côté est liée à la largeur du plan de l’autre côté, et inversement. Ainsi en IRM, dans l’exemple très classique d’une séquence spin-écho, le temps Δt entre deux échantillonnages du signal définit le FOV (« field of view ») de l’image (voir Ch.II.C), et la largeur de la fenêtre d’échantillonnage définit la largeur d’un pixel, donc la limite de résolution (On parle bien ici de limite de résolution puisque rien n’empêche par ailleurs qu’un objet de la taille d’un objet très petit occupe plus de pixels qu’il ne devrait, ce qui correspond à la notion de flou et à la véritable résolution visuelle évoquée au paragraphe précédent)
2)Le plan des k en IRM
En IRM, une valeur de k en x ou en y dans le plan des k s’obtient en activant le gradient G correspondant, en x ou en y, pendant un certain temps t. Autrement dit dans un graphe qui montre le gradient activé en fonction du temps, la valeur de k est mesurée par la surface sous-tendue. La relation exacte est k=γGt, où γ est le facteur gyromagnétique défini en I.F.3 (unité radian.Tesla-1.s-1). Pour le lecteur intéressé, ce point important sera démontré en fin de chapitre.
Pour illustrer le lien entre k et le produit Gt, la séquence très classique de spin-écho est un bon point de départ. Dans cette séquence le gradient de phase Gφ est envoyé une première fois à une valeur élevée, suivi du gradient de fréquence Gf qui présente d’abord un demi-lobe négatif (Ch.IV.C) suivi d’un lobe positif pendant lequel le signal est échantillonné pour remplir la première ligne du plan de données brutes Gφ(te). Le cycle suivant ressemble en tout point au premier à l’exception du gradient de phase qui est un peu plus faible, ce qui permet de remplir la deuxième ligne du plan de données brutes… et ainsi de suite jusqu’à ce que le plan de données soit entièrement acquis. Donc, en données brutes, la variable horizontale est le temps te de capture de chaque échantillon sur le signal (on prend te=0 au centre de la fenêtre, à l’instant de la résonance spin-écho) et la variable verticale est le gradient de phase Gφ
Dans cette séquence très classique, il est facile de montrer que le plan de données brutes se ramène en fait directement au plan des k, dont on sait à présent qu’il se mesure par le produit Gt. On se représente en effet cette séquence avec un gradient de fréquence Gf constant tout au long de l’échantillonnage, de sorte que le fait de passer de la variable te à la variable Gfte, mesure de kx, revient à multiplier la première par une constante. De même, si on accepte l’idée (…un peu fausse) que l’application du gradient de phase Gφ occupe toujours le même temps tφ, alors ici aussi le passage de l’axe vertical vers la variable Gφtφ, mesure de ky, revient à une simple multiplication par une constante.
A présent, la séquence peut-être vue sous un autre point de vue, celui de l’espace k, et décrite avec d’autres mots, en termes de surfaces sous-tendues par les signaux de gradient en fonction du temps :
- Chaque cycle repart de l’origine du plan des k où kx=ky=0
- Le gradient de phase permet de se déplacer verticalement dans le plan. La ligne la plus haute est atteinte pour le gradient le plus élevé, les lignes inférieures pour des gradients plus faibles, les lignes à ky négatif pour des gradients inversés.
- Le demi-lobe négatif du gradient de fréquence permet de se décaler d’une demi-ligne vers la gauche, donc de se retrouver en début de ligne.
- Le lobe complet positif permet de balayer l’entièreté de la ligne de la gauche vers la droite.
- Chaque échantillon prélevé pendant ce balayage est attribué à la case du plan des k atteinte à l’instant de la mesure.
A ce stade les gradients de fréquence Gf et de phase Gφ apparaissent comme étant parfaitement équivalent. Ce sont deux gradients orthogonaux qui permettent de se déplacer dans l’espace k dans un sens ou dans l’autre. Dans la suite de ce chapitre nous attribuerons définitivement la direction x au gradient de fréquence, que nous noterons Gx, et la direction y au gradient de phase, que nous noterons Gy.
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L’équivalence des deux gradients est aussi physique : Quand on instaure Gφ, les protons tournent à des vitesses différentes selon leur position y, et c’est parce qu’ils tournent à des vitesses différentes qu’ils se décalent progressivement jusqu’à la valeur finale qu’on utilisera dans le traitement. Quand on instaure Gf, le but est que les protons tournent à des vitesses différentes selon leur position x, mais ce faisant ils se décalent aussi progressivement, effet qui a priori n’est pas souhaité ici, et raison pour laquelle on envoie préalablement un lobe de préparation négatif. Au passage on note que les impulsions de gradient qui tendent à éloigner le curseur de l’origine du plan des k, kx=ky=0, ont toujours comme effet d’accroître les déphasages entre protons, ce qui diminue l’intensité du signal par un effet d’interférence destructive. Par contre toute impulsion de gradient qui tend à se rapprocher de l’origine revient en fait à réduire les déphasages entre protons, donc à augmenter l’intensité puisque les signaux tendent cette fois à se renforcer mutuellement.
En définitive, si les gradients de fréquence et de phase se distinguent l’un de l’autre, c’est par rapport à la fenêtre de temps où on a décidé de mesurer le signal par échantillonnage. Il faut qu’au début d’une ligne de mesure les protons se distinguent par des phases différentes selon un axe, et qu’ensuite, tout au long de la ligne de mesure, ils se distinguent également par des différences de vitesse selon l’autre axe, ce qui permet par la formule y=y0cos(ωt+φ) de les localiser en (x,y) selon leurs deux caractéristiques (fréquence, phase). La distinction est donc plus mathématique que physique.
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3)Parcourir le plan des k
Ainsi donc une valeur k particulière est atteinte par un produit Gt (gradient x temps) particulier. On en déduit qu’une valeur k particulière peut être obtenue soit avec un gradient faible appliqué pendant un temps long, soit avec un gradient élevé appliqué pendant un temps court (partie gauche du schéma ci-dessous). L’IRM rapide privilégie bien sûr la seconde solution, avec une limite de type technologique liée à la vitesse avec laquelle on peut instaurer un courant électrique dans une bobine.
Le sens du déplacement dans le plan des k dépend du signe du gradient : un gradient positif permet de progresser dans un sens, un gradient négatif dans l’autre sens (partie centrale du schéma ci-dessous). Parler de gradient « positif » ou « négatif » se réfère en fait à la pente de la variation de champ, qui impose aux protons une vitesse de rotation croissante de gauche à droite, par exemple, ou de droite à gauche pour l’autre signe.
La formule Gt n’est en fait valable que lorsque l’impulsion de gradient est rectangulaire, de surface égale à la hauteur (G) fois la base (t). Cela suppose que le gradient est une constante… ce qu’il n’est jamais véritablement. Pour un gradient qui varie de façon quelconque dans le temps, la formule générale est une intégrale ∫Gdt (partie droite du schéma ci-dessous).
On peut ici reprendre des séquences vues précédemment et les décrire en termes de déplacement dans le plan des k. Ainsi dans la séquence ci-dessous (voir Ch IV.B), la première impulsion, négative, en Gy amène le curseur dans le bas du plan des k. Le premier lobe négatif en Gx le positionne dans le coin inférieur gauche. Puis vient le lobe positif en Gx pendant lequel s’opère un premier échantillonnage du signal, ce qui permet de remplir de gauche à droite la première ligne du bas. Vient ensuite une petite impulsion en y qui permet de monter d’une ligne, suivie d’un lobe négatif en x pendant lequel s’opère une nouvelle mesure : La deuxième ligne du plan est ainsi remplie de droite à gauche… et ainsi de suite. A noter que le signal s’amplifie au fur et à mesure qu’on se rapproche du centre du plan, pour s’amenuiser à nouveau au-delà. Sur une même ligne il est par ailleurs maximum au centre et plus réduit sur les bords.
Un parcours de ce type est dit cartésien parce que les déplacements sont parallèles aux axes x et y. Très utilisés également sont les parcours non-cartésiens qui couvrent le plan par des obliques ou des courbes. Dans ce cas, les mesures prises sur le signal ne correspondent pas, en général, exactement avec une case (kx,ky), ce qui demande simplement un logiciel de répartition de l’information sur les cases voisines.
La séquence radiale est un exemple de parcours non-cartésien, où l’échantillonnage se répartit sur un ensemble de droites inclinées issues de l’origine. Dans cette séquence, les gradients Gx et Gy sont activés simultanément mais avec des valeurs différentes. Par exemple dans le schéma ci-dessous, le premier lobe est tel que Gy=2Gx. Par ailleurs, l’échantillonnage du signal s’effectue pendant l’activation des deux gradients, de sorte que ty=tx mais avec des valeurs croissantes pour chaque échantillon. Autrement dit, dans notre exemple, on a Gyty=2Gxtx tout au long de la mesure : Dans le plan des k, les points s’alignent donc sur la droite ky=2kx.
Après échantillonnage, des lobes de gradient opposés permettent de ramener le curseur à l’origine, pour parcourir ensuite d’autres droites radiales selon le même principe (le schéma ci-dessous propose en deuxième et troisième position les droites ky=kx puis ky=kx/2).
Un parcours non cartésien très utilisé est le parcours en spirale, obtenu en activant Gx et Gy selon des fonctions cycliques décalées de π/2 (un sinus pour l’un, un cosinus pour l’autre) mais d’amplitude croissante.
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4)Démonstration de la relation k=γGt
En IRM, une antenne placée dans le plan transverse (x,y) génère un signal qui est échantillonné en différents endroits, mesures qui sont stockées en mémoire pour former le plan de données brutes. C’est la rotation de l’aimantation transverse M⊥ générée dans la matière qui induit ce signal dans l’antenne, avec une force électromotrice qui lui est proportionnelle (f.e.m.∝ M⊥).
La contribution à M⊥ d’une région très petite, en pratique un voxel, située aux coordonnées (x,y) dépend de la densité de protons à cet endroit mais aussi de leur alignement à l’instant de l’échantillonnage. Pour simplifier le raisonnement, le déphasage progressif des protons, qui se fait selon le temps caractéristique T2 ainsi que cela a été longuement discuté par ailleurs, ne sera pas pris en compte ici. Dans le formalisme des nombres complexes, on a :
…où ω(x,y) est la vitesse angulaire de rotation des protons à l’endroit considéré.
Pour avoir le signal complet, il faut tenir compte de l’ensemble des protons activés dans la coupe :
Or la vitesse angulaire ω dépend strictement du champ magnétique imposé au proton (voir I.G.2), champ magnétique égal au champ de base B0 augmenté de la contribution en (x,y) des gradients de champ Gx et Gy .
…où est le vecteur position qui pointe aux coordonnées (x,y) du proton.
Cela donne :
Par ailleurs, la transformée de Fourier d’une image répond à la formule :
En comparant les deux dernières expressions on voit qu’en acceptant la correspondance
…le signal échantillonné est une bonne mesure de la transformée de Fourier d’une image qui aurait pour objet de cartographier l'information contenue dans M⊥(x,y), à savoir le nombre de protons générant un moment magnétique transverse ainsi que leur alignement.
Ce qui précède suppose toutefois des gradients Gx et Gy constants. Pour des gradients variant dans le temps, la généralisation serait :
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