Physique pour la médecine

...la théorie!

Temps de base

Imagerie par résonance magnétique (IRM)

Chapitre VI:

L’IRM rapide

VI.A Réduction du temps pour une séquence classique.

1)Rappel

Dans une séquence spin-écho classique, où chaque excitation d’une coupe est suivie d’un écho unique, la durée d’une acquisition d’une image est donnée par :

Tacq = Nex Ny TR

…où TR est le temps de répétition, pendant lequel on acquiert une ligne du plan de Fourier, Ny est le nombre de lignes du plan de Fourier, chaque ligne correspondant à une valeur différente du gradient de phase, et Nex est le nombre de fois que se voit répété l’ensemble des mesures pour l’acquisition du plan de Fourier. Pour des TR longs de l’ordre du dixième de seconde ou plus, et des images de 128 ou 256 lignes (Ny) acquises deux ou quatre fois (Nex), on arrive facilement à des temps de quelques dizaines de minutes pour une seule image d’une coupe unique, ce qui fait problème à de multiples points de vue, comme le confort du patient, la qualité de l’image puisque le risque d’artefact est accru, ou encore le débit de patients dans le service d’imagerie. C’est pourquoi, dès les débuts de la technique IRM, de gros efforts ont été entrepris pour réduire ce temps d’acquisition. Ils ont été largement payants puisqu’on en arrive aujourd’hui à construire des images convenables en quelques dizaines de… millisecondes ! Bien entendu le prix à payer se porte le plus souvent sur la qualité du résultat final, plus particulièrement le rapport signal-bruit et/ou la résolution, mais le fait est que bon nombre d’applications ne demandent pas nécessairement un signal intense ou une image bien résolue et trouvent donc leur avantage dans les méthodes d’IRM rapide.

Ces méthodes sont nombreuses et variées. S’il fallait les classifier, autant que faire se peut, on pourrait les voir sur quatre niveaux : 1) Garder une séquence classique mais en réduisant les paramètres de base Nex, Ny.et/ou TR ; 2) Garder une séquence classique mais en exploitant les temps morts qui s’y trouveraient ; 3) Abandonner la séquence classique pour des méthodes plus rapides de remplissage du plan de Fourier ; 4) Démultiplier les capteurs extérieurs, ou antennes réceptrices, et combiner par électronique ou par calcul les signaux fournis simultanément. Le présent chapitre parle du niveau 1, la diminution de Nex, Ny.et/ou TR.

2) Réduire Nex

Choisir Nex plus grand que 1, donc repasser plusieurs fois sur la même image, c’est choisir d’augmenter le rapport signal-bruit SNR. On s’attend en effet à ce que d’une mesure à l’autre le signal reste constant alors que le bruit, qui est un paramètre fluctuant, sera tantôt plutôt élevé, tantôt un peu moins, de sorte que l’un compense l’autre en partie et que les fluctuations se voient ainsi réduites en moyenne. C’est d’ailleurs vrai chaque fois qu’il s’agit d’accumuler ou de ne pas accumuler de l’information, comme cela sera le cas plus loin avec le nombre de lignes qu’on acquiert dans le plan de Fourier.

Quand le bruit est de nature aléatoire, il suit la loi statistique typique de toute variable aléatoire (loi gaussienne, ou loi normale) selon laquelle les fluctuations relatives diminuent en racine carrée de l’amplitude. Dans le cas qui nous occupe, le rapport SNR s’améliore en  : Pour Nex=2 il s’améliore de 40% (√2≈1,4), pour Nex=4 il s’améliore d’un facteur 2, etc

Choisir un seul passage sur l’image, donc Nex=1, revient à renoncer à cet avantage.

3)Réduire Ny

Ny est le nombre de lignes de l’image finale, mais avant cela le nombre de lignes du plan de données brutes, dans le sens du codage de phase : Chaque ligne est associée à une valeur différente du gradient de phase, avec des gradients proches de zéro au centre du plan, et des gradients de plus en plus prononcés vers le haut et vers le bas du plan.

La hauteur Δy d’une ligne dans l’image finale définit la résolution en y. Elle est liée à l’importance des pentes maximum du gradient de phase. Le produit de Δy et de Ny donne le champ de vue FOVy en y.

Pour un champ de vue FOVy donné… et même imposé (!), il y a deux manières de réduire le nombre de lignes acquises selon y, ce qui réduit d’autant le temps global d’acquisition. La première consiste à diminuer le nombre de lignes de l’image finale, ce qui veut dire que la hauteur Δy d’une ligne sera plus grande, donc que la résolution en y sera moindre. Pour un Δx inchangé, cela veut dire aussi que la matrice spatiale sera faite de pixels rectangulaires et non carrés.

 

IRM VIA 1

 

Outre la résolution, le rapport signal-bruit est également réduit puisque la quantité d’information récoltée est moindre (Rappelons en effet que lors de l’acquisition, et avant transformée de Fourier, chaque case du plan de données brutes contient de l’information sur l’ensemble de l’image finale).

Une autre approche consiste à garder la résolution inchangée mais à n’acquérir qu’une moitié des lignes du plan de Fourier: la moitié haute ou la moitié basse… à vrai dire la moitié plus une ligne pour être certain d’avoir un ensemble fermé. L’autre moitié est reconstruite par calcul en se basant sur les propriétés mathématiques de l’intégrale de Fourier. Pour comprendre l’idée, il faut rappeler que des nombres complexes du genre eiA et e-iA s’expriment par :

eiA = cosA + i sinA

e-iA = cosA - i sinA

Ce sont donc des complexes conjugués[1], et on comprend que si on connaît l’un, on peut en déduire cosA et sinA et de là calculer l’autre. Par ailleurs, le contenu d’une case du plan des k est donné par (voir Ch.II.D ; voir aussi le prochain chapitre, Ch.VI.B, où cette formule sera démontrée en partant de la base de l’IRM) :

 IRM VIA 6

Le schéma ci-dessous montre alors que, dans le plan des k, le quadrant supérieur gauche est le conjugué du quadrant inférieur droit et que le quadrant supérieur droit est le complexe conjugué du quadrant inférieur gauche[2]… et que dès lors la moitié basse peut-être recalculée au départ de la moitié haute, ce qui est l’objet de ce paragraphe, de même que la moitié gauche peut être retrouvée au départ de la moitié droite, ce qui sera exploité au prochain paragraphe (VI.A.4). A noter que dans les formules qui apparaissent sur ce schéma, et afin de rendre la conclusion plus évidente, on a convenu que kx et ky sont à voir en valeur absolue, donc de noter -kx et -ky les valeurs négatives de kx et ky (alors que normalement, pour des valeurs algébriques, le signe est implicite).

 IRM VIA 2

S’agissant de n’acquérir qu’une moitié des lignes du plan k pour reconstruire l’autre moitié par calcul, le nombre de lignes de l’image finale ne change pas, de sorte que la résolution reste la même. Par contre le rapport signal bruit est diminué puisqu’ici aussi on récolte moitié moins d’information sur l’image globale.

4) Choisir un TR court..

Un TR long est un TR qui laisserait le temps aux différentes exponentielles de repousse de retrouver leur valeur de plateau, soit quatre ou cinq fois le T1 le plus élevé des tissus concernés. Renoncer à cela pour travailler à TR court peut amener des gains de temps considérables : On peut envisager ici des facteurs 10 en termes de réduction du temps d’acquisition, alors que précédemment on ne pouvait parler que d’un facteur 2 ou un peu plus. Le choix d’un TR court implique plusieurs choses :

  • On renonce à des images fortement pondérées en T2 ou en densité de protons, deux paramètres qui supposent des temps de repousse importants.
  • Les exponentielles de repousse n’atteignent pas leur valeur de plateau, ce qui entraîne une saturation de la population de protons, comme décrit au chapitre IV.D où on voit aussi qu’on a alors avantage à utiliser des angles de bascule inférieurs à 90° et travailler par état d’équilibre (steady state).
  • Contrairement à Nex et Ny, la réduction de TR n’entraîne pas a priori de perte en termes de qualité d’image. Quand cela se produit, cela provient d’autres aménagements effectués simultanément dans la séquence IRM.

Si on conserve une séquence de spin écho classique, la limite à la diminution de TR est le temps d’écho TE augmenté de ce qu’il faut pour terminer l’échantillonnage du signal. On peut gagner un peu en débutant l’échantillonnage un peu avant l’écho et en ne conservant que la seconde moitié de la fenêtre de mesure. Dans ce cas l’acquisition du plan de données brutes se limite à une bonne moitié droite, la partie gauche étant reconstituée par calcul comme cela a été suggéré au paragraphe précédent. Il est possible alors de diminuer un peu TE et de raccourcir TR en conséquence en le resserrant sur la nouvelle configuration. Le rapport signal-bruit est moins bon que pour une séquence normale.

 IRM VIA 5

Pour travailler encore plus court, il faut renoncer au spin-écho et adopter une séquence en écho de gradient (Ch.IV.C) , avec un angle de bascule généralement faible et une image contrastée en T2*. Le temps TR peut ici être amené à des valeurs très basses, tellement basses qu’on en arrive à des situations où l’aimantation transversale n’est pas nulle à l’envoi de la nouvelle excitation, ce qui justifie que la séquence se termine soit par un gradient rephaseur, soit par une impulsion de type « spoiler » (destruction de l’aimantation transversale résiduelle). L’écho de gradient et les notions associées font l’objet des chapitres IV.C et IV.D.

 


[1] Des nombres complexes conjugués sont de la forme a+ib et a-ib, où donc les parties réelles sont égales et les parties imaginaires opposées.

[2] Partant de là, on parle parfois du plan k comme d’une matrice hermitienne. C’est le cas si le nombre de lignes est égal au nombre de colonnes, puisqu’une matrice hermitienne est par définition une matrice carrée (!) qui ne change pas si on prend le conjugué de tous ses éléments et qu’ensuite on la transpose, ce qui veut dire qu’on permute toutes les paires d’éléments symétriques par rapport à la diagonale principale.