Tomodensitométrie (scanner) |
Chapitre II: Matériels et méthodes. |
II.D. Autres systèmes.
Note: De nombreux auteurs parlent en termes de "générations" pour décrire des systèmes de scanner qui se sont succédé sur quelques années (les années 70) et forment en réalité la genèse de la tomodensitométrie. Dans ce schéma, la première génération est le prototype de Hounsfield, à savoir un tube à rayons X et un détecteur unique qui opèrent un premier balayage par translation, puis pivotent d'un petit angle pour entamer un second balayage, et ainsi de suite. La seconde génération est cette même machine où on a commencé à démultiplier le nombre de détecteurs pour augmenter la vitesse d'acquisition (éventail partiel). La troisième génération est le fan-beam, qui se confond aujourd'hui avec le scanner de base et fait l'objet des chapitres précédents, et la quatrième génération est le scanner à anneau complet de détection, décrit ci-dessous. A notre connaissance, Bushberg et al. sont les seuls à avoir poursuivi la logique en montant à sept générations dans leur édition de 2002. Il est vrai qu'à ce jeu on risque vite des désaccords sur la numérotation… et la complétude!
1) Anneau de détection.
De conception postérieure au fan-beam, vers la fin des années 70, ce système a dû s'effacer devant les performances de celui-ci en rotation continue. Les détecteurs se disposaient sur un anneau complet de 360° et étaient donc assez nombreux. Dans les derniers modèles on en a compté jusqu'à 4800, soit typiquement six fois plus que dans un fan-beam. Seul le tube à rayons X tournait selon une trajectoire circulaire intérieure à l'anneau de détection, statique quant à lui. Cela réduisait de beaucoup la masse en rotation et donc les contraintes mécaniques liées à des vitesses élevées dans ce type de mouvement (effets centrifuges). Par contre le faisceau se devait en principe d'être plus ouvert à la sortie du tube de manière à couvrir l'entièreté de la section à imager, ce qui ne favorise pas la résolution spatiale.
Dans un fan-beam, chaque détecteur est lié à un angle d'émission fixe par rapport à la sortie du tube (éventail d'émission: dessin de droite ci-dessus) alors que pour un anneau statique, vu le mouvement du tube, chaque détecteur reçoit de l'information en provenance de toutes les directions d'émission (éventail de détection: dessin de gauche ci-dessus). Se rappelant par ailleurs que l'atténuation globale µ sur un trajet du faisceau dépend de l'intensité transmise It sur ce trajet comparée à l'intensité à l'émission I0 (plus exactement, on a µ=ln(I0/It)), et constatant que I0 ne peut être évalué qu'aux grands angles, là où le faisceau ne traverse pas l'objet, il apparaît que dans un fan-beam un éventuel contrôle de I0/It utilise obligatoirement deux détecteurs différents, alors que dans un anneau statique chaque détecteur peut assurer les deux mesures, ce qui permet de se préserver de légères différences en sensibilité ou en gain électronique entre éléments. Il semble toutefois que les techniques modernes de fabrication puissent aujourd'hui garantir une bonne homogénéité et une grande stabilité dans les ensembles de détection.
Le défaut principal du système en anneau vient de sa géométrie: Par construction les détecteurs doivent se voir orientés vers le centre de symétrie, ou isocentre de rotation du tube, alors que dans un fan-beam on peut donner à l'éventail une courbure centrée sur le foyer d'émission des rayons X (dessin de droite ci-dessus). Ainsi, des septa de séparation conçus pour lutter contre la diffusion ne peuvent être, dans le premier cas, focalisés dans la bonne direction alors que cela paraît naturel dans le second cas. C'est probablement en grande partie ce problème de collimation qui a compromis le développement de ce type de machine.
2) Scanner à faisceau d'électrons.
Le scanner à faisceau d'électrons a ceci de remarquable qu'il ne demande aucun mouvement mécanique, ce qui élimine bon nombre de contraintes à la fabrication et au fonctionnement. Très rapide mais limité à des champs de vue plutôt restreints, il s'est vu utilisé principalement (mais pas exclusivement) en cardiologie où, avec des temps de scan aussi courts que 50ms, il permet d'explorer une phase précise du cycle cardiaque.
Un canon à électrons génère et accélère un faisceau d'électrons qui passe ensuite dans un ensemble de bobines de focalisation, puis dans des bobines de déflexion qui le dévient par champ magnétique vers des cibles de tungstène situées sous le patient[1]. Les cibles ont la forme de larges arcs et sont disposées les unes derrière les autres de manière à couvrir une largeur de vue adaptée au cœur humain. La déflexion est programmée de manière telle que le faisceau d'électrons balaie rapidement l'arc de la première cible, pour passer ensuite à la suivante et ainsi de suite, le tout dans un temps de l'ordre de 50 à 100ms. Le faisceau de rayons X généré par l'impact des électrons sur le tungstène traverse le corps du patient pour être ensuite mesuré par un arc de détecteurs situés à l'opposé des cibles.
Proposé dès les années 70, le système a connu quelques réalisations, dont l'Imatron proposé en 2002 par GE medical systems, mais il n'a jamais représenté une véritable alternative au fan-beam, y compris sur son terrain de prédilection qu'est la rapidité d'exécution, aujourd'hui égalée en mode hélicoïdal multibarrettes. Son coût élevé et une qualité d'image réduite ne plaident pas non plus en sa faveur… en attendant, qui sait, un renouveau, car l'idée d'un imageur sans mouvement mécanique continue certainement à occuper les esprits.
3) Scanner double-source.
Contrairement aux systèmes précédents, le scanner double-source s'est forgé un large créneau d'applications et équipe aujourd'hui de nombreux services. Il s'agit d'un imageur de type fan-beam où on a dédoublé l'ensemble tube-éventail de détection. Le deuxième ensemble est disposé à 90° du premier.
La puissance X est multipliée par deux et le temps de scan… divisé par deux, puisqu'il faut un quart de tour au lieu d'un demi-tour pour obtenir toute l'information sur une coupe sur 180°. Ainsi, pour une vitesse de 3 tours par seconde, vitesse accessible actuellement, la résolution temporelle peut atteindre 333/4=83ms. Ce facteur 2 apporté par le système double source est par exemple de nature à faire la différence en imagerie du cœur, où une résolution de ce genre est nécessaire pour cerner convenablement une phase du cycle cardiaque
Compte tenu de ces avantages on pourrait songer à démultiplier plus encore le nombre de tubes, mais l'encombrement des éventails de détection ne peut se résoudre qu'en les éloignant, ce qui augmente la taille de la machine et son coût. Certains prototypes s'y sont essayés, sans véritable succès.
Un système à double source peut aussi fonctionner en double énergie en jouant sur des hautes tensions et des filtrations différentes pour les deux tubes. Les scans à double énergie offrent un contraste intéressant entre deux classes de matériaux préalablement sélectionnés sur base de leur différence en termes d'absorption des rayons X, comme le fait l'ostéodensitométrie pour séparer les tissus osseux des tissus mous (Le principe de la tomodensitométrie à double énergie est développé par ailleurs)
4) PET-CT et SPECT-CT.
La tomographie par émission de positrons TEP, ou PET-scan, largement décrite dans le sujet "médecine nucléaire", joue un rôle unique et indiscuté en imagerie fonctionnelle mais les images qu'elle fournit sont pauvres en détail anatomiques, ce qui rend parfois difficile la localisation exacte de tel ou tel centre d'émission. La faible résolution spatiale est inhérente à la technique et ne sera sans doute jamais notablement améliorée. Comme il s'agit là, à l'inverse, de la grande force de la tomodensitométrie, l'idée est tôt venue de coupler les deux types d'imageurs dans un seul et même ensemble. La table est d'abord positionnée pour la première prise de données, puis elle est amenée par simple translation vers le deuxième imageur pour la seconde prise de données. Le patient garde la même position pendant toute l'opération, ce qui rend fiable la superposition des deux images et par là une bonne localisation anatomique des zones d'émission obtenues par TEP.
Le même genre de considération vaut pour la gamma-caméra utilisée en mode tomographique, ou technique SPECT ("single photon CT", par opposition au PET scan qui utilise les deux photons émis simultanément par un positron; gamma-caméra et SPECT sont décrits dans le sujet "médecine nucléaire"). La scintigraphie classique sur base de gamma-caméra, y compris donc la SPECT, est de plus en plus concurrencée par la tomographie TEP, mais il semble que son coût réduit soit pour elle un atout majeur qui pourrait garantir l'avenir (écrit en 2015) des machines hybrides SPECT-CT.