Imagerie par résonance magnétique (IRM) |
Chapitre III: Résonance magnétique. |
III.B Relaxation
1) Retour à l’état initial
Nous supposerons dans ce qui suit un signal de résonance 90° qui permet de basculer l’aimantation longitudinale dans le plan transverse. Accessoirement on se souviendra que ce signal dure tout au plus quelques dizaines de microsecondes.
Quand la résonance s’arrête, le système tend à retrouver progressivement son état initial. L’aimantation longitudinale Mz qui était devenue nulle se met à croître à nouveau pour retrouver peu à peu sa valeur de départ que nous noterons désormais Mz0. L’aimantation transversale Mxy quant à elle entame sa décroissance pour tendre assez rapidement vers zéro, sa valeur initiale.
Ce qu’il est important de réaliser c’est que ces deux composantes étaient liées l’une à l’autre pendant la résonance mais se comportent indépendamment l’une de l’autre dès que B1 est éteint. Pendant la résonance, B1 imposait sa loi, et le vecteur d’aimantation globale M y répondait en pivotant autour de lui. Les deux composantes de ce vecteur, Mz et Mxy, étaient dans ce mouvement en permanence reliées par la relation Mz²+Mxy²=M², de sorte que lorsque l’une diminuait l’autre augmentait selon cette loi. Lorsque cesse la résonance, chacune de ces composantes reprend son indépendance et évolue librement. En fait l’aimantation transversale diminue beaucoup plus vite, typiquement dix fois plus vite, que n’augmente l’aimantation longitudinale de sorte que l’extrémité du vecteur M qui pendant la bascule décrivait une spirale sur une sphère dessine cette fois une sorte de trompette, comme le suggère la figure suivante.
2) Relaxation longitudinale
a.Temps de relaxation T1
Dès que s’arrête le signal de résonance, l’aimantation longitudinale Mz se remet à croître. La loi suivie est une fonction de type exponentielle dont la caractéristique est notée T1 et qui tend à rejoindre asymptotiquement la valeur d’équilibre Mz0. T1 est souvent appelé temps de relaxation longitudinale.
La caractéristique d’une exponentielle se retrouve graphiquement en prenant la tangente en un point, par exemple l’origine, et en prolongeant jusqu’à l’asymptote horizontale. Bien entendu plus T1 est court plus rapide est la croissance. Numériquement, lorsqu’il s’écoule un temps t=T1, Mz a retrouvé (1-e-1)=63% de sa valeur d’équilibre. Pour des temps égaux à 2T1, 3T1,… Mz a repoussé respectivement de (1-e-2)=86%, (1-e-3)=95%,…(On trouve le même résultat en ajoutant chaque fois 63% de la valeur manquante, par exemple 63%+0,63*37%=86%). Si on adopte comme critère de repousse définitive la valeur de 99% il faut attendre au moins cinq fois T1 pour dépasser ce niveau.
b.Dépendance vis-à-vis du milieu
Ce qui est remarquable en ce qui concerne T1 c’est qu’il peut varier considérablement d’un tissu à l’autre et que dès lors il convient bien pour les différencier et en définitive pour construire des images. Nous savons déjà qu’il n’est pas le seul paramètre dans la course : La densité en protons influence elle aussi directement l’intensité du signal IRM. Là où il y a peu de protons le signal sera faible, là où ils sont nombreux le signal sera élevé, mais il se fait que dans le corps humain la densité protonique ne change pas tant que cela d’une région à l’autre, des variations de 15 à 20% étant à peu près ce qui peut se trouver de mieux pour ce qui concerne les tissus mous. Le temps de relaxation se révèle souvent plus sensible que cela. La figure ci-dessous montre la repousse de Mz dans trois tissus de T1 différents. On y a gommé l’effet de la densité protonique pour y faire apparaître une région temporelle où les aimantations sont très différenciées (La densité protonique se manifeste par des Mz0 différents puisque plus il y a de protons plus il y a de ups en excès lors de l’équilibre thermique. Les trois courbes ont donc été normalisées aux valeurs de Mz0)
L’idée serait de mesurer les aimantations z à un moment choisi et de leur attribuer, en vue de la construction d’une image, des niveaux de gris qui seraient fonction de leur intensité. Il est d’usage de projeter vers le blanc les signaux élevés et vers le noir les signaux faibles.
Bien entendu dans la réalité il n’est pas question de se libérer de l’influence du paramètre « nombre de protons ». Cela implique au niveau des courbes quelques différences de comportement, entre autres le fait que deux d’entre elles peuvent se croiser, mais cela ne modifie en rien la philosophie de base. La figure ci-dessous reprend de façon réaliste les courbes des trois milieux principaux du cerveau sain, à savoir la matière blanche MB, la matière grise MG et le liquide céphalo-rachidien LCR. On voit que la question de base reste le choix de l’instant où sera prise la mesure.
c.Le comment et le pourquoi (…ou pas!)
La relaxation longitudinale s’explique par un retour à l’équilibre thermique initial. Le champ de résonance avait injecté de l’énergie dans le système. Des protons de basse énergie, au niveau up, étaient montés vers le niveau down de haute énergie jusqu’à ce que les populations des deux niveaux s’équilibrent et qu’il n’y ait donc plus d’excès de l’un par rapport à l’autre. Quand B1 s’arrête, les transitions spontanées reprennent le dessus, les protons du niveau haut tendent à redescendre en restituant l’énergie reçue et les chocs thermiques équilibrent cela en limitant l’excédent de ups au faible montant discuté au §III.A.c, restituant ainsi l’état initial. L’interaction avec le milieu environnant joue ici un rôle prépondérant, raison pour laquelle le temps de relaxation longitudinale T1 est souvent appelé aussi temps de relaxation spin-réseau.
Reste à expliquer pourquoi T1 varie ainsi d’un milieu à l’autre. A ce sujet la littérature ne donne pas de réponse simple, et nous n’en donnerons pas ici non plus. Bien des auteurs argumentent que T1 diminue lorsque les protons sont soumis de la part de leur environnement à des phénomènes dont la fréquence se rapproche de la fréquence de transition down-up, ce qui accélérerait le processus, un peu comme dans un laser les sauts d’énergie se voient induits par des photons de résonance. Ces phénomènes sont souvent identifiés aux chocs des molécules voisines qui se font à un rythme différent selon la taille de ces molécules, d’où une relaxation plus ou moins rapide. On trouve aussi des allusions à des vibrations internes au milieu et dont la fréquence pourrait être plus ou moins proche de la bonne valeur, mais il est à craindre que ces explications se réfèrent aux origines de la RMN qui utilisaient comme support des cristaux (l’expression « spin-réseau » vient d’ailleurs de là). Il est vrai que dans les cristaux les phénomènes vibratoires sont prépondérants, avec toute la théorie associée dite des phonons, mais le fait de transposer cela dans des milieux amorphes comme les tissus organiques n’est sans doute pas pertinent. Le plus sage est sans doute de considérer qu’il y a dans cette partie de l’IRM une approche purement phénoménologique. C’est d’ailleurs de façon purement empirique qu’ont été évaluées les valeurs connues pour T1 dans toute une série de milieux biologiques.
3) Relaxation transversale
a.Temps de relaxation T2
Tout comme l’aimantation longitudinale, l’aimantation transversale tend à retrouver son état antérieur, à savoir une valeur nulle, dès lors que s’éteint le champ de résonance B1. Le vecteur Mxy, en rotation autour de B0 à la vitesse de Larmor des protons, voit sa norme diminuer progressivement. La loi suivie est une exponentielle décroissante de caractéristique T2. T2 est toujours beaucoup plus court que T1, typiquement une dizaine de fois.
T2 est appelé temps de relaxation transversale. Lorsque t=T2 le signal est réduit à e-1=37% de sa valeur initiale notée M0 ci-dessus. Pour t=2T2, 3T2, … il n’en reste plus que e-2=14% (ou encore 37% de 37% !), e-3=5%,….
Contrairement à la remontée de Mz, la décroissance de Mxy est directement mesurable par une antenne placée dans le plan (x,y), avec une nuance de taille : L’antenne ne voit passer qu’à intervalles régulier le vecteur d’aimantation devant elle, et de façon générale elle n’en voit que la projection sur son axe principal. Le signal induit grâce à la loi de Faraday (§I.D.2) est sinusoïdal et d’amplitude décroissante. L’exponentielle ci-dessus ne doit être vue que comme l’enveloppe mathématique des maximums enregistrés. Ce signal, fondamental en IRM, est appelé signal FID, pour « free induction decay ».
Il est remarquable que ce qui est ainsi enregistré contienne plus d’information que la simple exponentielle décroissante. La fréquence FID est bien sûr la signature de la rotation des protons mais elle dépend en outre du champ principal dans lequel ils baignent (§I.G.2). L’idée sera plus tard d’imposer des champs légèrement différents d’un point à l’autre du volume à explorer, de sorte que si l’antenne est capable, et elle le sera, d’identifier les fréquences associées il sera possible de localiser leur provenance et par là de construire une image. Ce sujet sera longuement développé au chapitre IV.
b.Dépendance vis-à-vis du milieu
Quand la résonance imposait sa loi, les protons se sont mis à tourner en phase, ce qui a fait apparaître l’aimantation transversale. Quand elle s’arrête, des déphasages apparaissent, il est vrai progressivement, ce qui provoque la diminution de Mz. A supposer qu’un chef d’orchestre s’arrête brusquement de battre la mesure, peu importe la raison, les musiciens continueraient en rythme pendant un certain temps mais la cacophonie s’installerait peu à peu, pour devenir complète en fin de compte. Ce qui provoque le déphasage d’un noyau d’hydrogène c’est la présence dans son voisinage d’autres protons qui génèrent localement des champs magnétiques auxquels ils sont mutuellement sensibles. Ces influences sont peut-être légères mais elles suffisent à provoquer ici et là de petits décalages et de là une perte de cohérence dans les rotations. Contrairement à la relaxation longitudinale qui relève plutôt d’interactions mécaniques entre molécules, on a donc affaire ici à des influences électromagnétiques à distance entre moments magnétiques. Pour cette raison le temps de relaxation transversale T2 est parfois appelé aussi temps de relaxation spin-spin.
Nous venons d’évoquer des interactions entre protons mais à vrai dire tous les noyaux, quelle que soit leur nature mais qui possèdent un moment magnétique, peuvent jouer un rôle dans l’apparition de déphasages. Mieux encore, si des atomes paramagnétiques sont présents le processus s’en trouvera accéléré étant donné l’intensité du magnétisme atomique, nettement supérieure à celle du magnétisme nucléaire (ChI.F).
Il ressort de cela que tout comme T1, et de manière sans doute plus facile à appréhender, T2 dépend fortement de la composition du milieu, de sorte que pendant la décroissance de Mxy les signaux peuvent s’avérer par moment très différents en intensité. La figure ci-dessous évoque cela. Les valeurs initiales y ont été artificiellement normalisées afin de mieux mettre en évidence l’effet de T2.
Comme pour l’aimantation longitudinale, l’idée serait d’effectuer la mesure à un moment choisi et d’attribuer un niveau de gris à chaque niveau de signal. Ici aussi le blanc est attribué à un signal haut et le noir à un signal bas. A noter que dans la figure suivante les courbes ne démarrent plus nécessairement du même point et peuvent même se croiser, ce qui est à vrai dire plus réaliste.
L’ordre des intensités en T2 peut être complètement différent de l’ordre des intensités en T1 : Trois milieux qui se voient attribuer respectivement du blanc, du gris et du noir dans un cas pourraient se voir projeter sur du noir, du blanc et du gris, par exemple, dans l’autre cas. Une image pondérée en T1 peut donc différer d’une image pondérée en T2 et le cas échéant apporter de l’information autre. En y ajoutant la densité protonique qui module elle aussi les signaux fournis par les différents tissus, nous avons là trois paramètres sur lesquels l’IRM peut compter pour optimaliser les contrastes, ce qui lui confère dans le monde de l’imagerie une souplesse inégalée de ce point de vue.